La CNCDH publie 15 recommandations pour prévenir les violences sexuelles dans le sport
A l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le monde sportif se prépare à la fête. C’est aussi l’heure des grands bilans dont celui sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le sport. Saisie, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme adresse ses quinze recommandations.
C’est un nouvel avis qui est sorti sur la problématique des violences sexistes et sexuelles dans le sport. A la demande de la députée Francesca Pasquini, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) sur les violences sexuelles et sexistes dans le monde du sport a rendu son rapport le 25 janvier dernier afin de prévenir et de sanctionner ces violences dans le milieu sportif mais aussi d’accompagner ces victimes. « Elle constate que le monde sportif forme toujours un écosystème au sein duquel la prévention, le suivi, et la dénonciation de ce type de violence reste insuffisamment effectif. Face à une culture sportive où l’omerta règne, il est urgent de créer une instance permettant de mieux répondre aux spécificités des violences sexuelles et sexistes au sein du milieu sportif », indique le rapport dont les recommandations convergent en partie avec celles du comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport mais aussi avec celles de Sabrina Sebaihi, députée et rapporteure de la commission d’enquête sur les dysfonctionnements dans le mouvement sportif.
Des constats toujours préoccupants
Le groupe de travail dont ont notamment fait partie Marie Georges Buffet ou encore Béatrice Barbusse a dressé trois constats principaux. Les instruments mis en place tardivement tant au niveau des administrations (Sport, Éducation nationale, Intérieur) que des fédérations sportives restent insuffisants en moyens et en coordination pour répondre aux attentes des victimes et et pour assurer la mise en place d’un mécanisme cohérent de prévention. Le déploiement dans les dix dernières années de plateformes d’alerte, de comités d’éthique et de référents ne suffit pas à combler une inégalité structurelle entre fédérations, entre départements, et voile de fait la diversité des pratiques. Enfin, au-delà de ce manque de moyens et de coordination, le monde
sportif souffre d’un entre-soi qui ne lui permet pas de changer de paradigme et de transformer sa culture pour la rendre incompatible avec la maltraitance et le silence complice.
Pour palier à ses manquements qui peuvent conduire à une mauvaise prise en charge des victimes mais aussi de prévenir ces risques, le Comité préconise la création d’un organe indépendant des fédérations et du Comité national olympique. Cette structure aurait alors, dans son périmètre d’action, l’intégrité des personnes, des compétitions et des organisations selon les recommandations du Conseil de l’Europe1Conseil de l’Europe, Lignes directrices sur l’intégrité du sport, septembre 2020, p.12..
À lire aussi : Escalade sur glace – Marion Salmon-Thomas : « Sur un jour de compétition, tout est atteignable »
15 recommandations pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le sport
- La CNCDH recommande la création d’un Centre pour l’Intégrité dans le Sport (CIS), par extension des compétences de l’AFLD de façon à englober le contrôle de l’intégrité des personnes, des compétitions et des organisations ;
- La CNCDH recommande aux pouvoirs publics de se saisir de la signature des conventions et autres accords passés avec le CNOSF, les fédérations et leurs membres pour imposer qu’une dépense minimale à proportion de leur budget soit affectée à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ;
- Afin de fiabiliser le circuit de recrutement par le signalement des agresseurs identifiés, la CNCDH recommande que tout recrutement de personnels, toute candidature à des postes élus, soit soumis à une vérification du fichier FIJAIS ;
- La CNCDH recommande de poursuivre et systématiser la diffusion de messages, notamment en ligne, sur les interdits les « conduites proscrites », les sanctions juridiques et pénales encourues et des modalités de secours et de signalement, afin d’accompagner toutes les campagnes de sensibilisation et les formations des encadrants. Adaptés aux différents publics, des guides spécifiques doivent permettre tant aux victimes qu’aux personnes
