Mardi 10 novembre, les joueuses de deuxième division de handball ont appris l’arrêt de leur championnat. Par un mail de trois lignes de la Commission d’Organisation des Compétitions de la Fédération Française de Handball, seize équipes ont compris qu’elles n’étaient pas considérées comme des professionnelles. Et ce, malgré leur engagement et des entraînements souvent biquotidiens. Le retard pris dans la considération et la structuration du sport au féminin est lourde de conséquences pour ses acteurs.trices en temps de Covid. Plusieurs joueuses, parfois au nom de leur équipe, ont pris la plume pour faire connaître leur profonde frustration.
A la Fédération Française de Handball,
Nous avons bien pris en compte votre décision de suspendre le championnat de D2F que vous considérez comme « non-professionnel ».
Sachez que derrière l’intitulé « D2F », se cachent des femmes qui étudient ou travaillent, certaines d’entre-elles sont d’ailleurs mamans. Quelques-unes ont quitté leur pays natal, d’autres leur région d’origine, pour pouvoir vivre de leur passion au plus haut niveau possible.
Leurs journées sont rythmées par les contraintes, les obligations, mais aussi les entraînements qu’elles continuent de suivre avec passion et ferveur. Ces entraînements, ils sont parfois quotidiens, parfois biquotidiens. Ils mêlent pratique, préparation physique et tactique, et analyse vidéo. Ils sont dirigés par des entraîneurs diplômés, professionnels, et qui ont au même titre que les joueuses l’objectif de performer et de proposer du spectacle dans les différents gymnases de France.
Vous comprendrez qu’il s’agit ici de bien plus qu’un passe-temps ou que d’un loisir, mais bien d’une pratique de très haut-niveau, permettant de fournir chaque année les clubs de l’élite française et internationale, ainsi que les sélections nationales.
La D2F, c’est aussi une division composée de plusieurs clubs VAP (Voie d’Accès au Professionnalisme), soumis à un cahier des charges précis que vous avez mis en place. Que dire maintenant à ces clubs qui se sont engagés dans une démarche professionnelle, qui se sont structurés, qui ont investi ?
La D2F, c’est plus de 80 contrats professionnels de joueuses (dont bien plus de la moitié sont à temps complet), sans parler du nombre de contrats professionnels au sein des staffs techniques et des personnels administratifs. Avez-vous pensé aux conséquences sociales, économiques, conventionnelles ?
En D2F, se côtoient plusieurs statuts : joueuses professionnelles, à temps plein, à temps partiel, joueuses sous convention, partenaires d’entrainements. Mais sachez que l’investissement humain par les joueuses, par l’encadrement est calqué sur l’investissement requis par une division professionnelle. Ce sont les mêmes nombres d’heures d’entraînement, les mêmes bénévoles qui œuvrent au quotidien à l’organisation et au bon déroulement des rencontres le week-end. Ce sont les mêmes présidents qui se démènent à monter des projets viables qui permettent aux joueuses de se développer et de proposer un niveau de jeu qui attire le public.
Mesdames, Messieurs, vous comprendrez donc bien notre déception et notre incompréhension quant à la suspension du championnat, lorsque l’on parle d’un environnement sportif et humain, qui semble ne prendre en compte qu’un aspect financier caché derrière des quotas, des statistiques, des pourcentages. Le ministère avait donné délégation aux fédérations pour maintenir ou non la compétition ; nous pensions que votre considération pour la deuxième division féminine nationale, au vu des critères listés ci-dessus, des cahiers des charges que vous avez mis en place, aurait été différente. Sachez que cette décision fédérale communiquée par un courriel de trois lignes sans explication nous déçoit réellement.
Nous nous étonnons également que, dans le cadre de prise de décisions si lourdes de conséquences, ni les joueuses, ni les entraîneurs, ni les clubs ne soient représentés dans les discussions, ni même consultés de manière transparente. Des structures représentatives existent, et pourtant, malgré leurs sollicitations souvent laissées sans réponse, les décisions se prennent sans considération des acteurs de cette division. Une telle crise ne serait-elle pas l’opportunité de revoir votre mode de gouvernance, de consultation, de décision, afin que le handball français, le handball féminin, la D2F sortent grandis d’une épreuve comme celle que nous sommes en train de vivre ?
Il est du devoir de la fédération française de handball de promouvoir le sport féminin et de récompenser l’investissement sans relâche de centaines d’individus, qu’il s’agisse de joueuses, d’entraineurs, de présidents, de vice-présidents, de trésoriers, de bénévoles, d’intendants, et la liste pourrait s’allonger.
Pour conclure, nous nous permettons de rappeler que tout a été mis en œuvre pour respecter les protocoles sanitaires et assurer la sécurité des différentes équipes engagées dans le championnat. Cet engagement est bien sur toujours d’actualité et peut même être intensifié si en dépend l’avenir de notre saison.
Dans cette situation difficile, l’union est importante et votre reconnaissance aussi.
En vous adressant nos salutations distinguées,
Mathilde PLOTTON et l’ensemble des joueuses du NLGHB93, Victoire NICOLAS (CAB Handball), Wendy LAWSON (ROCAASJ87), Jennifer VIALATTE (HB Octeville), Sabrina ABDELLAHI (Sambre-Avesnois HB), Chloé ROELANDT (Bouillargues N.M), Laurine CHESNEAU (HB Celles-sur-Belle), Alienor SURMELY (HB Clermont-Aubergne Métropole 63), Lili HERENGER (Saint-Grégoire Rennes Métropole Handball), Lucile ROCHE et l’ensemble des joueuses de l’ASUL Vaux-en-Velin handball), Léa CONSTANTIN et l’ensemble des joueuses de la VGA Stella Saint-Maur, Louison Boisorieux (Le Havre, HAC Handball), Dalila Abdesselam (Achenheim Truchtersheim – ATH), Anna Manaut et l’ensemble des joueuses de AS Cannes-Mandelieu HB. Avec le soutien de l’AJPH (Association des Joueurs.ses Professionnelles de Handball).
Crédit photo : Gustavo SportsPictures
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