De l’Ukraine à Lille, Alina Shukh résiste sur tous les fronts
L’Ukrainienne Alina Shukh est une spécialiste des disciplines combinées de l’athlétisme, championne du monde de javelot et championne d’Europe de l’heptathlon chez les juniors. Le 24 février, lors de l’invasion russe, elle s’est mobilisée pour la défense de sa ville avant de rejoindre le CREPS des Hauts-de-France vendredi pour reprendre l’entrainement.
« Avant la guerre en Ukraine, j’étais une athlète et je travaillais dans le conseil financier. Après le 24 février, j’ai dû tout arrêté. J’ai commencé à travailler dans la défense territoriale », lance Alina Shukh. Pendant vingt jours, elle a troqué la casquette de sportive contre celle de coordinatrice des volontaires de Brovary, sa commune située à une vingtaine de kilomètres de Kiev.
Résister face à l’invasion Russe
Organiser l’aide humanitaire, trouver des munitions pour l’armée et fabriquer des cocktails molotov, Alina Shukh n’a pas eu d’autre choix que celui d’intégrer le front de la résistance. « Si vous ne faites rien, vous devenez folle avec toutes les bombes qui tombent autour de vous. Et vous ne pouvez plus rien faire. Mais quand vous travaillez et quand vous êtes toujours dans l’action, à essayer de comprendre ce qui se passe, à aider l’armée, cela donne l’impression que vous contrôlez la situation. Vous êtes moins effrayée. Je n’ai pas vraiment senti la peur. J’ai travaillé toute la journée, parfois même pendant la nuit », raconte-t-elle, émue.
Alors l’entrainement, en vue des objectifs de la saison sportive, est passé au second plan. « En Ukraine, c’était super difficile de s’entrainer parce qu’il fait froid dedans et dehors. Même notre groupe de volontaires s’abritait dans un gymnase. Donc c’était vraiment impossible. » Puis l’organisation s’est structurée et adaptée à la situation, pouvant compter sur la solidarité entre des habitant·e·s.
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Défendre le drapeau jaune et bleu
L’heptathlonienne s’est alors lancée dans une nouvelle lutte : représenter les couleurs de son pays, l’Ukraine. Après de nombreuses recherches, Florence Bariseau1Florence Bariseau est vice-présidente du Conseil régional des Hauts-de-France en charge du sport, de la jeunesse et de la vie associative., la région Hauts-de-France et le CREPS de Wattignies ont ouvert leurs portes. « Si j’avais senti que j’étais encore utile là-bas, je ne serais pas venue en France. Parce que la seule chose importante en ce moment, c’est de gagner cette guerre. »
Un choix cornélien et le début d’un long périple de quatre jours. « D’abord, nous avons eu du mal à quitter l’Ukraine, c’était difficile. Cela a pris 11 heures pour quitter la zone. Puis nous avons pris le bus pour une ville proche de la Pologne, avant de prendre le train pour Cracovie. Après avoir passé la nuit à l’hôtel, nous avons pris l’avion pour la France. »
Retrouver le chemin de l’entrainement
Alina Shukh doit désormais se remobiliser après une longue trêve dans son programme d’entrainement, et retrouver ses standards en vue des championnats du monde qui auront lieu en Oregon (États-Unis) cet été. « Je vais m’entrainer tous les jours. Mais entre les entrainements, je vais travailler avec des journalistes et trouver des moyens pour apporter de l’aide militaire pour ma ville. Mon travail de volontaire continue », poursuit-elle.
Si la jeune femme de 23 ans a pu rejoindre la France, d’autres de ces compatriotes n’ont pas pu saisir cette chance. Valeria Mykhobrod, membre de son équipe, est toujours coincée près de Sumy, à l’est de l’Ukraine. « Elle n’a même pas pu partir de là-bas. Il n’y presque plus de ville, elle est bombardée tous les jours. Peut-être qu’elle pourra utiliser un corridor pour rejoindre l’ouest. Mais nous ne savons même pas comment elle va. » Alina Shukh espère voir arriver bientôt sa coéquipière, comme d’autres athlètes déjà accueilli·e·s un peu partout dans l’hexagone, tout en suppliant les Français·e·s d’apporter tous les soutiens possibles pour faire front sur le terrain ukrainien.
Propos recueillis par Claire Smagghe, traduits de l’anglais
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