Estelle Mossely, un engagement en or en faveur des sportives
La championne olympique de boxe Estelle Mossely s’est installée en Californie où elle s’entraîne depuis son passage chez les professionnelles. Très engagée en faveur du sport féminin, la jeune maman a créé l’an dernier une association dédiée aux sportives de haut niveau et soutient cette année une course réservée aux lycéennes.
Les Sportives magazine : Vous êtes la marraine de la Lycéenne Maif Run, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet événement ?
Estelle Mossely : La Lycéenne Maif Run est une course pour les jeunes filles organisée par l’UNSS le 7 mars prochain, en marge de la journée de la femme. J’ai connu cette épreuve l’an dernier dans le cadre de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 2024. J’ai été sollicitée par l’équipe organisatrice et me voilà marraine cette année ! Cet événement à la fois festif et solidaire correspond totalement aux valeurs que je défends. La course a lieu dans cinq villes en France, à Paris, Lyon, Besançon, Caen et Bordeaux. Le parcours de 7 kilomètres est accessible à toutes. Cette course me tient vraiment à cœur car je suis très attachée au développement du sport féminin et à la place de la pratique sportive en milieu scolaire.
LSM : L’école justement, c’est un lieu propice au développement du sport ?
EM : Mon cas personnel n’en n’est pas l’illustration parfaite puisque la boxe de l’UNSS n’avait pas grand-chose à voir avec celle que je pratiquais en club. Les coups portés y étaient formellement interdits (rires). Mais j’ai toujours pratiqué le sport à l’école même pendant mes études supérieures. L’UNSS fait beaucoup pour la pratique sportive des jeunes et c’est une chance que nous avons en France. Pour moi l’école et le sport sont intimement liés. J’ai énormément appris par le sport : la discipline, la persévérance, le goût de l’effort, le dépassement de soi, et tellement d’autres choses encore.
LSM : Vous êtes très attachée à la pratique sportive chez les femmes…
EM : Oui, que ce soit en amateur ou en professionnelle. J’ai créée l’an dernier une association de soutien et d’accompagnement aux sportives de haut niveau qui a vocation à les suivre et les soutenir tout au long de leur carrière. La structure qui s’appelait l’observatoire européen du sport féminin est devenue l’Association Action Sport au Féminin. Je suis partie d’un constat à la fois simple et cruel : la maternité rime souvent avec fin de carrière. J’étais enceinte à ce moment-là, et même si je ne me voyais pas forcément reprendre le haut niveau, je n’étais pas prête à accepter cette fatalité.
LSM : Comment se déroule ce suivi ?
EM : L’association est divisée en trois sections : le pôle médico juridique accompagne les sportives sur des sujets allant du plus commun comme les règles au plus grave comme le harcèlement. Le pôle pause carrière aide justement à gérer les maternités, et plus généralement les périodes où la sportive est éloignée de la compétition, en cas de blessure par exemple. Enfin, un pôle post carrière prépare l’insertion dans le monde du travail et propose des solutions de reconversions professionnelles. C’est vraiment les prémices pour le moment. Nous avons volontairement gardé un nombre restreint de cinq championnes afin de privilégier la qualité de l’encadrement.
LSM : Avez-vous l’impression que l’égalité progresse dans le monde du sport ?
EM : Je dirais que la cause avance, mais elle avance très lentement. C’est une lutte de tous les instants qui passe par l’engagement de tous les sportives et sportifs. La France a encore beaucoup de retard, il n’y a qu’à regarder les instances de directions : une seule des 31 fédérations olympiques est dirigée par une femme ! L’égalité va passer à la fois par du symbole mais aussi par des actes très concrets. Dans le club où j’ai commencé à Champigny-sur-Marne, il n’y avait qu’un seul vestiaire. Etant la seule fille, je devais me changer avant de venir et attendre d’être chez moi pour prendre une douche. Il faut donner aux clubs les moyens d’accueillir les jeunes filles pour qu’elles puissent s’entraîner dans de meilleures conditions car c’est ce genre de désagréments qui peuvent à la longue les décourager.
