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JO – Lucile Lefèvre : « On ne peut pas rivaliser avec celles qui se préparent au mieux, on ne joue pas dans la même cour »

Ludivine Ducellier
16.02.2022

Les Jeux olympiques de Pékin 2022 sont les derniers de la snowboardeuse Lucile Lefèvre. Blessée au genou, son parcours s’est arrêté prématurément dès les qualifications de slopestyle et de big air. Elle dresse le bilan de sa quinzaine.

Remarquée avec son déguisement de tigre lors de la manche qualificative de slopestyle de ces JO de Pékin, Lucile Lefèvre revient sur sa blessure au genou, l’arrêt de sa carrière et ses projets futurs. 

Les Sportives : Quel bilan tirez-vous de ces Jeux olympiques de Pékin 2022 ?

Lucile Lefèvre : Sur l’événement en lui-même, l’organisation, l’ambiance et les infrastructures, je n’ai rien à dire. C’était vraiment bien. À l’inverse, je suis un peu déçue et frustrée de mes résultats, je n’ai pas réussi à faire ce que je souhaitais. Mais c’est l’événement qui compte. Ce n’est qu’une course, la dernière pour moi, ces résultats ne définissent pas ma carrière alors je profite des à-côtés au maximum, du temps qu’il reste auprès de la délégation française et des autres.

Lucile Lefèvre

Dernier départ pour Lucile Lefèvre lors des qualifications de slopestyle de ces JO de Pékin.

Vous avez annoncé mardi être blessée au genou. Comment est-ce arrivé et quel a été votre sentiment lorsque vous avez appris cette nouvelle ?

Mon genou a d’abord gonflé dans l’avion en arrivant à Pékin. Au début, ce n’était pas dramatique. Je n’avais pas mal, j’ai pu faire le slopestyle plutôt correctement. Puis, sans trop savoir pourquoi, la douleur a été plus intense pendant la préparation du big air. J’étais en incapacité de sortir les sauts pour lesquels je travaillais depuis quatre ans. Pourtant, je savais que j’avais des chances de me qualifier pour la finale mais je n’ai pas voulu laisser la déception prendre le dessus. La vie continue, elle est belle, tout va bien. J’ai relativisé et mon cerveau a fait le deuil de rêves de médailles.

Pour vous, c’est une répétition de vos JO à Pyeongchang. Vous aviez dû déclarer forfait avant l’épreuve de big air ?

En 2018, je n’avais pas le même niveau technique. Ma qualification était déjà un exploit. Cette année, je pouvais largement me qualifier pour la finale, j’en avais les moyens. À côté de ça, nous sommes peu aidées par la fédération. Comparé aux autres nations, il y a une différence énorme. On ne peut pas rivaliser avec celles qui se préparent au mieux, on ne joue pas dans la même cour. Mais nous ne sommes pas comme la Chine ou les États-Unis, la fédération ne peut pas miser sur tous les sports. Elle fait le choix de ne pas investir dans le nôtre à une hauteur nous permettant d’être très performantes. Nos moyens sont suffisants pour être dans le coup et accéder aux finales, mais pas pour décrocher une médaille.

Quel genre de problèmes pointez-vous en interne ?

On change souvent de staff, de fonctionnement. Ce n’est pas constructif. Pour rattraper notre retard, il faudrait que tout le monde travaille dans le même sens, avec des personnes expérimentées et impliquées. Au-delà d’avoir des sponsors pour gagner notre vie, on aimerait avoir un·e kiné, un staff médical, un·e préparateur·trice physique. Une vraie équipe pour nous encadrer. Or aujourd’hui, c’est à nous, sportif·ve·s, de mettre ça en place. Ces questions d’accompagnement commencent à être prises en compte, comme au CREPS de Font-Romeu. Mais nous manquons encore de moyens.

Vous avez participé à l’épreuve de big air lundi malgré la douleur au genou. La question du forfait s’est-elle posée ?

Le matin même, je ne savais pas si j’allais avoir la capacité de concourir. Mais je ne me voyais pas ne pas prendre le départ. C’était la dernière course de ces JO et de ma vie. Je voulais être là, profiter avec les filles qui sont devenues des amies avant d’être des concurrentes. Je préférais terminer de cette façon plutôt que de ne rien faire. J’ai travaillé quatre ans pour être ici, il fallait que j’en profite.

Vous vous êtes présentée avec un déguisement de lion pour cette dernière course. D’où est venue cette idée ?

Elle est venue en parlant avec les autres snowboardeuses. Toutes savaient que j’allais réaliser ma dernière course et l’une d’elles m’a dit : « Aux États-Unis, on se déguise pour son dernier run. Tu devrais faire pareil ! » L’idée me plaisait, mais difficile de trouver un déguisement ici. Nous sommes au village olympique, dans une bulle sanitaire. On ne peut pas faire les magasins. Puis, en parlant avec une Suissesse, j’ai appris qu’un membre de sa délégation avec un costume de tigre. Le soir même je l’ai essayé. Ça m’a fait rire alors je l’ai gardé.

Vous avez annoncé au début de la quinzaine des JO votre retraite sportive. Quand avez-vous pris cette décision ?

Cela fait plus d’un an que c’est acté. À l’âge de trois ans, j’ai eu une maladie de la hanche assez grave. Les médecins me disaient que je ne pourrai pas faire de sport. De fil en aiguille, j’ai commencé le snowboard, disputé mes premières compétitions, et je suis arrivée au haut niveau. Puis, il y a un an, j’ai commencé à avoir d’assez fortes douleurs à une hanche. Mon chirurgien m’a dit qu’il fallait que j’oublie les Jeux, que je n’arriverai pas à y aller, que les douleurs se réveillaient car ma hanche se détériorait et qu’il faudrait peut-être envisager la pose d’une prothèse. À la suite de ça, j’ai stoppé l’entrainement, je me suis reposée. En reprenant le sport, petit à petit, la douleur est devenue supportable. Mon médecin m’a confirmé qu’une participation aux Jeux n’empirerait finalement pas la situation alors je m’y suis présentée.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Dans un premier temps, je vais rentrer chez moi me reposer. L’été, je continuerai à aider mon papa avec son école de voile au bord du lac de Serre-Ponçon. Ça fait déjà plusieurs années que je fais ça. C’est un endroit et un travail qui me plaisent et qui me rendent heureuse. Quelque chose dans lequel je m’épanouis. L’hiver je ne sais pas encore ce que je vais faire. Je me laisse du temps et je vais voir les opportunités qui s’ouvrent à moi.

Comptez-vous vous investir pour participer au développement de votre sport ?

Je le ferai forcément par passion. Chez les très jeunes enfants d’abord, car cela me permettra de rester proche de chez moi. Ensuite, pourquoi pas aller vers le plus haut niveau si les opportunités sont là. J’ai envie de participer à l’évolution de mon sport en France. Je ferai tout pour. Mais pour l’instant j’ai besoin de couper avec ça parce que ça fait déjà quinze ans que je m’implique à très haut niveau. J’ai besoin d’une pause.

Propos recueillis par Ludivine Ducellier

Crédit photo : page Facebook de Lucile Lefèvre

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Ludivine Ducellier
16.02.2022

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