Koumba Larroque a été éliminée au stade des quarts de finale des quarts de finale de lutte féminine des JO de Paris 2024. CNOSF/KMSP
Dossier

Paris 2024 : La lutte gréco-romaine, dernier bastion masculin aux Jeux olympiques ?

Claire Smagghe
06.08.2024

Les épreuves de lutte ont débuté à l’Arena Champ-de-Mars. Si les hommes concourent en lutte gréco-romaine et en lutte libre, les femmes n’ont le droit de participer qu’à cette deuxième catégorie de pratique. Une interdiction qui perdure. 

Longtemps restée une pratique exclusivement masculine, les femmes participent pour la première fois à la compétition de lutte aux Jeux d’Athènes, en 2004, mais uniquement en lutte libre. C’est d’ailleurs dans ce style que la Française Koumba Larroque (-68 kg) a été éliminée ce lundi au stade des quarts de finale. Comme à Tokyo, elle quittera Paris sans médaille autour du cou.

 

La lutte féminine, une pratique spécifique

Exclues du programme de lutte gréco-romaine, les femmes ne sont donc pas représentées dans cette deuxième branche de la discipline. Si la lutte libre, communément appelée « lutte féminine », leur est autorisée, c’est que les règles de la pratique varient de celles de la lutte gréco-romaine. Ainsi, la technique « double clef de tête » leur est prohibée. « Toutes les techniques sont les mêmes sauf les techniques dangereuses, comme prendre la tête à deux mains par exemple. C’est ce qui a été mis en place en place par la Fédération internationale des luttes amateurs et maintenant par l’Union des luttes olympiques. », regrette Daniel Jacob, président du Comité des Hauts-de-France de lutte et directeur technique du Cercle Calonnois de Lutte Hercule, premier club en France a avoir porté et propulsé la lutte féminine dans les années 1970. « Aujourd’hui, quand tu es un homme et que tu veux faire les Jeux, tu peux choisir la gréco-romaine ou la libre. Nous, on n’a pas le choix et donc on s’oriente naturellement vers la lutte libre. » commente Tatiana Debien, membre de l’équipe de France de lutte et médaillée de bronze des championnats d’Europe en 2022. Mais pourquoi protéger les sportives contre des mouvements dangereux et pas leurs homologues masculins ? Le mythe de la fragilité demeure tenace.

Présente depuis l’Antiquité, la lutte est l’une des pratiques les plus anciennes de l’histoire du sport, si ce n’est la plus ancienne, mais n’est visible désormais que lors des Jeux olympiques. Initialement, les femmes ont pourtant investi la lutte gréco-romaine, mobilisant uniquement les bras et la partie supérieure du corps, mais aussi la lutte libre associant aussi l’utilisation des jambes, avant qu’une catégorie spécifique leur soit dédiée en 1987. « Il n’y a pas de contre-indication physiologique mais les places aux JO sont très chères, retorque le dirigeant de la Fédération française. Et il n’y a pas eu de revendication des femmes pour pratiquer la lutte gréco-romaine. Les femmes ne s’entraînent que dans le style dans lequel elles peuvent concourir. » Le tournoi olympique agit d’ailleurs comme un révélateur supplémentaire dans la différence de traitement avec douze catégories de poids pour les hommes contre six proposées aux femmes depuis 2016. Un choix politique ?

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« La lutte libre et la lutte féminine, c’est exactement la même chose »

Interdits en compétition, les gestes les plus redoutables sont pourtant tolérés à l’entraînement. « Dans mon club, certaines filles pratiquent ces techniques, glisse Daniel Jacob. Les féminines, c’est vraiment un sujet qui me touche beaucoup. On part de loin. Dans les années 1970, la Fédération française de lutte ne voulait pas entendre parler de cela et donc on avait affilié les filles à la FSGT. Il a fallu faire des exhibitions en Île-de-France pour montrer ce que pouvait être la lutte féminine. » Chaque lutteuse développe son style et certaines d’entre elles s’inspirent de la pratique ancestrale. « Moi, par exemple, je lutte comme une gréco, que sur le haut du corps. On dit que je suis une gréco d’ailleurs, mon style s’en reproche. J’ai été formée à Schiltigheim, un grand club de gréco. », explique la lutteuse tricolore. 

 

Les terminologies utilisées de « lutte féminine » ou « lutte libre féminine » interpellent aussi. « La lutte libre et la lutte féminine, c’est exactement la même chose sauf que la lutte libre est réservée aux hommes alors que la lutte féminine c’est la lutte libre pour les femmes. Ce serait faux de dire que ce sont deux sports différents. Les règles sont les mêmes, pourquoi faire la distinction ? », questionne Tatiana Debien. Pourtant, les trois styles de lutte persistent dans le temps. La désignation de lutte libre sans recourir aux qualificatifs féminin ou masculin pourrait probablement suffire. À l’heure des combats pour l’égalité et des premiers Jeux paritaires, l’heure semble venue de libérer véritablement la lutte. 

Claire Smagghe
06.08.2024

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