Contrairement à de nombreux sportifs et sportives de haut niveau dont les emplois du temps sont millimétrés, chaque journée du quotidien de Faustine Noël est différente. La joueuse de parabadminton de 29 ans, atteinte d’un handicap neuromoteur, vit pourtant à cent à l’heure, avec l’objectif de Paris 2024 au bout de sa raquette. Immersion dans le quotidien de cette championne.
Réveil à 7 heures pétantes. Petit-déjeuner salé : crudités et protéines. Préparation physique de 8 heures à 10 heures. Cours à l’école de kiné de 10h30 à 12h30, puis de 13h30 à 14h30. Badminton de 16 heures à 17 heures. Après, séance de kiné d’une heure. Et au lit à 22 heures pour avoir ses 9 heures de sommeil. Mais ce n’est qu’un exemple de journée parmi tant d’autres… « Je n’ai jamais une journée qui se ressemble. »
Étudiante à l’IFPEK (Institut de formation en pédicurie-podologie, ergothérapie, masso-kinésithérapie) de Rennes et parabadiste de haut niveau, le quotidien de Faustine Noël mêle salle de classe et salle de sport. « Le dimanche soir, je regarde les cours obligatoires de la semaine à venir à l’école et je dispatche mes entraînements », indique-t-elle. 1 à 2 heures de badminton par jour, et à l’approche des compétitions, elle passe à un rythme biquotidien, trois fois par semaine.
Bien accompagnée
Sa routine de badminton démarre toujours avec de la mobilité articulaire et une discussion avec son entraîneur, Loris Dufay. « On fait le point sur l’entraînement de la veille et en fonction de mon état, il adapte la séance. » Ensuite, quelques gammes et des jeux de fin d’échauffement, comme de l’escrime. « Sur le terrain, on prend le couloir du fond et le but, c’est d’essayer de toucher le genou de l’autre. » Chaque session est axée sur un thème spécifique : gestes techniques, déplacements, tactiques de jeu à travers des matchs. « En ce moment, je dois améliorer ma défense en double mixte. Donc je peux passer 2 heures à ne faire que défendre au filet », raconte-t-elle.
La parabadiste est parfois accompagnée de sparring partners (partenaires d’entrainement), des partenaires extérieurs. « Sur le bassin rennais, on a de la chance qu’il y ait beaucoup de joueurs disponibles. Il n’y a pas une semaine où je n’ai pas de partenaire », assure-t-elle. Un échange de bons procédés : « Le thème de la séance dépend de ce que j’ai besoin de travailler, mais Loris essaie de toujours la rendre intéressante pour le sparring. Cela permet de garder notre réseau et d’avoir des partenaires motivés pour venir m’épauler. » Quand ils viennent, ce n’est pas « juste pour tapoter dans le volant pendant une heure. Il faut qu’ils aient cette envie de progresser », explique-t-elle.
Une fois par trimestre, elle retrouve Lucas Mazur, son partenaire de double mixte qui s’entraîne à Bordeaux, pour des stages de trois à sept jours. « Récemment, j’étais à Strasbourg au pôle France de double pour m’entraîner avec lui. »
À lire aussi : Magda Wiet-Hénin, en forme olympique
Badminton mais pas que…
En plus du badminton, des séances de préparation physique s’ajoutent à son planning. « Minimum 2 heures par semaine. Et 4 heures sur les grosses périodes d’entraînement. » Au programme : renforcement musculaire, contrôle moteur, proprioception ou encore travail d’explosivité. Des séances qu’elle pratique au même endroit que le badminton ou dans la salle de musculation du pôle France de canoë-kayak. À côté de chez elle, Faustine Noël y trouve aussi l’avantage d’échanger avec les autres sportifs. « Au badminton, on a moins cet esprit de renforcement. Les kayakistes y sont quasiment tous les jours. C’est assez enrichissant de confronter nos préparations », détaille-t-elle. Actuellement, la parabadiste souhaite « gagner en puissance », elle cible donc davantage « le renforcement des bras, le maintien de la ceinture scapulaire et la sangle abdominale ».
