Série [3/3] L’histoire de la place des femmes aux Jeux olympiques et paralympiques : du VIIIe siècle avant J.C à nos jours
Des Jeux antiques interdits aux femmes, en passant par des mouvances misogynes des hommes de l’époque et des politiques controversées des États… Le combat pour l’intégration des femmes aux Jeux olympiques a été long et semé d’embûches. À l’été 2024, les Jeux de Paris devraient être paritaires, une première. Analyse avec l’historien du sport, spécialisé dans les Jeux olympiques, Pierre Lagrue. Pour clôturer cette série : les JO des années 1990 à nos jours, avec l’apparition des épreuves mixtes et un focus sur la place des femmes aux Jeux paralympiques.
Le combat des femmes pour l’égalité aux Jeux olympiques n’est pas de l’histoire ancienne. En 1991, le CIO ajoute à sa charte olympique qu’elle a pour objectif « de mettre en œuvre le principe d’égalité entre hommes et femmes ». Ainsi, « tous les nouveaux sports des Jeux olympiques doivent alors forcément être paritaires », certifie l’historien. À Barcelone, en 1992, le badminton, au programme pour la première fois, compte quatre épreuves, autant pour les hommes que pour les femmes : simple homme, simple dame, double hommes et double dames. En 2012, aux Jeux olympiques de Londres, les femmes participent aux épreuves de boxe, leur permettant de pratiquer les mêmes sports que les hommes. Toutefois, elles n’ont pas autant d’épreuves – 132 contre 162 – et ne représentent que 44 % des athlètes.
Dernier accélérateur dans l’intégration des femmes aux Jeux olympiques : la mise en place des épreuves mixtes, notamment l’équitation. Dès l’ouverture des épreuves aux civils en 1952, les femmes ont pu concourir avec les hommes. Aujourd’hui, c’est la seule discipline exclusivement mixte. En 1996, il y aura le badminton avec le double mixte et le tennis en 2012.
Les avancées se poursuivront avec les Jeux de Tokyo en 2021 : judo (équipe mixte), triathlon (relais mixte), athlétisme (relais 4 × 400 mètres mixte), natation (relais 4 × 100 mètres 4 nages mixte), tennis de table (double mixte) et le tir à l’arc (double mixte). Au total,18 épreuves mixtes et les femmes représentaient 48 % des athlètes. Une parité pure et parfaite qui ne sera bientôt plus une utopie.
Des femmes plus présentes aux Jeux paralympiques
En 1948, les Jeux mondiaux des chaises roulantes et des amputés ou les « Jeux de Stoke Mandeville » sont organisés par Ludwig Guttmann. L’objectif : faire pratiquer une activité physique aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, devenus paraplégiques. « Il était neurologue et selon lui, le sport pouvait les aider à se reconstituer. » Et, cela se faisait à travers des épreuves de tir à l’arc et de basket fauteuil. Par la suite, le nombre d’épreuves augmente et le lieu change. « En 1960, la neuvième édition se tient à Rome, au même endroit que les Jeux olympiques. Plus tard, ils seront considérés comme la première édition des Jeux paralympiques », révèle-t-il. 209 athlètes y ont participé, dont 45 femmes, soit un taux de 22 %.
Contrairement à la place des femmes dans l’histoire des Jeux olympiques, les Jeux paralympiques ont été plus inclusifs envers les femmes. De 1960 à 2000, elles ont toujours représenté entre 22 % et 29 % des participantes. À partir des années 2000, le taux a grimpé de manière exponentielle : 31 % en 2004, 35 % en 2008 et 2012, 39 % en 2016 et 42 % en 2020.
À Paris, en 2024, les Jeux paralympiques ne seront pas paritaires. « C’est simplement qu’il manque des participantes. Il n’y a pas de volonté d’exclure les femmes », rappelle Pierre Lagrue. Pour les Jeux olympiques, la parité ne sera pas absolue non plus. S’il devrait y avoir autant de sportives que de sportifs, elles n’auront que 152 épreuves contre 157, pour leurs homologues masculins.
Pierre Lagrue donne son avis sur la place des femmes aux Jeux olympiques de Paris 2024
« La dernière marche dans l’inclusion des femmes va se passer en 2024, avec la parité. Quand les Jeux ont été attribués à Paris, il y a eu un vrai élan. On en entend parler tout le temps. Elle est présentée comme le grand succès de 2024.
Mais en 2024 plus un, les femmes auront de nouveau disparu des radars. Une fois qu’on aura dit qu’il y a eu le même nombre de femmes que d’hommes, qu’est-ce qu’il se passe après ?
Il n’y a pas d’accompagnement, plus rien. Je trouve que c’est une connerie. C’est uniquement de l’affichage et des effets d’annonce. Le problème, c’est qu’ils font des choses absurdes au nom de la parité. Par exemple, en haltérophilie, en judo et en lutte, des catégories de poids ont été supprimées chez les hommes pour en ajouter chez les femmes. Finalement, je pense qu’elles auront leur pleine place dans le sport quand les compétitions seront suivies avec le même intérêt. Il y a souvent l’expression “sport féminin” mais le sport n’est ni masculin ni féminin. Il commence à y avoir une prise de conscience médiatique sur la qualité du sport par les femmes, de son développement et du caractère souhaitable et inéluctable de sa progression. Il faut intéresser le téléspectateur ! Surtout, il faut faire comprendre au public que ce qu’il regarde, c’est différent. Ce n’est pas moins bien, c’est autre chose et tout autant agréable à regarder. Au basket, on ne verra pas une femme sauter comme LeBron James mais il y aura tout un jeu de passes et de démarquage. Et puis, plus il y aura d’épreuves mixtes, mieux ce sera. Et, la médiatisation s’accompagne de la revalorisation des revenus. La femme aura aussi sa place quand elle aura des salaires qui peuvent lui permettre de vivre. À cela s’ajoutent les difficultés pour elles de trouver des sponsors. Malheureusement, elles sont davantage soutenues quand elles sont jolies. C’est une réalité. Au cours de l’histoire, les femmes n’ont jamais rien eu sans combattre. Il faut qu’elles continuent de se battre et d’en parler. Tout va dans le bon sens, ça va bouger, mais rien n’est gagné ! »
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