Alexandra Nouchet : « Parfois les performances sont hors-normes, et elles passent inaperçues »
À 25 ans, Alexandra Nouchet est para athlète. Elle s’élancera en lancer de poids et sur le 100 m à l’occasion des championnats du monde de para athlétisme qui s’ouvrent ce samedi au Stade Charlety à Paris. Parasport, lame en carbone, visibilité des athlètes… Échange riche en apprentissage sur le handisport et son évolution.
Les Sportives : Comment vous sentez-vous à l’arrivée de ces championnats du monde à la maison ?
Alexandra Nouchet : Je suis très motivée à l’idée de retrouver des compétitions d’envergure, car je sors d’une saison blanche en raison d’une blessure. Terminer la saison sur des championnats du monde ça n’a pas de prix. Ça montre à quel point le travail paie. Et puis c’est assez fou de pouvoir représenter la France sur un tel événement et en plus à la maison !
Dans votre parcours de sportive, vous êtes passée de la natation à l’athlétisme…
J’ai fait de la natation pendant plus de 10 ans. J’ai connu de nombreux hauts et bas. En 2016, j’étais qualifiée aux JO de Rio, mais en raison d’un système de quota, je n’ai pas pu y participer. Ça m’a vraiment démotivé et j’ai arrêté le sport pendant deux ans. Mais durant cette période la pratique en compétition me manquait. J’ai donc repris le sport à Bordeaux en octobre 2020 dans une structure spécifique qui me permettait de pratiquer plusieurs disciplines, dont l’athlétisme. En voyant leur équipe s’entraîner en prenant plaisir, rigoler et converser pendant les séances, ça m’a donné envie de m’orienter en athlétisme. J’ai testé et je n’ai pas lâché ! Puis par la suite, j’ai découvert la lame en carbone qui est mon outil de course.
Cette lame en carbone semble être une étape, pourquoi ?
Ça ouvre d’autres portes. Certes, sans lame je peux courir, mais si je veux performer j’en ai besoin. J’en possède une depuis février 2021 car à un certain niveau, elle devient indispensable.
À lire aussi : Astrid Guyart, le couteau suisse à l’emploi du temps très cadré
Qu’est-ce que change la lame dans la pratique ?
Beaucoup de choses ! Sans la lame, nous n’avons pas la sensation de rebond essentielle pour nous. La lame nous permet aussi d’être propulsés vers l’avant. C’est « facilitant » dans le sens ou cela comble convenablement les déficits que l’on peut avoir par rapport à nos pathologies.
Combien coûte un tel outil ?
C’est assez onéreux… . Une lame classique sans emboîture personnalisée coûte environ 7 000 euros. Mais en fonction du modèle, on peut aller jusqu’à 12 000 euros. Pour la financer, on peut se faire aider grâce à des partenaires, ou bien grâce à des associations, ce que j’ai fait. Pour la première lame, c’est l’association « Entr’aide » qui m’a aidé. En ce moment je recherche activement encore deux lames, une de course et une de saut car nous n’utilisons pas les mêmes.
Lors de ces Championnats du monde de para athlétisme, vous êtes alignée sur deux disciplines : le 100 m et le lancer de poids. Pourquoi ?
J’aurais même aimé m’aligner en saut en longueur ! Mais je n’ai pas pu me qualifier. Je ne l’avais pas encore assez travaillé. Le 100 m me permet justement de perfectionner les bases pour la longueur puisque qu’il faut une course rapide avant le saut. Le lancer de poids, j’ai commencé fin mars 2023, j’ai vraiment apprécié donc avec mon entraîneur, on n’a pas hésité !
À lire aussi : Marie-Amélie Le Fur : « Les sportives n’existent pas moins avec leur handicap »
Comptez-vous vous spécialiser ?
Non pas forcément, je suis quelqu’un qui aime faire plein de choses différentes. De travailler ces trois pratiques, j’y trouve mon compte. Par la suite, je viserai toujours la réussite sur les trois disciplines.
Vous n’avez pas un statut de sportive professionnelle. Comment s’organise votre quotidien ?
Je travaille chez EDF grâce à un contrat d’insertion professionnelle. Ça me permet de concilier projet sportif et avenir professionnel dans le cadre des Jeux de Paris. Je m’impose une matinée par jour au travail. Le reste du temps est totalement consacré à l’athlétisme et tout ce qui tourne autour comme les soins médicaux, la nutrition, etc. C’est un bon équilibre. Mon entreprise me permet de travailler à distance notamment à l’approche de gros événements comme ces mondiaux de para athlétisme.
À un an des Jeux olympiques de Paris 2024 justement, vous les avez sûrement en tête ?
Oui tout à fait, c’est l’objectif. Et cela va permettre de faire découvrir au Français le para athlétisme, c’est une belle opportunité, ouverte au grand public et avec des places qui sont accessibles à tous.
À lire aussi : Football : Le FASS, club tourangeau finaliste du Prix Sensationnelles
Que représente pour vous cette mise en lumière grâce aux Championnats du monde de para athlétisme et l’élan en raison de Paris 2024 ?
Ça devrait attiser la curiosité. De tels mondiaux avec des prix vraiment accessibles, ce n’est pas tous les jours. Je pense que nous sommes de plus en plus dans un monde inclusif. De mettre en lumière le handisport, c’est génial ! Parfois, les performances sont hors normes et passent inaperçues… J’espère que ces championnats vont permettre de faire découvrir toutes ces disciplines et tous ces champions et championnes. C’est aussi super motivant de voir que ce sera diffusé à la télévision par exemple.
Voyez-vous une amélioration de visibilité du handisport ces dernières années ? Un peu à l’identique du sport au féminin, même s’il reste du travail…
Oui totalement. Depuis les Jeux de Tokyo, j’ai l’impression qu’il y a amélioration. Surement grâce à la dynamique de Paris 2024. Les championnats de France ont été diffusés par exemple. De gros médias viennent à notre rencontre pour faire des reportages. Les médias commencent à s’intéresser au handisport, et ça fait vraiment plaisir.
À lire aussi : Faustine Noël, une vie à organiser pour le parabadminton
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.
Vous avez aimé cet article ?
Retrouvez tous nos articles de fond dans le magazine
S’abonner au magazine