Camille Kerneguez, tantôt débout, tantôt en fauteuil
« Je n’étais pas accepté en cours d’EPS car les profs ne voulaient pas prendre de risque »
Camille Kerneguez est une jeune femme de 24 ans pleine d’énergie. A Montpellier, elle conjugue sport et étude. Si de coutume elle raconte avoir survécu à un accident de parapente au Pérou, Camille est née avec une lésion neurologique qui entraine de profondes raideurs musculaires (infirme moteur cérébral). Tantôt débout, tantôt en fauteuil, elle a connu un parcours scolaire classique, à l’exception de l’EPS qui ne l’a pas acceptée comme elle est. Aujourd’hui pourtant, pas question d’envisager la vie sans rugby !
LE SPORT SCOLAIRE EST-IL ACCESSIBLE ?
Le parcours de Camille traduit le manque d’accessibilité dans le sport des personnes en situation de handicap. Il reflète également les problématiques d’inclusion en milieu scolaire. « Lorsque je demandais à participer aux séances de piscine, ma mère devait m’accompagner lors des sorties scolaires. D’autres sports étaient envisageables mais la question de la responsabilité et l’appréhension revenait. Les profs ne voulaient pas prendre de risque alors que je savais nager par exemple ! », raconte-t-elle.
A l’aube du baccalauréat, Camille a eu la chance de croiser sur son chemin une professeure dont la pratique du sport n’était pas conditionnée. « J’étais tout le temps exemptée, ce n’est qu’en terminal que la prof m’a dit : tu passeras ton bac de sport ! Du coup, j’ai essayé pour la première fois l’athlétisme et le ping-pong. Bien sûr c’était adapté mais au moins j’étais avec toute la classe ! ». S’ouvre alors un monde nouveau, celui du sport et de l’engagement physique. « Jusqu’à 18 ans, mon fauteuil était simplement un moyen de transport. Ce n’est qu’en découvrant le sport que je me suis rendue compte qu’il pouvait me rendre plus dynamique » précise Camille.
« Parfois j’ai l’impression de ne pas avoir la légitimité car je suis une femme »
CE SERA LE RUGBY !
A Nantes, où elle commence ses études, la jeune étudiante découvre une multitude d’opportunités. Elle y découvre d’abord la danse avant de s’intéresser à une toute autre discipline : le rugby fauteuil. « Après la danse, j’ai eu envie de faire un sport plus intense. Au relai handicap, on m’a parlé du basket et du rugby. Je suis allée voir un championnat de rugby, ça envoyait, ça partait dans tous les sens. C’était ça ce que je voulais faire ! », explique-t-elle en rigolant.
Le rugby à 4 est une discipline mixte pour laquelle il faut un handicap de trois membres minimums. Camille le pratique aujourd’hui à Montpellier avec les Sharks, équipe dans laquelle elle est la seule féminine. Si le rugby fauteuil est inclusif par nature, il semble néanmoins reproduire certains stéréotypes de genre du sport valide. « J’aime ce sport et l’énergie de groupe. Mais parfois j’ai l’impression de ne pas avoir la légitimité car je suis une femme et que mes coéquipiers ne vont pas m’écouter. Quelques fois en compétition, il y a quelques remarques sur le fait que je sois une fille et qu’on fait plus doucement avec moi ». Lors de la Women Cup à Paris, elle a trouvé une vraie place dans un collectif 100% féminin. « Il y avait quelque chose d’hyper solidaire, on était toutes à part entière, on ne faisait qu’un ». Si la sportive se plait dans ce sport mixte, l’idée d’un championnat féminin se pose mais reste néanmoins en sommeil faute d’un nombre de joueuses assez important.
D’un projet au Cambodge à celui autour du développement de programme handi rugby avec son club, les idées ne manquent pas mais le leitmotiv reste le même : développer le rugby fauteuil, sensibiliser aux bienfaits du sport pour tous et changer les regards. Femmes ou hommes, valides ou en situation d’handicap, pourquoi l’accès au sport se pose-t-il encore ?
Propos recueillis par Claire Smagghe
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