Anne de Sainte Marie « Le modèle sportif est fini. Il faut réinventer. »
Anne de Sainte Marie est l’une des rares femmes en course pour la tête d’une présidence de fédération sportive olympique française, celle de la Fédération Française d’Equitation. A 36 ans, malgré certains obstacles à sauter, elle est déterminée à mener à bien sa campagne, afin d’agir efficacement pour le collectif et au galop!
Née en Normandie, Anne de Sainte Marie, a toujours baigné dans le milieu équestre, dès son plus jeune âge. « Je suis née dans un haras. J’ai grandi dans un haras. Mes parents travaillent dans le milieu équestre. Et ma mère est la première directrice de Haras Nationaux, une administration public qui s’occupait de l’étalonnage dans la reproduction des chevaux, » confie-t-elle.
Pour cette ancienne Directrice d’établissement équestre, enseignante et cavalière, les chevaux ont toujours fait partie de son chemin de vie : « Je suis encore actuellement cavalière et j’ai passé le monitorat rapidement. Puis j’ai fait une école de commerce à Audencia à Nantes. Naturellement j’ai consacré ma carrière professionnelle au milieu équestre, au milieu des chevaux. Pendant 4 ans j’organisais les compétitions du Salon du Cheval de Paris, avant d’intégrer la FFE puis j’ai dirigé une structure.»
« Le mot politique effraie parfois, moi je le revendique. C’est agir pour le collectif, le reste c’est du théâtre. »
Les chevaux, c’est son dada ! Mais bien plus que la pratique, Anne de Sainte Marie a souhaité s’impliquer davantage pour l’équitation captivée par le « système de pensée politique et collective ». Très vite, elle intégrera alors le milieu fédéral : « ça fait très longtemps que je suis animée par la filière. Je suis vraiment passionnée de cela. C’est un sens de la vie qui m’a été inculquée. J’ai été à la DTN (nldr : Direction Technique Nationale) en tant que chef de mission Jeux Olympiques 2012. J’étais l’interface avec la Fédération Equestre internationale. Puis en 2014, on m’a proposé de prendre la direction du Haras de la Cense. Au cours de ma carrière au Salon du Cheval, à la direction technique nationale de la FFE puis au Haras de la Cense, j’ai toujours mené des projets qui font avancer notre profession. Alors, c’est naturellement que j’ai accepté la fonction de Vice-présidente du Comité Régional d’Equitation d’Ile de France, puis de représenter l’équitation au Comité Régional Olympique et sportif. Le mot politique effraie parfois, moi je le revendique. C’est agir pour le collectif, le reste c’est du théâtre. »
« J’ai sentie une vraie prise de conscience d’agir maintenant. On est dans des métiers où les gens travaillent énormément. Il y a eu un choc, le modèle sportif est fini. Il faut réinviter. »
Une pièce de théâtre dans laquelle elle compte bien jouer le premier rôle, en prenant de gros risques. « J’ai abandonné la direction du Haras. Après six ans à la Cense, le bilan de l’équipe était très positif, avec de multiples réalisations, des livres, des formations en ligne, un pôle balade, une fondation. C’était une place très confortable, que j’ai choisi de quitter pour me consacrer à cette campagne. C’est un gros risque bien sûr, j’ai dû faire des sacrifices. Mais quand la maison brûle, il faut agir et je ne crois pas à la demi-mesure. J’ai sentie une vraie prise de conscience d’agir maintenant. On est dans des métiers où les gens travaillent énormément. Il y a eu un choc, le modèle sportif est fini. Il faut réinviter.»
Et quand elle s’engage, Anne de Sainte Marie s’engage pleinement, d’autant plus dans une période « d’urgences ». « De l’intérieur j’ai vite compris que je ne pouvais pas faire bouger les choses. Donc j’ai décidé de me lancer pour faire bouger de l’extérieur. Pourquoi maintenant ? Et pourquoi pas. Il aurait tactiquement fallu se mettre sur une liste en effet, ça aurait été plus simple et confortable. Mais pour moi il y a une vraie urgence. Le président m’a proposée d’être sur sa liste pour l’élection à venir, mais je me suis souvenue d’une phrase qu’il m’avait dite en 2016, lorsqu’il avait refusé que j’y figure : « Si vous voulez changer les choses, il faudra nous dégager ». Je n’ai jamais oublié, c’était comme une graine semée. Puis cette graine a germé grâce à un collectif de gens qui partageait la même lecture que moi de notre fédération, c’est à dire construire autre chose sans casser ce qui fonctionne. »
Elle sillonne alors la France des centres équestres dans le cadre de sa campagne A Cheval Demain, pour faire entendre sa voix. Le discours est bien construit et ses propositions suscitent un réel intérêt. « Je me suis fait une feuille de route avec 110 réunions partout en France notamment. Je ne fais pas les choses en fonction des autres candidats, et pour le moment je n’ai pas de concurrents. Même l’équipe en place ne s’est pas encore positionnée. Toujours pas de date d’élection non plus à vrai dire. Pour le moment on est dans l’attente du lancement de la campagne. J’ai sonné la sonnette au CNOSF et au ministère pour qu’il y ait une date et qu’on garantisse le mode démocratique des élections. Que l’équité reste. »
Droite dans ses bottes, « audacieuse et courageuse », Anne est consciente que les enjeux sont de taille : « J’ai participé au programme « Dirigeantes » du CNOSF organisé par Sarah Ourahmoune et Femix’Sports. Ca m’a permis de suivre la campagne des autres candidates. On essaye d’être solidaires. Ma vision des choses, c’est que l’équitation est un milieu très confiné. Et justement c’est important de sortir de son univers équestre et c’est tellement riche de regarder ailleurs, ca rend plus fort. Un jour j’ai eu une réflexion d’un homme qui a écrit à d’autres dirigeants sur ma candidature en la qualifiant de « candidature impertinente / insolente ». Le président actuel avait pris ma candidature à la rigolade. Mais aujourd’hui je pense justement avoir encore plus d’appétence. Le changement fait peur, je suis jeune et je suis une femme. Mais heureusement j’ai une équipe qui accentue ma crédibilité. Et malgré la situation complexe liée à la situation sanitaire, il faut encore plus se remettre en question. Aujourd’hui notre société de services exige un niveau de qualité énorme et qui est croissant en fait, même par rapport au passé. On doit grandir en qualité, ça veut dire avoir à chaque fois des identités de structure, organisation, clubs centres de tourisme équestre, on doit avoir une vraie identité et reconnaître l’identité de chacun, c’est-à-dire une fédération qui n’est pas une franchise de club standard mais qui reconnaît l’identité, les spécificités et les qualités de chaque structure pour pouvoir proposer une diversité au public et donc répondre à tous les publics, l’enfant, l’homme, la fille, la femme, le jeune senior. »
Propos recueillis par Aurélie Bresson
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