Extrait du magazine n°22 – Printemps-été 2022
Cette saison, Ons Jabeur, tenniswoman de 28 ans, a enchaîné les belles performances. La Tunisienne, actuellement classée n°2 mondiale1Ons Jabeur pointe désormais à la 7e place au classement WTA, est une personnalité attachante et unique du circuit, qui veut inspirer d’autres jeunes filles arabes et africaines. Retour sur son parcours.
Après avoir évolué en pleine lumière, éclaboussant notamment de sa classe et de son tennis si combatif le dernier Wimbledon, d’où elle est repartie finaliste déchue, Ons Jabeur a dû ronger son frein et marcher un peu plus à l’ombre. Éliminée prématurément lors des trois tournois suivants durant l’été (San Jose, Toronto, Cincinnati), elle n’a pourtant rien d’une étoile filante. « Je ne la reconnais pas, elle fait pas mal de fautes directes, s’agace vite. Mais je suis certain que ce n’est qu’un passage. C’est Ons, elle ne lâche jamais rien », assure Faty Morgane. Président du club de tennis d’Hammam Sousse à la fin des années 90, lors du passage de la petite Ons qui y fera ses premiers pas tennistiques hors du cadre familial, le Tunisien a une confiance absolue en elle. Il faut dire que l’héritage de celle qui a grandi à Sousse, ville portuaire nichée à l’est du pays du jasmin, est déjà immense. Pionnière, Ons Jabeur l’est notamment devenue en réussissant deux performances inédites : hommes et femmes confondu·e·s, elle est la première joueuse arabe et du continent africain à avoir atteint un quart de finale de Grand Chelem (Open d’Australie 2020), puis deux finales (Wimbledon et US Open 2022).
Admirée tant pour sa personnalité gaie et déterminée que pour ses résultats, la Tunisienne bouleverse son pays natal. « C’est un modèle, c’est clair et net », atteste son tout premier coach, Nabil Mlika. « Aujourd’hui, des gens viennent me voir spontanément pour me dire qu’ils ne connaissaient pas le tennis, ni les règles, ils ne savaient même pas ce qu’était un set et ont tout appris pour pouvoir la suivre ! » Cette saison, Ons Jabeur, tenniswoman de 28 ans, a enchaîné les belles performances. La Tunisienne, actuellement classée n°2 mondiale, est une personnalité attachante et unique du circuit, qui veut inspirer d’autres jeunes filles arabes et africaines. Retour sur son parcours.
Ministre du bonheur malgré un contexte politique troublé
Dans un pays « sans tradition tennis », selon les mots du technicien, et à l’actualité politique incertaine, les matches d’Ons Jabeur rassemblent. À la simple énonciation de son nom, ses compatriotes, qui lui ont affublé le surnom évocateur de « ministre du Bonheur », ont les yeux qui pétillent. Les sourires fendent les visages et nombreux débarquent dans les cafés pour « demander à mettre le match d’Ons », et le suivre ensemble, dans une ferveur qui était auparavant réservée à l’équipe nationale de football. « Elle n’a que 28 ans, et c’est déjà une légende pour notre pays », souligne Nabil. « On ne se rend pas compte de la star qu’elle est en Tunisie. L’enthousiasme qu’elle provoque est sans précédent », atteste Sophie Dorgan, grande reporter pour le journal L’Équipe, qui l’a vue émerger sur le circuit WTA. L’effervescence est telle que « tout le monde veut jouer au tennis, hommes, femmes, quel que soit l’âge. En trois ans, on est passé d’environ 400 adhérents à près de 1 000 au club », enchaîne Nabil. « Aujourd’hui, on ne peut plus accepter d’adhésion, on est totalement saturé », confirme Faty. « L’écho de ses performances a été exceptionnel, les huit courts sont saturés. On a un court à son nom, tout le monde veut jouer dessus », glisse-t-il dans un rire, non sans qu’on y décèle une pointe de fierté.
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« Furieuse de tennis »
Il faut dire qu’à l’image de la joueuse, le club en a fait du chemin, depuis que la petite brunette, tout juste âgée de 3 ans, est arrivée accompagnée de sa mère et de sa sœur aînée Yasmine pour y tâter la balle jaune. À l’époque, le club n’était propriétaire d’aucun terrain et devait se contenter d’utiliser ceux des hôtels de la ville.
« Ons n’avait même pas encore l’âge officiel minimum pour prendre une licence, mais elle était déjà furieuse de tennis, tellement précoce, se remémore Faty. Elle était très sportive. Son oncle maternel était mon voisin, il vivait pas loin de la plage. Ons et ses frères allaient souvent y jouer. Elle était déjà très combative. Quand elle jouait au football, elle faisait tout pour se mettre dans les pieds des joueurs et aller chercher le ballon. » Car avant de s’imposer sur le circuit et d’embarquer tout un pays dans son sillage, l’opération séduction commence à Sousse. Déjà, la petite fille aux yeux marrons se démarque par sa capacité à aimanter les gens. « Au début, vu qu’elle était trop jeune, je l’ai laissée jouer avec un lot de balles de tennis contre le mur. Elle venait me chercher pour me montrer comment elle jouait, comment elle frappait bien la balle. Elle voulait m’impressionner. On sentait qu’elle avait besoin de briller, d’attirer l’attention. Tout le monde l’aimait, et c’est toujours le cas. Elle a un côté solaire, elle était déjà très sociable, drôle. Elle parlait avec tout le monde sans gêne, je me souviens d’une enfant très spontanée », complète son premier coach.
Retrouvez la suite de l’article de Justine Saint-Sévin dans le magazine n°22 – Printemps-été 2022
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