Ana Gros va laisser un grand vide en quittant l’Hexagone pour la Russie à l’intersaison. Après sept ans et demi passés en France, la longiligne slovène d’1m86, au bras gauche surpuissant et à l’immense sourire, était devenue une icône de la première division de handball. Retour sur le parcours d’une joueuse qui a éclos au plus haut niveau dans notre pays et qui a remporté cette saison le Trophée FDJ de la meilleure joueuse du championnat de France.
Rien ne prédestinait véritablement Ana Gros à devenir l’une des meilleures handballeuses mondiales. Adolescente, la native de Velenje accompagne son paternel dans un gymnase, mais pas pour apprendre à décocher des tirs inarrêtables à douze mètres. « Mon père était volleyeur, il m’emmenait avec lui à l’entraînement. C’est comme ça que j’ai pris plein de ballons dans la tête ! rigole-t-elle. C’est lui qui m’a poussée vers le handball en voyant que c’était plus développé pour les filles que le volley. »
Avec sa meilleure amie, Ana Gros se teste sur quelques séances. Ses aptitudes sont remarquables, son potentiel vite repéré. À 14 ans, elle intègre la réserve puis l’équipe première de Krim, le meilleur club de Slovénie, engagé sur la scène européenne. Sa puissance impressionne. À 19 ans, elle est appelée par Györ, dans le top 3 des clubs continentaux. Son ascension est fulgurante. Trop peut-être.
« Sans confiance, tu ne peux rien faire »
En Hongrie, la jeune femme tarde à faire ses preuves, ce qui ne pardonne pas au plus haut niveau. En manque de temps de jeu, elle signe en 2012 à Thüringer, en Allemagne. L’expérience n’est guère plus concluante. « Quand je suis partie de Slovénie, j’étais jeune, beaucoup trop jeune… estime-t-elle. Mais quand Györ t’appelle, tu ne peux pas refuser ! En Allemagne, j’étais au plus bas mais j’ai appris plein de choses. Je n’ai aucun regret. Quand je regarde en arrière, je me dis que j’ai eu une belle carrière. C’est clairement en France que j’ai réussi à avoir ce niveau. »
En janvier 2014, Sandor Rac, alors sur le banc messin, la recrute en tant que joker. Le tacticien serbe ne le sait pas encore, mais il vient d’enrôler celle qui sera désignée meilleure arrière droite du championnat six saisons durant (en 2014, 2016, 2017, 2018, 2019, 2021). « Sandor m’a tout de suite donné ma chance. À ce moment-là, Fleury était le grand rival et je suis arrivée pour ce match. J’ai marqué six buts et je me suis sentie bien immédiatement. Ensuite, Jeremy Roussel est devenu coach et m’a donné beaucoup de confiance. C’est ça que j’avais perdu en Allemagne. Sans confiance, tu ne peux rien faire ! Ça a été pareil avec Manu après (NDLR Emmanuel Mayonnade). »
Un nouveau challenge russe
Championne de France à quatre reprises avec Metz, Ana Gros passe à l’ouest en 2018 pour endosser le maillot brestois. La première saison est collectivement compliquée, la seconde est marquée par la crise sanitaire. Enfin, l’exercice 2020-2021 est grandiose. Le collectif breton réussit le doublé coupe-championnat, et rejoint le dernier carré de la Ligue des champions en mai. Après une demi-finale gagnée contre Györ, les protégées de Laurent Bezeau échouent en finale face aux Norvégiennes de Kristiansand (28-34). « C’est dur à digérer, admet la meilleure marqueuse de la compétition avec 135 unités. Ce trophée est un rêve depuis toujours. Il faut être lucide, il sera difficile de remporter quelque chose avec ma sélection nationale. Quand tu viens d’un petit pays et que tu as une chance de gagner la Ligue des champions, c’est quelque chose… Et il ne me reste pas beaucoup d’années au plus haut niveau ! » juge la trentenaire.
En rejoignant le CSKA Moscou cet été, Ana Gros se lance un nouveau défi. Poussée par ses facilités linguistiques – elle parle anglais, allemand, slovène, français et serbe –, l’étudiante en tourisme s’exerce déjà au russe. « J’ai senti que j’avais besoin de changement. Le club est jeune mais ses résultats sont déjà très bons. En France, j’étais dans ma zone de confort. Moscou est une ville immense que j’ai envie de découvrir. »
Propos recueillis par Mejdaline Mhiri
Crédit photo : Delhomme Bertrand-LFH
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