Le film Million Dollar Baby avait enregistré plus de 3 millions d’entrées en France. Un ovni car les films mettant en scène des sportives font exception, mais pas totalement quand on pousse l’analyse on perçoit la résurgence de vieux schémas comme celui de l’apprentissage de l’homme sachant sur la femme ignorante. Que nous dit de la représentation du rapport homme femme dans Save the last dance, Joue-la Comme Beckham, Sexy Dance, Battle of the sexe ? Les sportives ont-elles leur place dans le cinéma français ? Apparaissent-elles comme des modèles inspirants ? Ces réponses seront amenées par David Sudre, sociologue chercheur, spécialiste de la représentation de l’héroïne sportive au cinéma, au micro de Mejdaline Mhiri. C’est l’épisode 3 du podcast Les Sportives.
Au cinéma, peu de sportives à l’affiche
Dans les années 20-30 les femmes sont déjà peu nombreuses à l’écran de manière générale dans cet univers « créé par les hommes et pour les hommes », selon David Sudre. Les femmes sont même présentes mais c’est « tourné à dérision dans les films sportifs. » C’est à partir des années 1990 qu’il y a plus de rôles féminins qui émergent. « Ce qui est nouveau puisque jusque- là elles n’avaient que des seconds rôles à côté des champions, pour les soutenir, pas en premier rôle de performance. »
C’est aux Etats-Unis, avec Titre IX, une loi d’avant-garde qui protège les Américains contre la discrimination de genre dans l’éducation notamment, qui va permettre à de plus en plus de femmes à pratiquer du sport. « Ça a eu un effet considérable dans le cinéma américain. Les femmes prennent alors enfin des premiers rôles. »
Un manque de richesse scientifique
« Qu’est-ce que ça donne dans le sport et le cinéma ? » : c’est la question que s’est posée David Sudre dans son enquête dans laquelle 28 films dont 26 films américains sont analysés. Plusieurs tendances sont à relever :
- On a une évolution positive : les femmes sont plus valorisées autour de la sexualisation du corps féminin à l’écran. Mais il y a une représentation régressive qui est dominante à l’écran, celle du patriarcat à travers la relation hommes à athlètes. Beaucoup de films mettent en avant les femmes qui performent dans le sport grâce aux hommes qui vont l’entourer.
- Alors que le personnage principal central est féminin, les films montrent que c’’était toujours dû à l’homme savant. D’une part l’homme qui a le savoir qui va lui apprendre le sport, d’autre part l’homme décisionnaire qui va tout gérer (Contrat, décisions.).
- L’approche sociologique met également en exergue la position de la mère qui défend le patriarcat mais dégrade l’aspect physique de sa fille.
- Des films qui mettent toujours en titre la valorisation de la puissance masculine.
- La comparaison et la critique des filles entre elles seraient dominantes. « La sororité n’est pas de mise dans le cinéma sportif ».
« Million Dollar Baby est le film qui a été le plus analysé sociologiquement dans le sens où la femme est sous le joute de l’homme. »
Un regard sociologique peu encourageant
D’un premier abord, une femme sportive en premier plan amène une attention positive, enfin une athlète avec des muscles à l’écran ! Pourtant l’approche sociologique démontre un autre regard sur les films, comme le souligne David Sudre : « Quand ce n’est pas le patriarcat qui est très présent, c’est la sexualisation du corps de la femme. C’est à son apogée dans les années 2000 par exemple dans le film American Girls, il y a de nombreuses scènes qui vont sexualiser le corps des femmes. On peut se demander est-ce qu’il y a une justification au niveau du scénario de réaliser tel ou tel plan ? Par exemple dans une scène majeure où le deuxième personnage principal va être auditionné, elle rentre dans le gymnase, ses fesses vont être filmées tout le long de son entrée vers le jury. »
Quels que soient les films, ce sont finalement des scénarios qui se répètent. « La femme sportive n’est pas valorisée au cinéma. Seul le film Girls Fight prend le contrepied de toutes ces représentations stéréotypes. Il a été réalisé par une femme et équipe de production très féminines, ce qui vraisemblablement, aurait une forte influence. » Il faudrait donc plus de femmes à la réalisation de films sportifs pour déconstruire les stéréotypes, mais c’est un autre débat…
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Journaliste : Mejdaline Mhiri
Réalisation, montage, photos : Marie Lopez-Vivanco
Chronique humoristique : Tahnee Lautre
Studio enregistrement : Brain Studio by Agence Thalamus
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