Chloé Trespeuch
À la rencontre des sportives

Chloé Trespeuch : « Il n’était pas question de faire un choix entre ma carrière sportive et ce désir d’enfant »

Claire Smagghe
17.10.2024

A 30 ans, Chloé Trespeuch va devenir maman. Après une saison couronnée par le Globe de cristal qu’elle convoitait depuis longtemps et avant de se préparer pour les prochains Jeux olympiques en 2026, la snowboardeuse ouvre la voie à la maternité dans sa discipline. Et profite de son temps libre pour faire tomber les préjugés qui entourent l’activité physique pendant la grossesse.

Les Sportives : Comment vous sentez-vous ?

Chloé Trespeuch : Super. 2024 a été une très belle année. J’ai eu la saison sportive dont je rêvais depuis quelques temps avec ce Globe de cristal et finir l’hiver avec cette grossesse qui se passe vraiment bien, c’est génial. Elle me permet de continuer ce qui me rend heureuse dans la vie avec les entrainements, le sport. Tout roule. 

 

Vous êtes récemment partie à l’assaut du Mont Blanc.  Réalisez vous que vous pouvez inspirer et faire bouger les lignes de la maternité et sport ?

C’était un projet calé depuis un an et demi. Je ne savais pas à l’époque que je serais enceinte à ce moment là mais c’était un projet important pour moi parce qu’il y avait toute une sensibilisation sur les enjeux climatiques pour nous en tant qu’athlètes et des ateliers avec les enfants et les locaux sur place. Je trouve toujours intéressant de lier le sport et les enjeux climatiques. Tous les secteurs doivent évoluer, y compris le sport. 

Et enfin, il y avait bien sur le projet sportif. J’avais fait une fois de l’alpinisme, donc je n’étais pas dans ma zone de confort [rire]. C’est le sommet mythique, ça me faisait vraiment rêver. 

Comment avez-vous abordez ce défi avec votre grossesse ? 

Je me suis beaucoup renseignée. J’ai consulté des spécialistes pour savoir si cela posait un problème pour le bébé. Il n’y en avait pas et donc j’y suis allée aux sensations. C’est important pour moi de répondre à mes envies de défis même pendant cette période. C’est neuf mois où j’ai envie d’être heureuse et ça fait partie de mon bonheur de faire ses challenges sportifs.

Très peu de sportives de haut niveau se lancent dans ce projet. Vous leur donnez de la voix…

Il y a trop peu d’exemple. Quand on a eu envie de ce bébé avec mon conjoint, il n’était pas question de faire un choix entre ma carrière sportive et ce désir d’enfant. Je me suis tout de suite dit que j’allais concilier les deux. Dans ma discipline, il y a qu’un seule athlète, une Italienne, qui est revenue après sa grossesse. C’est encore un vrai frein. On est encore dans le dilemme entre l’un et l’autre. Et souvent, les filles arrêtent plus tôt leur carrière pour se donner une chance d’avoir un enfant. C’est vraiment quelque chose que je ne voulais pas parce que c’est se priver d’une liberté. Les hommes ont tous des enfants dans le snowboard cross à mon âge. Donc c’est vraiment une problématique autour de la femme. On verra si cela ouvre quelques portes quand je reviendrai sur la Coupe du Monde. 

 

Le Globe de cristal ne vous a-t-il pas libérée, d’une certaine manière, pour vous permettre de vous lancer dans ce projet de maternité ? 

Le projet existait déjà avant le titre. Mais mentalement, le Globe de cristal m’a permis de lâcher prise. Je crois que le Globe m’a permis d’attribuer assez de repos à mon corps et mon esprit pour lâcher le sport. Quand on est athlète, on aime bien tout contrôler. Quand on a un objectif, on sait ce qu’il faut mettre en place pour y parvenir ou du moins se donner les chances d’y parvenir. La maternité c’est pas du tout ça, c’est la nature qui décide. J’aurais aimé avoir un peu plus de temps avant les Jeux. Mais ça ne se contrôle pas, et c’est très bien comme ça. 

Vous êtes dans un sport qui repose essentiellement sur les sponsors. Vous suivent ils aussi dans ce projet de maternité ?

Chloé Trespeuch attend son premier enfant pour le mois de janvier.

Chloé Trespeuch attend son premier enfant pour le mois de janvier.

J’ai eu beaucoup de retours positifs. Il faut le faire comprendre mais on n’est plus que des athlètes. Il y a beaucoup de valeurs dans le sport auxquelles les entreprises peuvent s’identifier au delà des podiums. On sent que tout ce qui est nouveau pose question. Le rôle que j’ai envie d’avoir c’est de les convaincre qu’il y a plein de choses à faire pendant cette période. Nos contrats se maintiennent quand on est blessé alors qu’il n’y a pas beaucoup de contreparties à offrir. Alors que quand on est enceinte, c’est positif. Ca donne un exemple de liberté de la femme. J’ai aussi beaucoup plus de temps pour faire des actions avec mes partenaires. J’ai des partenaires fidèles depuis des années avec qui j’ai construit une relation humaine. Ce n’est pas qu’un autocollant sur la planche. C’est aussi une saison après un Globe et juste avant les Jeux olympiques dont c’est tout même une période très dense en terme d’actualités sportives.

Vous avez fait la tournée de plusieurs médias, pourquoi est ce que c’est si important pour vous d’en parler ? 

C’était important pour le mettre en avant. Quand j’ai pris la décision, j’ai regardé les athlètes qui avaient déjà vécu cela. J’ai appelé certaines athlètes d’été. L’encadrement n’a jamais eu à faire à cette situation. Il y a un manque de connaissance et d’exemple dans ma situation. Il faut que cela devienne plus naturel, plus facile pour les prochaines générations. Je me suis dit que si on me donne la parole sur ce sujet, c’était important d’en parler. Expliquer que l’on peut continuer le sport pendant la grossesse. Ce qui m’a aussi incité à en parler, c’est aussi tous les principes de précaution autour de la grossesse. Quand on est enceinte, on a l’impression de devenir fragile et que tout le monde a son mot à dire sur la manière dont il faut la gérer. Alors qu’aucune grossesse ne se ressemble et que le maitre mot c’est l’encadrement médical et les sensations de la femme. On nous voit comme des fonceuses sur la planche mais comme des petites choses fragiles une fois enceinte. C’était compliqué au début. J’ai eu l’impression de manquer de liberté sur mon quotidien de femme enceinte. Je le vois comme une adaptation mais pas neuf mois à attendre dans mon canapé à regarder mon ventre grossir. Ce n’est pas comme ça que je suis heureuse. Et quand on se renseigne, on se rend compte que le sport est bon pour le bébé et pour le moral de la mère. Et si le moral est bon, c’est la meilleure manière de bien développer le bébé. 

Claire Smagghe
17.10.2024

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