Un an après l’affaire Abitbol, quelles mesures ont été mises en place par les fédérations sur la question des violences sexuelles pour mieux protéger les victimes ?
Trente ans après Catherine Moyon de Baecque, la première sportive à avoir porté plainte pour des faits de violences sexuelles, la lutte contre les violences sexuelles en France a été lente. Victimes pas assez écoutées ou considérées, entraîneurs récidivistes, dysfonctionnements fédéraux… Et puis, l’enquête Disclose fin 2019 ainsi que l’affaire Abitbol, début 2020, ont été un électrochoc. Depuis, plusieurs fédérations se sont empressées d’annoncer des actions pour rassurer les victimes et l’opinion publique : du recueil des témoignages à l’accompagnement, en passant par le contrôle des encadrants incriminés. Quel chemin a été réalisé ? Point d’étape avec la Fédération française de handball (FFH), de roller et skateboard (FFRS), et de judo (FFJDA).
Accompagner les plaintes
Dès début 2020, l’urgence a été d’offrir aux victimes un moyen efficace de signaler des faits. Les stratégies diffèrent : « Les personnes peuvent remplir un formulaire en ligne, explique Magali Baton, secrétaire générale de la Fédération française de judo. On demande le plus de détails possible pour pouvoir tracer et relayer le signalement. » Du côté du handball, on a préféré proposer une adresse mail. « Au départ, on recueillait les signalements via le mail du directeur général », remarque Sylvie Pascal-Lagarrigue, vice-présidente. Puis, l’instance a mis en ligne une adresse anonymisée : signalement@ffhandball.net.
Après réflexion, la Fédération française de roller et de skateboard a troqué son numéro d’appel interne par un mail. L’adresse est rattachée à la société Egae, fondée par la militante Caroline de Haas, dont la mission est de lutter contre les discriminations et de prévenir les violences sexistes et sexuelles. « On voulait éviter que les gens aient peur, qu’ils pensent qu’on étouffe les signalements », insiste Véronique Kolb, membre de la cellule de lutte à la FFRS.
En février 2020, Amandine Richaud-Crambes, alors responsable de la commission Roller Derby à la FFRS, pointait un manque de « réactivité » de sa fédération malgré des signalements d’agressions et de comportements abusifs. Des critiques justifiées ? « Nous avons mis en place une cellule en 2019, suite à l’affaire de la patineuse Ludivine Malle, se défend aujourd’hui Véronique Kolb. Les choses ne se font pas en claquant des doigts. Il a fallu se former, s’informer, fabriquer des outils… »
Des cellules renforcées avec de nouveaux membres et des victimes
Après les premières révélations début 2020, la FFRS a aussi décidé d’ajouter plusieurs juristes à sa cellule. « Il en fallait davantage pour suivre les signalements. » La fédération sollicite aussi désormais Ludivine Malle, dont l’entraîneur a été condamné pour viols et agressions sexuelles en 2018. Une démarche choisie également par la Fédération française de judo, épinglée en novembre 2020 par plusieurs affaires.
« Deux ont répondu positivement, mais les échanges sont en attente. En tout cas, on sollicite des victimes dont l’affaire a été jugée, qui auront assez de recul pour suivre d’autres affaires. »
À la Fédération de hand, une nouvelle cellule de signalement de quatre dirigeants a été instaurée en décembre 2020 par la nouvelle présidence, « dans la continuité » de l’action mise en place dès début 2020. Pourquoi les fédérations ont-elles tant tardé ? « Ça a longtemps dérangé dans le milieu, certains ont craint de mettre en cause un ami », remarque Sylvie Pascal-Lagarrigue. Mais il semble y avoir une prise de conscience. « Les victimes savent aussi aujourd’hui que même une agression mérite un signalement », remarque Véronique Kolb.
Accroître la formation et la sensibilisation
Reste le recueil de la parole des victimes et leur accompagnement, qui demandent des compétences juridiques et psychologiques pointues. Certains acteurs régionaux ne se sont pas sentis en mesure de traiter certaines affaires, d’autant qu’une proximité relationnelle existe parfois au niveau local. « La FFH a centralisé les dossiers, explique Sylvie Pascal-Lagarrigue. On mobilise aujourd’hui deux référent·e·s dans chaque ligue pour faciliter la libération de la parole. » Côté judo, on assure aussi que les conseillers techniques sportifs pourront aussi bientôt suivre des formations construites en interne. Enfin, à la FFRS, il est précisé que dans les formations d’entraîneur·euse·s, un module sur les violences sexuelles est aujourd’hui obligatoire.
C’est parce qu’elles disent être confrontées à un manque de compétences sur les violences sexuelles que les fédérations collaborent avec des associations telles que Colosse aux pieds d’argile ou le Comité Éthique et Sport. « Nous ne sommes pas formé·e·s à traiter ces questions », regrette Magali Baton. « Nous ne sommes ni psychologues, ni enquêteurs, ni procureurs, poursuit Véronique Kolb. Mais notre but est de protéger absolument les pratiquant·e·s. » Les récents scandales ont rappelé combien les victimes avaient besoin de se sentir soutenues. En avril 2021, la cavalière Amélie Quéguiner, qui a porté plainte contre ses encadrants pour abus, a été poursuivie pour diffamation par sa fédération, pour avoir dénoncé l’inaction de l’instance sur les violences sexuelles. « Je ne sais pas ce qui s’est passé dans cette fédération, tempère Véronique Kolb. Mais quand une victime s’exprime, peu importe ses mots, on se dit qu’on doit l’écouter. »
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