Football : Comment la situation des droits TV menace la diffusion de la Coupe du monde féminine 2023 ?
Lors de son édition 2019 en France, la Coupe du monde de football au féminin a produit des audiences records. Pourtant, quatre ans plus tard, à seulement deux mois de la prochaine qui se déroulera du 20 juillet au 20 août en Océanie, les droits de diffusion n’ont pas encore été attribués dans l’hexagone. Comment en est-on arrivé là ?
« Le principal problème ne provient pas des diffuseurs, c’est un problème de la FIFA », résumait Hervé Renard, sélectionneur de l’équipe de France, sur le plateau de Bein Sport le 14 mai, concernant le problème persistant des droits de diffusions de la Coupe du monde 2023. Alors que le match d’ouverture Nouvelle-Zélande-Norvège aura lieu le 20 juillet, c’est-à-dire dans deux mois, aucun diffuseur n’a été trouvé à ce jour. Quelles sont les raisons qui menacent la diffusion du plus grand évènement mondial féminin de football ?
Comment le choix des diffuseurs est-il effectué ?
Les droits de diffusion d’une compétition sont gérés par l’instance organisatrice de celle-ci. En l’occurrence, la Coupe du monde se déroule sous l’égide de la FIFA (Fédération internationale de football association). Le 2 juin 2022, l’institution dont le siège se trouve à Zurich a lancé son appel d’offre pour le marché français. Les médias tricolores candidats à la diffusion de l’évènement ont pu envoyer un mail à l’organisme suisse pour demander le dossier de l’appel d’offre, qu’ils ont dû remplir et remettre au plus tard le 5 juillet 2022 à 10 heures.
Selon un schéma classique, la FIFA aurait alors ensuite procédé à une sélection afin de parvenir à deux objectifs : un de visibilité, avec une couverture globale en accordant les droits de diffusions à une chaine diffusant en clair et disposant d’une large audience ; et un second financier, pour les caisses de l’instance suisse. Pour autant, aucune offre n’a satisfaite la maison mère du football.
Pourquoi les médias français ne souhaitent pas mettre le prix demandé par la FIFA ?
D’après différentes sources, la FIFA aurait calqué le prix des droits de cette édition 2023 sur celui de la Coupe du Monde 2019, c’est-à-dire entre 15 et 20 millions d’euros (des chiffres opaques). Cependant, les conditions de déroulement de cette 9ème Coupe du monde ne correspondent pas à celles due 2019, et les diffuseurs ont bien du mal à s’y retrouver dans leurs comptes pour convenir aux exigences de la FIFA.
Premier point de discorde, l’horaire matinal des matchs. Il existe huit heures de décalage entre le France et les lieux ou se dérouleront les matchs de poule de l’équipe de France (l’Allianz Arena de Sydney et le Suncorp Stadium). Ainsi, les matchs prévus à 20h sur la plus grande île de l’Océanie seront retransmis à 12h en France. La France s’en sort plutôt bien comparé à ses voisins anglais qui seront diffusé à 10h30, 9h30 puis 12h au Royaume-Uni, mais l’impact sur le nombre de spectateurs reste considérable. À ces horaires décalés s’ajoutent la période. Habituellement programmée en juin, la compétition ne commencera cette année que fin juillet, une période estivale plutôt creuse. Cette perte d’audience effraie les diffuseurs, qui voient dans l’affaiblissement de l’audience un manque de revenus dû aux coûts publicitaires plus faibles à cette période. Selon Médiamétrie, les mois de juillet et août sont ceux cumulant le moins d’audience, avec respectivement 3h09 et 3h02 de durée d’écoute moyenne quotidienne de la télévision.
Engluée dans le problème, la FIFA a tenté une solution alternative. Elle a envisagé de décaler la compétition en décembre, à l’image de la Coupe du monde masculine, pour obtenir des journées plus longues, avec des horaires plus acceptables pour les européens et américains. Une idée restée sans lendemain.
Une stratégie de vente remise en question
Lors des dernières éditions, la FIFA a constamment vendu en pack les droits de la Coupe du monde au féminin, avec celle au masculin. À titre d’exemple, en janvier 2016, BeIn Sport et TF1 se partageaient un package comprenant les droits de diffusion de quatre compétitions : les Coupes du monde 2018, 2019, 2022, ainsi que la coupe des confédération 2017. La FIFA a-t-elle tenté d’obtenir encore davantage de profils à travers cette stratégie ?
Gianni Infantino, le président de l’organisation, ne l’a jamais avoué publiquement, mais difficile de trouver d’autres explications à ce choix. Lors du 73e congrès de l’organisation de la FIFA à Kigali (Rwanda), l’Helvético-Italien affirmait que les les groupes de diffusion ne proposent pas d’offres « qui reconnaissent le plus grand tournoi de football féminin au monde à sa juste valeur ». Il s’est appuyé sur une comparaison entre droit de diffusion masculin et féminin en indiquant que les offres reçues « sont dix à cent fois inférieures à celles pour la Coupe du monde » des hommes. La gouvernance Infantino est pointée pour son avarice. Elle a déjà prévu d’élargir le format de la Coupe du monde masculine de 32 à 48 équipes dès 2026, permettant de vendre plus de droits TV et de billets. Pour les femmes, le format passe de 24 à 32 cette année. La position française sur la question des droits de diffusion n’est pas unique, elle est partagée par nos voisins. L’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et Espagne n’ont pas non plus proposé d’offres suffisantes pour la FIFA.
À ce jour, ni la FIFA ni TF1 n’ont répondu à nos sollicitions. Bein Sports n’a pas souhaité faire de commentaires.
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