À la rencontre des sportives

De Cannes à Tokyo, la nageuse papillon à l’honneur dans « Nadia, Butterfly »

Alais Diebold
20.07.2021

Sélectionné en 2020 pour la 73e édition du Festival de Cannes, le film Nadia, Butterfly sortira en salle dans les cinémas français le 4 août. En plein cœur des Jeux olympiques, ce drame sportif québécois se penche de manière authentique sur la psychologie d’une nageuse professionnelle en fin de carrière.

Prêt depuis février 2020, la pandémie de COVID-19 a retardé sa sortie au même titre que les Jeux olympiques ont été décalé d’un an. Le scénario s’ancre aux Jeux olympique de Tokyo, dans un monde qui n’a pas connu la pandémie.

 

Un drame sportif authentique

Nadia Beaudry est une nageuse canadienne. Elle décide de prendre sa retraite à l’issue des Jeux olympiques de Tokyo, au point culminant de sa carrière. À seulement 23 ans, son choix ne fait pas l’unanimité parmi ses coéquipières et son entraineur. Le réalisateur, Pascal Plante, ne s’est pas lancé le défi de faire un drame sportif traditionnel. Il brosse plutôt le portrait authentique d’une sportive en quête d’identité, dans une période de plongée dans l’inconnu. Nadia doit faire face à un défi de taille : comment faire sa mue en dehors de la natation, alors qu’elle y a dédié sa vie ?

Finalement, la victoire et la défaite importent peu. Le film s’ouvre par une séance d’entrainement de l’équipe de natation en amont de la compétition. Coups de sifflet, allers-retours de l’entraineur qui dicte ses consignes, les longueurs intenses des nageuses. Tout y est pour que la scène soit la plus réaliste possible. Puis, très vite, arrive la compétition et le relais 4×100 mètres quatre nages auquel participe Nadia. Ancien nageur de haut-niveau, le réalisateur a mis son expérience sportive au service du film. « À mon grand regret, il y a peu de films de sports qui mettent en scène un véritable effort physique. […] Notre pari était de montrer cet effort physique ininterrompu pour créer une connexion émotionnelle avec la performance. »

Pour le réalisateur, il était impossible de choisir des actrices qui n’étaient pas des vraies nageuses. « Je ne me serais jamais rabattu sur des comédiennes », maintient-il fermement. Médaillée de bronze aux Jeux olympiques de Rio en 2016, Katerine Savard, l’interprète de Nadia, prépare actuellement ses troisièmes Olympiades. Toutes les autres actrices (Hillary Caldwell, Cailin McMurray, Arianne Mainville) étaient aussi des nageuses professionnelles ou de haut niveau.

La difficulté de l’après-carrière

Comme Nadia, tou·te·s les athlètes ont un jour ou l’autre à envisager une reconversion professionnelle. Katerine Savard s’y prépare, elle aussi, puisqu’elle a validé un diplôme universitaire en enseignement primaire. « Oui, j’ai un après carrière, mais le vivre au travers d’un film c’est différent. J’ai ressenti de la nostalgie, comme si je vivais ce que j’allais vivre dans les prochaines années. Ça m’a fait vivre ces émotions-là avant ma propre retraite. »

 

Novice devant la caméra, elle s’est révélée être l’interprète parfaite dans l’esprit du réalisateur. « J’ai su avoir les mêmes émotions que quand on est en compétition. Quand on est en compétition, on doit performer au « À vos marques, partez ». Dans un film, on doit performer au « Action ». Ça faisait des émotions qui étaient semblables. Je jouais une nageuse, je jouais quelque chose que je connaissais », indique-t-elle.

Le deuil au cœur du scénario de Nadia, Butterfly

Prendre sa retraite est une étape du parcours d’un·e sportif·ve. Quitter la natation à haut-niveau est un choix que l’olympienne ne peut faire que seule. Seule dans sa tente à pleurer. Seule dans sa chambre puis à déambuler dans les rues de Tokyo. Même entourée de son entraineur, de sa kinésithérapeute, de ses coéquipiers et coéquipières et d’autres athlètes, Nadia apparait seule. Déjà un pied en dehors du bassin.

Compétitions, entrainements, étirements, soins. Ce réalisme des scènes fait honneur à la natation. Mais contrairement à la plupart des films de sport, ce ne sont pas les exploits sportifs qui sont au centre du scénario. Doutes, incertitudes et deuils ponctuent le récit. « Les émotions que l’on retrouve dans le film, ce sont des émotions que tou·te·s les athlètes vont vivre ou ont vécu à un moment de leur carrière. Il y a la déception, la joie, les micro-deuils qu’on vit dans le film. Je pense que tout·e athlète va passer par ces processus-là, à des degrés différents. Il y en a pour qui ça va être plus difficile », explique Katerine Savard.

 

La championne doit dépasser ces « micro-deuils » pour avancer. Deuil de la natation, deuil de l’entraineur, deuil des coéquipières, deuil de la meilleure amie Marie-Pierre, qui, elle, entend continuer la natation à haut niveau. « Nadia voit la natation comme un cocon dont elle va devoir s’émanciper en prenant le contrôle de sa vie. En d’autres mots, elle doit prendre son envol. Le papillon permettait cette symbolique », analyse Pascal Plante.

Découvrir la face cachée des Jeux olympiques

Pascal Plante a également voulu déconstruire l’image de l’athlète parfait·e qui vit dans l’idyllique village olympique. « L’athlète est toujours présenté·e comme un demi-dieu, comme un être parfait qui ne déroge jamais à la règle, mais ce n’est pas vrai. Les sportif·ve·s sont des êtres humains avant tout. » Il s’agissait alors de montrer la réalité. Le contrôle du corps sportif mis au service de la natation, les privations, les joies et les peines mais aussi les excès au moment où la pression se relâche.

L’émancipation de Nadia passe par la découverte des excès du village olympique. Elle met un point final à une vie dédiée au sport avec toutes les privations que cela implique. « La vie sociale n’a pas été hyper développée pour elle. Je pense que c’est la réalité de certain·e·s athlètes dans le sens où on est dans une bulle de sport et on ne peut pas faire ce qu’on veut, on ne peut pas sortir tous les soirs », ajoute Katerine Savard.

 

Ce drame ne ressemble à aucun autre. L’authenticité des scènes de sport est époustouflante. Pour sa première expérience d’actrice, Katerine Savard a su se glisser dans la peau d’une nageuse, en plein blues post-compétition, arrivée à l’aube de sa nouvelle vie. Cibler la psychologie de la future ex-athlète et non ses performances rend ce film unique. Peu de films de sport (voire aucun) ne s’y était essayé. Celui-ci ne s’adresse pas seulement aux amateurs et amatrices de sport. Les émotions, les deuils et mêmes certaines situations sont universelles. « Je pense que tous les gens qui ont vécu quelque chose de très intense dans leur vie ou qui ont opéré un grand changement dans leur quotidien peuvent s’y retrouver », résume Pascal Plante.

Alais Diebold
20.07.2021

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