Véronique Lebar « Dans le sport, les victimes de pédophilie ne sont pas écoutées… »
Pendant huit mois, le site web d’investigation Disclose a enquêté sur les violences sexuelles dans le milieu du sport. L’enquête, révelée mercredi 11 décembre, et réalisée en collaboration avec plusieurs médias, dénombre 77 affaires, dans 28 sports, et ayant fait au moins 276 victimes. Dans la « grande majorité des cas » explorés par les journalistes, les victimes avaient moins de 15 ans au moment des faits. Disclose évoque des « dysfonctionnements majeurs », notamment dans le suivi judiciaire de ces affaires et des délinquants sexuels. Le Comité Ethique et Sport, que nous avions déjà interrogé, a participé à cette enquête. C’est ce que nous explique Véronique Lebar, sa présidente, très impliquée sur la lutte contre le pédophilie dans le sport.
Comment le Comité Ethique et Sport a t-il été amené à intervenir sur l’enquête sur les violences sexuelles dans le sport ?
Les journalistes de Disclose nous ont expliqué leur démarche en septembre 2019. Nous avons rencontré l’une des journalistes, expliqué nos actions, nos objectifs et depuis, nous sommes en contact avec eux. C’est une grosse enquête et nous sommes un maillon parmi tant d’autres. Mais le comité a aidé à la mise en relation avec les victimes. Nous travaillons avec notre réseau sur la prise en charge des violences sexuelles, et nous leur avons cité des cas anonymes. Au comité, nous avons également expliqué aux journalistes nos difficultés pour que les victimes de violences sexuelles soient accompagnées. Elles engendrent souvent des pressions extérieures et des peurs.
Quelles sont les différentes raisons qui empêchent les cas de pédophilie d’aboutir ?
L’entourage familial, sportif, les pressions, des tas de raisons… Les victimes n’acceptent pas toujours de parler. Selon moi, souvent, les victimes de violences sexuelles ne sont pas écoutées. Parfois même, on les attaque en diffamation. Ce fut le cas de plusieurs sportives que l’on a suivies. Quand elles arrivent enfin à prendre sur elles pour avoir une entrevue avec leur club, avec une personne responsable et pouvant être informée des faits, l’agresseur porte souvent plainte pour diffamation contre le ou la plaignant(e).
« Les victimes ne veulent pas parler parce qu’elles se sentent coupables »
Pensez-vous que les choses vont évoluer grâce à cette enquête ?
Moi oui, j’y crois toujours. Je crois profondément qu’à force de se battre, les choses vont progresser. Il y aura toujours des prédateurs. Mais des choses très graves se passent actuellement en France et à l’étranger. Et au niveau des instances, dans l’état actuel des choses, en regardant, en discutant, on constate dans la majorité des pays un refus de volonté d’agir fondamentalement. On perd du temps à solliciter les instances, il faut avancer sans les Etats.
Comment faire évoluer la prise en charge des victimes, sans les institutions ?
Les victimes ne veulent pas parler parce qu’elles se sentent coupables. Lorsqu’une affaire sort, comme ce fut le cas dans la presse, si les victimes voient que l’opinion générale est de leur côté, ca les aidera. Face à l’inertie des institutions, les victimes ont besoin de ce coup de pouce, de l’avis des citoyens, de soutiens. La presse doit relater la réalité du terrain et les journalistes ont un rôle important de catalyseur. On doit aussi faire comprendre aux sportives et sportifs qu’ils et elles ont le droit de parler. De plus en plus de fédérations se sensibiliser au sujet et certaines, il me semble, ont envie d’agir concrètement, même il faut voir sur le long terme. Mais le but, c’est que désormais, l’avancée mette le moins de temps possible. Car pendant qu’on cherche des solutions, il y a encore des victimes.
Propos recueillis par Assia Hamdi
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Pour contacter le Comité Ethique et Sport un numéro gratuit : 01 45 33 85 62.
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