Aveugle et sourde, la nageuse Rebecca Meyers a renoncé à ses troisièmes Jeux paralympiques. La raison ? Le Comité olympique et paralympique américain lui interdit d’emmener avec elle son assistante de soin à Tokyo.
« Je suis une nageuse sourde et aveugle. Comment puis-je me sentir en sécurité en naviguant sur les sites paralympiques chaotiques et déroutants sans un assistant de soins personnel en qui j’ai confiance ? » C’est avec ces mots que la nageuse Rebecca Meyers commence une lettre ouverte publiée dans USA Today à propos de son abandon des Jeux paralympiques.
Née avec un syndrome d’Usher, elle cumule plusieurs handicaps. Sourde à la naissance, elle perd progressivement l’usage de la vue. Elle concourrait dans la catégorie olympique S13 avec des athlètes ayant la déficience visuelle la moins sévère. À cause d’une dégénérescence de sa vue, Rebecca Meyers a été réorientée dans la catégorie intermédiaire S12. Les nageur·euse·s aveugles ou presque sont inscrit·e·s dans la catégorie S11. L’Américaine fait partie des neuf malvoyant·e·s de l’équipe de natation nationale mais elle est la seule à être également sourde. Elle a donc besoin d’une personne pour l’assister dans sa vie sportive comme dans sa vie quotidienne. Cette personne de confiance la guide dans les endroits qu’elle ne connait pas, l’aide dans les tâches qu’elle ne peut pas réaliser seule et l’accompagne notamment dans sa préparation physique.
Ne pas revivre le cauchemar des Jeux paralympiques de Rio
À Rio en 2016, ses trois médailles d’or et une d’argent avaient dissimulé un terrible évènement. Incapable de trouver la salle à manger au sein du village olympique, elle avait cessé de s’alimenter, peu de temps avant la compétition. Pour éviter que cela ne se reproduise, le Comité olympique et paralympique américain (USOPC) avait approuvé, en 2017, l’utilisation d’un assistant pour les compétitions internationales auxquelles elle prenait part. Sa mère jouait ce rôle jusqu’à présent. Un changement de politique qui avait permis à la nageuse de devenir l’une des athlètes les plus décorées aux États-Unis.
Mais ce ne sera pas le cas pour Tokyo. L’USOPC lui a refusé cette possibilité. Les restrictions sanitaires imposées dans le pays hôte obligent à une réduction du staff. Sa mère Maria Meyers n’a pas non plus l’autorisation d’aller au Japon pour aider sa fille. Un seul assistant et six coachs seront sur place pour aider l’ensemble des 34 nageur·euse·s paralympiques. Ce n’est pas suffisant pour Rebecca Meyers, qui refuse que sa sécurité et sa santé soient compromises dans un environnement inconnu. « Avec la COVID-19, il y a de nouvelles mesures de sécurité et des limites de personnel non essentiel, à juste titre, mais un·e assistant·e de soin de confiance est essentiel pour que je puisse concourir. »
La responsabilité partagée d’un rêve avorté
Affrontant les critiques, l’USOPC pointe du doigt les organisateurs des Jeux et le gouvernement japonais. « Nous sommes confrontés à des restrictions sans précédent concernant ce qui est possible sur le terrain à Tokyo. Comme cela a été largement rapporté, [le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo], à la demande du gouvernement du Japon, n’autorise aucun personnel autre que le personnel opérationnel essentiel ayant des rôles liés à l’exécution globale des jeux, dans le pays », a affirmé l’institution au Washington Post.
Les parents de l’athlète contestent cette version et mettent la responsabilité sur le dos de l’USOPC. En contact avec le gouvernement japonais, les Meyers auraient appris que le Comité olympique et paralympique américain n’avait entamé aucune démarche pour que la mère de Rebecca soit du voyage. Ils reprochent donc à l’USOPC de ne pas utiliser une allocation de personnel pour leur fille. Poussé·e·s par ces conditions restrictives, d’autres athlètes ont refusé d’être nommé·e·s au sein de l’équipe nationale.
Une prise de parole pour forcer le changement
La nageuse a conscience qu’à 26 ans, les Jeux de Tokyo pourraient être ses dernières olympiades. Cette année, elle aurait dû concourir dans quatre épreuves au Japon. « J’adorerais aller à Tokyo. La natation m’a donné mon identité en tant que personne. Je n’ai pas pris cela à la légère. Mais je dois dire quelque chose pour apporter un changement, car cela ne peut plus durer », confie-t-elle au Washington Post à propos de sa décision de quitter l’équipe américaine.
Elle s’est lancée dans un nouveau combat. Elle veut que le personnel de soin des athlètes paralympiques soit considéré comme personnel essentiel. « Je dois parler pour le prochain athlète qui est sourd-aveugle ou handicapé d’une autre manière », explique Rebecca Meyers au quotidien USA Today. La seule solution pour assurer aux sportif·ve·s des conditions de performance décentes.
Heartbroken to share that I’m withdrawing from the Tokyo Paralympic Games. The USOPC has repeatedly denied my reasonable and essential accommodation because of my disability, leaving me no choice. Full statement below: pic.twitter.com/p9tKsbPip2
— Becca Meyers (@becca_meyers) July 20, 2021
Crédit Photo : Team USA
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