[1/3] Course à pied, quel regard la science porte-t-elle sur les différences entre les hommes et les femmes ?
Thibault Besson est doctorant à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne au sein du Laboratoire Interuniversitaire de Biologie de la Motricité (LIBM) et est membre de la chaire ActiFS (Activité physique, Fatigue, Santé). Il est encadré par le Pr Guillaume Millet, le Dr Jeremy Rossi et le Dr Cedric Morio. Son projet de thèse a pour objectif de caractériser les différences hommes-femmes lors des locomotions humaines grâce à une approche pluridisciplinaire (biomécanique, physiologie de l’exercice, neurophysiologie).
Ces vingt dernières années, la participation des féminines aux courses d’endurance s’est considérablement accrue voyant même ces dernières gagner des courses devant leurs homologues masculins. Ces constats ont amené les scientifiques à se questionner sur les facteurs pouvant expliquer les différences de performance entre hommes et femmes en course à pied d’endurance.
La course à pied est l’une des activités de loisir les plus populaires au monde. Avec l’appui des plus grandes marques de sport, sa pratique en tant qu’activité de loisir a connu une croissance rapide à partir des années 1970 en Amérique du Nord puis en Europe au début des années 1980. Au cours de la dernière décennie, c’est une véritable expansion du sport au féminin et notamment du running qui a été observée. Cette évolution dépasse le cadre de la pratique à des fins de santé, de bien-être ou de remise en forme puisque le taux de participation des femmes dans les courses d’endurance en compétition ne cesse d’augmenter. Selon une étude récente réalisée sur plus de 70 000 courses sur route (du 5 km au marathon) dans le monde entier, la participation féminine est passée de 20% en 1986 à plus de 50% en 2018, principalement en raison du nombre de femmes sur les courses de 10 km et moins. La course à pied se pratique non seulement sur la route mais également sur les chemins ou sentiers de montagne, c’est ce que l’on appelle le trail running.
L’essor du trail
L’International Trail Running Association (ITRA) définit le trail running comme une compétition pédestre, se déroulant dans un environnement naturel, les portions goudronnées ne devant pas excéder 20% de la distance totale. Cette discipline est également en plein essor avec plus de 5 500 évènements en France en 2019 (www.guide-des-trails.com). Les distances peuvent aller de quelques kilomètres à des centaines de kilomètres (on parlera d’ultra-trail pour des distances supérieures à 80 km). L’ITRA a récemment reporté une augmentation du taux de participation des femmes aux courses de trail de 18% en 2013 à 26% en 2019 (étude réalisée sur plus de 15 000 courses trail à travers le monde). Dans les courses d’ultra-trail, le taux de participation des femmes est beaucoup plus faible avec un taux moyen autour de 10% sur les courses de plus de 100 km en France. En Amérique du Nord, le taux de participation des femmes reste inférieur à ceux des hommes mais les chiffres sont meilleurs qu’en Europe. Par exemple, sur les trails de 80 km et moins, la participation féminine est de 15-20% en France contre… 35-40% en Amérique du Nord, soit le double !
Quels freins pour la longue distance ?
Cependant, comme nous le verrons dans les articles suivants, les femmes ne sont pas moins capables que les hommes de courir longtemps. Si les capacités physiques ne sont pas la cause, comment peut-on expliquer ces différences de participation ? Est-ce du ressort de la psychologie : les femmes sont-elles moins attirées ou plus « effrayées » par les épreuves extrêmes ? Ont-elles moins besoin de se prouver qu’elles sont capables de parcourir des épreuves d’ultra-marathon c’est-à-dire moins besoin d’éprouver le dépassement de soi ? Ont-elles le sentiment qu’elles ne sont pas physiquement capables de courir de longues distances ? Sont-elles tout simplement plus raisonnables ? A moins que les raisons soient à chercher du côté des inégalités hommes-femmes qui perdurent dans notre société dans la prise en charge des tâches quotidiennes, en particulier en lien avec les enfants. Pour s’entrainer à de telles distances, il faut du temps ! Quelles que soient les raisons précises, il est désormais établi que les disparités dans le taux de participation relèvent davantage d’aspects psycho-sociologiques que physiologiques.
Thibault Besson
Suivez les travaux du laboratoire et de ses chercheurs
Twitter : @thibault_besson @JrossiUJM @CedricMorio @kinesiologui @LIBM_lab
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.
Vous avez aimé cet article ?
Retrouvez tous nos articles de fond dans le magazine
S’abonner au magazine