Le foot, dans la vague d’autres sports, a fait sa révolution vestimentaire. Dernière nouveauté en date, pour le Mondial 2023 qui se déroule actuellement en Australie/Nouvelle-Zélande, les équipes ont mis le short blanc au placard pour des couleurs plus adaptées en période de règles.
Les équipes nationales féminines de football n’ont leur propre maillot que depuis 2019. Le saviez-vous ? Avant cette date charnière de la Coupe du monde organisée en France, les joueuses portaient le même modèle que leurs homologues masculins. Seule la forme de la tunique était ajustée, légèrement plus cintrée. Derrière cette nouveauté dans le vestiaire se reflètent la marque du développement du football féminin et l’ampleur prise par les grands évènements qui le rythment (Mondial, Euro, Ligue des Nations) auprès des médias et du public. Les équipementiers des sélections nationales se sont adaptés. Les joueuses françaises évoluent pour la Coupe du monde en Australie-Nouvelle-Zélande avec un maillot bleu avec des traits courbés, s’inspirant de l’Orphisme, mouvement artistique des années 20, date à laquelle le football féminin a émergé. Les maillots entrent désormais dans les mœurs et dans l’histoire.
Les maillots : des objets de lutte
Suivant ce courant, une marque française spécialisée dans les tenues spécifiquement conçues pour les femmes à vu le jour, Alké, sentant le marché en demande. Avec plus de 220 000 licenciées désormais (contre 87 863 pour la saison 2011-2012), le football féminin a besoin d’équipements sur-mesure. « Quand j’ai commencé à pratiquer le foot de manière plus régulière, il n’y avait pas de rayon féminin dans les grandes enseignes, développe Claire Allard, la présidente et co-fondatrice de la marque, qui a joué pendant plusieurs années en amatrice. Les vêtements proposés était soit des tailles enfants pas adaptées, soit le rayon hommes, dont les coupes étaient beaucoup trop grandes. Pareil pour les tenues fournies en club. C’était des modèles masculins, juste la couleur changeait, souvent pour du rose, renforçant la sexualisation. » Elle décide alors de consulter les joueuses évoluant en loisir pour connaître leurs besoins, avant de confectionner des maillots pensés par des femmes pour les femmes. « On a travaillé sur les coupes, le choix des matières, plutôt douces, légères et confortables, pour créer des modèles qui ressemblent le plus aux joueuses. »
Cette initiative porte également un message. « Le maillot est bien plus qu’un simple vêtement, c’est un objet de lutte. Il permet aux femmes de revendiquer leur place sur le terrain », porte Claire Allard. Dans le football comme dans de nombreux sports, les tenues ont ainsi été un objet de revendications.
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Briser un tabou
Récemment, les footballeuses internationales ont donné de la voix pour défendre le droit de pratiquer dans les meilleures conditions, avec un équipement adapté. Lors de l’Euro 2022, les joueuses anglaises ont soulevé le problème de porter un short de blanc, une couleur salissante, évoquant un stress et une gêne en période de règles. « C’est très sympa d’avoir une tenue toute blanche, mais parfois ce n’est pas pratique en période de règles (…), confiait Beth Mead, l’attaquante d’Arsenal auprès du média anglais The Telegraph. Nous en avons discuté en équipe et nous en avons fait part à Nike. » Difficile d’évoquer ce sujet encore tabou publiquement et de demander de changer une couleur d’envergure nationale, mais plusieurs joueuses leur avaient apporté leur soutien comme Wendie Renard, qui avait déclaré : « Je félicite les Anglaises. S’ils peuvent faire de même pour nous, ça serait cool. »
Et elles ont obtenu gain de cause pour le Mondial 2023 en Australie et Nouvelle-Zélande, où elles se sont récemment qualifiées pour les huitièmes de finale. Les championnes d’Europe jouent désormais avec un maillot blanc et un short bleu. Le pli de la fédération anglaise et de l’équipementier s’est également répercuté sur les Bleues, qui elles aussi ont délaissé le blanc pour le bleu lorsqu’elles jouent avec leur maillot extérieur, comme lors du troisième match de poule face au Panama (5-2), mercredi.
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Changer les mentalités
La question du port de vêtements blancs chez les sportives avait également été soulevée dans le tennis à Wimbledon, où la tenue immaculée est de rigueur. Le Grand Chelem sur gazon avait ensuite annoncé modifier son strict code vestimentaire, en permettant aux joueuses de porter des sous-shorts de couleur foncée dès l’édition 2023.
« Dans tous les sports, le vêtement est à questionner pour sortir du prisme de la sexualisation des corps encore trop souvent privilégiée et qui ignore souvent les conséquences que ça peut avoir sur la performance et le confort des joueuses, estime Claire Allard. Et finalement qu’elles n’ont pas choisi, car ces vêtements sont imposés par des règlements, qui ont la plupart du temps été écrits par… des hommes. Mais les choses changent, les femmes prennent le contrôle de leur corps et de ce qu’elles veulent porter. La mode doit les accompagner. »
Comme le beach volley, le handball, la gymnastique et d’autres sports, le football ne fait pas figure d’exception et fait évoluer ses codes vestimentaires, pour changer les mentalités.
Crédit photo : FIFA
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