Ayodelé Ikuesan : « Pour gagner sa vie, mieux vaut avoir participé à Koh Lanta qu’être sportive de haut niveau »

C’est indéniable. Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont pris une place importante dans le quotidien des Français·e·s. Canal de visibilité par excellence, il est prisé par de nombreuses personnalités, marques et fédérations. Pourtant, là encore, les sportives peinent à se faire connaitre. Ayodelé Ikuesan, athlète olympique et sprinteuse engagée, dénonce un système peu favorable à la professionnalisation des sportives.

Tout est parti d’un article de nos confrères de L’Équipe sur le burn-out et la dépression chez les athlètes. Peu surprise de la situation mentale exposée dans le papier, Ayodelé Ikuesan est surprise néanmoins de lire un témoignage d’athlètes olympiques uniquement sur 3-4 lignes. « Je me suis rendue compte que les influenceur·euse·s sports étaient finalement plus visibles que des athlètes qui ont participé aux Jeux olympiques. »

Parmi quelques exemples, Maxine Eouzan, ancienne sportive de haut niveau en gymnastique, participante à Koh-Lanta. En un temps record, son compte Instagram a attiré plus de 50 000 followers. Ayodelé Ikuesan le souligne : « C’est fou comme en quelques jours, participer à une émission de téléréalité peut développer une notoriété. Quand on est sportive olympique, même les influenceuses nous dépassent. »

De sportives à influenceuses

Faut-il passer par la téléréalité pour se faire connaitre en temps qu’athlète ? C’est la question que se pose l’olympienne. « En fait, la vraie question de fond c’est : on fait comment pour que les résultats des sportives de haut niveau puissent être mis en avant ? C’est un vrai sujet de société. Quand on s’entraine pour les Jeux olympiques ou des compétitions d’envergure internationale, on n’a pas le temps de gérer nos publications, notre communication, voire les médias. Déjà que nous n’avons pas forcément ni la place ni les moyens financiers nécessaire à notre pratique… Pour gagner sa vie, mieux vaut avoir participé à Koh Lanta qu’être sportive de haut niveau. »

« Si tu ne maitrises pas les codes, tu n’es pas visible »

Alors que les athlètes de haut niveau peinent à trouver des sponsors pour assumer leur statut de professionnelle, la médiatisation, par le biais des réseaux sociaux, semble devenir une solution. « Aujourd’hui, les réseaux sociaux ne nous sont pas vraiment favorables si on n’y est pas nous-mêmes, nous les athlètes de haut niveau », exprime celle qui siège à la Commission des athlètes de haut niveau du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) depuis 2017. « Et pourtant, il faut passer par les réseaux sociaux pour se faire connaitre. Le public est en demande d’histoires, de suivre des personnes qui partagent beaucoup de contenus. Finalement, tout le monde peut se créer une histoire. Si tu as eu une médaille, c’est un vrai plus ! Mais si tu ne maitrises pas les codes, tu n’es pas visible », poursuit-elle.

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Des athlètes jouent le tout pour le tout

Présente sur TikTok à travers des publications de son quotidien de rugbywomen, Lenaig Corson, joueuse de l’équipe de France et au Stade Français, approche les 30 000 abonné·e·s et les 700 000 mentions J’aime. Ayodelé Ikuesan lui a justement demandé conseil : « Elle est l’une des rares athlètes de haut-niveau à s’être bien positionnée sur Tiktok. Elle maîtrise bien ses réseaux sociaux, mais elle l’a fait pour le faire, car elle s’est rendue compte qu’elle n’avait pas d’autres solutions. Moi par exemple je n’ai pas posté depuis des mois, mais ça ne veut pas dire que je ne fais rien ! Je n’osais pas partager tout ce que je faisais, car je me disais que ça n’intéressait personne. Maintenant je suis prête à le faire, car de nos jours, les sportives n’ont pas le choix. »

@lenacorson

Qui attend le crunch avec impatience ? 😁 le match de l’année !!! #tiktokrugby #crunch #sixnationsrugby #barbarians #sportstiktok #womenrugby

♬ son original – Lena Corson

Crédit photo : Marie Lopez-Vicanco 

Propos recueillis par Aurélie Bresson