Pour être encore plus complète et performante, elle n’hésite pas à pratiquer d’autres sports. « J’ai commencé l’escalade pour travailler ma force au niveau des muscles des doigts », déclare-t-elle. Lors de ses séances d’une durée de 1 heure 30 à 2 heures, le but est de « tétaniser les doigts ». Une « vraie complémentarité » qu’elle a instaurée depuis sa préparation pour les Jeux de Tokyo. Pour ses trajets du quotidien, elle apprécie également se déplacer en deux-roues. « Dès que je peux me déplacer à vélo, je le fais. »
Sport et kiné, étroitement liés
Bien que « contraignantes en termes d’organisation », Faustine Noël perçoit de nombreuses opportunités dans ses études. D’abord, préparer son après carrière. « C’est important d’avoir un projet professionnel qui me passionne autant que le bad », affirme-t-elle. Mais aussi « sortir du sport et avoir des moments d’évasion ». Surtout, le sport et la kinésithérapie sont réellement complémentaires. « J’apprends comment faciliter un geste et le rendre plus performant en sollicitant certaines chaînes musculaires. Et à l’entraînement, j’essaie de le mettre en pratique. »
Quand Faustine Noël n’a pas cours, elle choisit de placer ses séances le matin, de 10 heures à midi. Cependant, c’est essentiel, selon elle, de ne pas avoir d’entraînements fixes. « Les avoir tout le temps à la même heure ne serait pas représentatif de ce qui peut se passer en compétition, car les matchs ne sont jamais aux mêmes horaires », précise-t-elle.
À lire aussi : Audrey Cordon-Ragot : « Ce 2ème Tour va permettre de tester la notoriété grandissante du cyclisme féminin »
Faustine Noël, toujours occupée
La journée arrive à sa fin. Douche et puis… elle enchaîne avec une séance de kiné, à domicile. Un gain de temps important dans son emploi du temps bien chargé. Elles lui permettent « d’éliminer les tensions et les raideurs », liées à ses entraînements intenses. L’heure du repas sonne. « J’ai une alimentation saine. Je cuisine beaucoup, j’ai toujours aimé les légumes et je vérifie que je mange assez de féculents et de protéines. » Elle ne voit donc, pour le moment, pas l’intérêt d’être accompagnée sur le plan nutritionnel. D’autant plus qu’elle adopte une bonne hygiène de vie. « Je ne fais pas de soirées toutes les semaines ! », s’exclame-t-elle. Mais attention, son mot d’ordre reste la flexibilité. « Je ne me fixe pas de limites, pour ne pas être en permanence dans le contrôle de soi. »
Une philosophie qu’elle a apprise grâce à une aide psychologique. « J’ai une préparatrice mentale qui me suit dans mes performances sportives, et une seconde, qui m’aide à concilier sport, études et vie privée », explique-t-elle. Un aspect décisif, pour elle. « Je suis très attentive à comment progresser sur le plan mental, ça reste un sport de duel. »
Ensuite, il est temps de se coucher. Le sommeil, c’est sacré pour cette « grosse dormeuse ». « Je lis et si j’ai un peu de temps, je travaille mes cours », ajoute-t-elle. Un rituel qu’elle transporte même en période de compétition. « J’ai toujours un ou deux bouquins. Une heure avant de me coucher, j’éteins tous les écrans. C’est un moment calme, où je me recentre sur moi et c’est que du plaisir. » Quand il lui reste du temps, il faut aussi gérer les réseaux sociaux et le sponsoring. « Je vais dans leurs locaux pour parler de mon quotidien et de mon esprit par rapport à la performance. » Mais elle le concède : « Il faut le caler dans des semaines très chargées. Ça prend du temps et de l’énergie. »
Et quand elle ne consacre pas de temps à son projet sportif ou professionnel, son planning est tout aussi chargé : « J’aime bien faire du jardinage pour me détendre mais aussi sortir avec mes amis me balader ou aller à des concerts. »
L’or en double mixte ?
Faustine Noël est rodée. Elle sait déjà ce qui lui reste à faire pour être au maximum lors des Jeux de Paris. Comme pour Tokyo, elle compte bien remettre en place la période « 100 % badminton juste avant les Jeux. » Cela passe par mettre de côté ses cours. « Je vais essayer de valider toutes les matières pour avoir plus de temps l’année prochaine. À partir de mars et jusqu’à Paris, je serai libre et en full badminton », certifie-t-elle.
Tout ce qu’elle souhaite, c’est se qualifier bien sûr. Mais elle préfère ne pas s’emballer. « Je marche étape par étape. Rien n’est joué. Une année… il va falloir tenir sur la longueur. » Elle reste pourtant optimiste : « On est premier en double mixte et je suis troisième en simple dame », soutient-elle.
Évidemment, des ambitions, elle en a. « Pourquoi pas une médaille d’or en double mixte ? On a eu l’argent, avoir l’or serait bien ! » En simple, la bataille sera rude contre les Asiatiques mais elle se permet de rêver : « Pourquoi pas un podium ? » Avec Faustine Noël, tout est possible et rien n’est écrit à l’avance, comme son quotidien.
Photo : Badmintonphoto / Craig BURGESS
À lire aussi : Neptunes de Nantes : en 2023-2024, objectif confirmation
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.
Vous avez aimé cet article ?
Retrouvez tous nos articles de fond dans le magazine
S’abonner au magazine