témoins d’identifier les comportements inappropriés et ainsi, de faciliter une prise de parole. Ces règles devraient être placées sous l’autorité du Centre pour l’intégrité du sport ;
- Le retour à l’obligation d’une délivrance annuelle du certificat médical justifiant de l’aptitude d’une personne aux activités sportives, assorti de la mise en place par le ministère de la Santé d’une campagne de sensibilisation à la détection des violences sexuelles et sexistes et de consignes permettant aux professionnels de santé de les repérer, notamment dans le cadre des rendez-vous relatifs à la remise de ce certificat ;
- La CNCDH recommande la modification du 3° de l’article 226-14 du code pénal afin d’autoriser la levée du secret médical concernant des majeurs au-delà des seuls cas de violences dans le couple, et de supprimer les conditions relatives au danger immédiat pour la vie de la victime majeure et à la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences, en ce qu’elles sont trop restrictives et se révèlent inadaptées
- La CNCDH recommande que les formations contre les violences sexuelles et sexistes soient délivrées en présentiel, par des professionnels ayant une expertise dans le domaine de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et/ou dans l’accompagnement des victimes. Leurs contenus et rythmes doivent être adaptés aux différents publics – parents, mineurs, personnes en situation de handicap, personnels du ministère des Sports. Elles doivent être placées sous la responsabilité du Centre pour l’Intégrité du Sport.
- La CNCDH recommande aux pouvoirs publics d’inciter écoles et instituts de formation de journalistes à intégrer la problématique des violences sexuelles et sportives dans la formation des journalistes sportifs. Elle rappelle aux médias que le vocabulaire utilisé et l’importance des représentations qu’ils peuvent véhiculer peuvent jouer un rôle majeur dans le développement d’une culture sportive respectueuse de l’intégrité physique et psychologique des sportives et sportifs. Elle recommande également aux médias de sanctionner les manquements éventuels des commentateurs sportifs ainsi que des consultants recrutés occasionnellement.
- La CNCDH recommande que l’engagement des sportifs de haut niveau dans les campagnes de prévention des violences sexuelles et sexistes soit encouragé et que les pouvoirs publics veillent à ce qu’aucun obstacle institutionnel, y compris de la part des fédérations internationales et/ou du comité international olympique, ne leur soit opposé au prétexte d’une neutralité du sport.
- La CNCDH recommande que l’organisation des grands événements sportifs intègre, largement en amont de leur tenue, les enjeux de sécurité et de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Elle préconise que chacune de ces manifestations rende publique l’identité des personnes référentes vers qui se tourner en cas de problème, la création d’un numéro de téléphone dédié ainsi qu’une application téléchargeable permettant de signaler rapidement un problème, et enfin la mise en place de « lieux sûrs » animés par un personnel dédié, formé à l’accueil, l’écoute, la traduction et l’accompagnement des personnes victimes ou témoins de violences sexuelles et sexistes
- Rendre obligatoire pour les clubs la souscription d’une assurance pour toute personne inscrite en club afin que l’ensemble des frais afférents à la tenue d’un procès soient pris en charge de façon pérenne.
- Lorsque les plaintes aboutissent à un classement sans suite, les parquets – comme certains le pratiquent déjà, au-delà même des dispositions de l’article 40-2 alinéa 2 du code de procédure pénale, invitent les victimes afin de leur expliquer les raisons qui motivent cette décision.
- Que soit encouragée l’information de l’employeur en cas de poursuites pénales d’un salarié ou d’un bénévole auteur de violences sexuelles et sexistes intervenant au contact de mineurs dans un établissement d’activités physiques et sportives (EAPS), afin d’empêcher que l’auteur puisse se mettre en situation de récidiver.
- De recenser et publier au niveau national une liste d’associations disposant des compétences reconnues par l’État pour déployer des dispositifs d’aide à la reconstruction par le sport.
Notes
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.
Vous avez aimé cet article ?
Retrouvez tous nos articles de fond dans le magazine
S’abonner au magazine