LSM : La situation est-elle différente outre-Atlantique ?
EM : Ici, il y a des vestiaires pour les filles (rires). Plus sérieusement, les Etats-Unis sont en avance sur bien des aspects et avant tout sur l’encadrement du sport en général. Il y a bien sûr des différences marquées entre les femmes et les hommes en termes de salaires ou de médiatisation. Mais le sport n’est pas vu de la même manière, j’ai le sentiment qu’il est mieux considéré qu’en Europe. C’est aussi un vecteur de réussite sociale puisque nombre d’universités accordent des bourses aux étudiants qui pratiquent le sport à haut niveau et leur permettent ainsi de poursuivre leurs études.
LSM : Le milieu de la boxe est-il plus conservateur ?
EM : La boxe est un sport traditionnellement très masculin, il est plutôt logique de le retrouver à la traîne quand il est question de parité. En France, la boxe féminine n’a été autorisée en compétition qu’à partir de 1997 et la discipline n’est inscrite aux Jeux Olympiques que depuis 2012 ! Seules trois catégories sont représentées pour le moment, il y en aura cinq en 2020, contre dix pour les hommes. Disons que nous partons de loin mais que nous refaisons petit à petit notre retard.
Giani Giardinelli
LSM : Comment s’est passé l’année 2017 pour vous ?
EM : L’année 2017 a été très riche. Je suis devenue maman d’un petit Ali né en août, j’ai lancé mon association en faveur du sport féminin, j’ai milité pour les Jeux Olympiques à Paris, j’ai co-écrit un livre dédié à mon fils qui s’appelle « Maman t’écrit » et j’ai participé à différentes émissions de télévision. Je me suis aussi beaucoup interrogée sur la suite de ma carrière et j’ai pris le temps de rencontrer différents acteurs de notre société : institutions, bénévoles, décideurs locaux et nationaux.
LSM : Quel est votre prochain défi ?
EM : J’ai finalement décidé de remonter sur le ring. Je me suis remis sérieusement à l’entraînement début janvier, la reprise est extrêmement dure et la vie de famille demande une organisation très différente. Mon objectif principal est de faire un premier combat en tant que professionnelle cet été. D’ailleurs, je crois qu’il est justement l’heure de retourner à l’entraînement !
Propos recueillis par Benoit Pelegrin
Estelle Mossely, née en 1992, commence la boxe à 12 ans au club Red Star à Champigny-sur-Marne (94). Elle remporte le titre de championne olympique dans la catégorie poids léger (moins de 60 kg) à Rio en 2016, le jour de ses 24 ans. Estelle a mené en parallèle de sa carrière sportive des études d’ingénieur, métier qu’elle exerce pour le groupe Allianz dans le cadre du pacte de performance. En 2017, elle a fondé l’AASF, pour Association Action Sport au Féminin, qui accompagne les sportives de haut niveau. Estelle est mariée à Tony Yoka, lui aussi champion olympique de boxe à Rio en catégorie super lourds (plus de 91 kg). Le couple a eu un fils en août 2017 prénommé Ali. Estelle et Tony s’entraînent aujourd’hui sur la côte ouest des Etats-Unis.
La Lycéenne Maif Run 2018 est la deuxième édition d’une course organisée par l’UNSS (Union Nationale du Sport Scolaire) et dédiée aux lycéennes. Elle se déroulera le mercredi 7 mars prochain, la veille de la journée de la femme, dans cinq grandes villes en France : Lyon, Besançon, Caen, Bordeaux et Paris. Comme en 2017, l’organisation attend plus de 5000 jeunes filles. L’épreuve sans classement ni chrono se déroule dans une atmosphère conviviale et détendue. Plusieurs championnes et champions soutiennent La Lycéenne Maif Run 2018 parmi lesquels la boxeuse Estelle Mossely, ambassadrice du programme mixité de l’UNSS, la patineuse Nathalie Péchelat, l’handballeuse Allison Pineau ou encore le champion du monde de décathlon Kevin Mayer. Des animations comme des cours de zumba ou des stands boxe et rameurs sont organisés en marge de l’événement.
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