Une enceinte que tout aficionado de tennis connait. Avec ses tribunes latérales arrondies, le court Suzanne Lenglen est le plus connu des terrains des Internationaux de France, avec le Philippe Chatrier. Bien plus qu’un nom apposé à une infrastructure, Suzanne Lenglen, son bandeau, sa jupe et son cognac, ont véritablement marqué l’histoire du tennis, aussi bien par ses nombreux succès que par sa médiatisation.
Boulogne Billancourt, fin mars 2023. Recouvert d’une charpente en acier, censé couvrir son terrain, le court Suzanne Lenglen se prépare à interrompre les travaux entamés en juillet 2021 jusqu’en septembre prochain. Un chantier dont l’objectif est de rendre le stade hermétique à toutes pluies et intempéries avec une toile, protégeant la terre ocre de Roland-Garros. Une toile en hommage à Suzanne Lenglen, ayant pour habitude de jouer ses matchs avec une jupe plissée. Deuxième plus grand court du Grand Chelem français, Suzanne Lenglen est pourtant la première femme du tennis à trouver une renommée internationale.
Une enfance cadrée par son père
Depuis sa naissance en 1899, Suzanne Lenglen côtoie un milieu embourgeoisé, habitué des terrains de
tennis. L’histoire de celle que l’on surnomme « la Divine » est incontestablement construite par son père Charles. Passionné de sports, ce dernier découvre le talent de sa fille pour la balle jaune et devient son entraîneur. Aujourd’hui, nous pourrions même parler d’agent, puisqu’il s’occupait de la gestion des tournois auxquels participait sa fille dans son début de carrière. Charles l’entrainera d’abord dans sur son terrain privé de Marest-sur-Matz dans l’Oise, et la jeune Suzanne remporte ses premiers tournois nordistes tels que Lille ou Le Touquet. L’invasion Allemande de 1914 poussera la famille Lenglen à se rendre à Nice, une région où fleurissent les cours de terre battue. Suzanne s’y entrainera avec des hommes, renforçant son physique et son jeu. Parmi eux, Anthony Wilding, légende masculine de la discipline, qui la contacte pour jouer en double mixte. Quadruple vainqueur de Wimbledon et double-vainqueur de Roland Garros, il décèdera tragiquement au front en 1915. Quatre années après, le conflit se termine. Suzanne est âgée de 20 ans en 1919 et elle s’apprête à remporter son plus grand succès international.
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Un nom à Roland, une marque à Wimbledon
Si elle a donné son nom à l’un des court de Roland-Garros, c’est en Angleterre, à Wimbledon, que ses plus grands succès raisonneront. Le tennis mondial est encore amateur, mais elle passionne la foule en écartant la septuple vainqueure britannique Dorothea Douglass Chamber pour sa première participation. Le reine Mary de Teck deviendra même une fan de la tricolore. L’élégance de Suzanne dans sa jupe attire l’œil. Le gratin du tennis mondial est fasciné par cette figure qui ose, avec son bandeau maintenant ses cheveux et se présentant sur le terrain sans corset ni jupons mais maquillée. C’est encore sur le sol londonien qu’une anecdote contribuera à forger son image. Après un set perdu, Charles Lenglen lance à sa fille un flacon contenant du cognac, boisson qui restera son remontant dans les moments difficiles. Au final, par six fois, elle remporte en simple le majeur sur gazon, contre deux fois Roland-Garros. Malgré le succès, sa pratique reste amatrice, sans véritable récompense pour les vainqueurs. Une opposition à la pratique professionnalisante de certains tournoi américain, dans lesquels une américaine est en pleine progression.
Le match du siècle pour Suzanne Lenglen
Intouchable depuis des années, Suzanne Lenglen domine sans partage l’Europe. Une certaine rivalité s’instaure tout de même avec une jeune pépite en plein développement sur le « nouveau continent ». Helen Wills, américaine de six ans sa cadette, impressionne sur le sol américain. Triple vainqueur du tournoi des États-Unis entre 1923 et 1925, elle suit en parallèle des études à l’université de Berkeley, l’empêchant de se déplacer en Europe. Souhaitée par le public et les médias, une confrontation entre ces deux icônes semble possible en 1926 lorsqu’elles sont inscrites toutes les deux au tournoi de Cannes. Après un parcours sans embuches, les deux adversaires se retrouvent pour remporter le tournoi dans une affiche qualifié de « match du siècle » par la presse, devant un public très noble. Sont notamment assis en tribune le roi de Suède Gustave V, le duc de Westminster Hugh Grosvenor ou encore un rajat indien. Devant plusieurs milliers de spectateurs, la Divine l’emporte 6-3/8-6. Ce duel restera la seule confrontation entre les deux championnes, renforçant sa position de référence : numéro une du tennis mondial.
Une carrière professionnelle en demi-teinte
La carrière de la première figure du tennis féminin va hélas prendre un coup en 1926. De plus en plus sollicitée, critiquée par ceux qui ne l’adorent pas et prise dans des crises d’insomnies, Suzanne Lenglen se présente tendue au Wimbledon de 1926. Engagée en simple et double, elle refuse de jouer un match modifié tardivement par l’organisation malgré la présence en tribune de la reine Mary de Teck.
Fatiguée du scandale engendré et à la recherche de revenus plus considérables pour gagner sa vie, Suzanne Lenglen décide de partir en tournée aux États-Unis pour toucher au tennis professionnel. Une tournée sans véritable impact sur sa carrière et son parcours jusqu’ici, mais qui marquera tout de même les prémices d’un sport qui se professionnalise très doucement, face aux réticences de monde amateur.
En quinze ans de carrière, elle cumulera 241 titres, 81 en simple, dont trois médailles d’olympiques à Anvers. Dans sa post-carrière, elle créera son école de tennis avant de publier en 1937 avec Margaret Morris, l’ouvrage Tennis by simple exercices. Une vie qui restera malheureusement inachevée. Atteinte d’une leucémie en juin 1938, sa santé se détériorera de manière éclair. Elle décédera le 4 juillet 1938. Son nom ne sera pas oublié, et depuis 1994, le trophée féminin remis à la vainqueur du tableau féminin de Roland-Garros porte le nom de « Coupe Suzanne Lenglen ».
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