Fiona Malagutti, du sport et des sommets contre la mucoviscidose
À couper le souffle, Fiona Malagutti gravit les sommets contre la mucoviscidose. Cette championne des sommets a créé Muco sans frontières pour porter haut les couleurs de ses combats : promouvoir le sport pleine nature et améliorer la qualité de vie des malades. Rencontre.
La mucoviscidose est arrivée très tôt dans la vie de Fiona Malagutti. Le diagnostic est tombé à ses neuf mois, alors que personne dans la famille n’avait été touchée par cette maladie rare. Il s’agit de la plus fréquente des maladies génétiques héréditaires graves, encore mortelle, affectant les voies respiratoires et le système digestif. « À ce moment-là, on vivait à Angoulême et on est venus à Lyon pour être plus près d’un hôpital compétent dans la gestion et la prise en charge de cette maladie. »
Le sport comme crédo
Le sport est rapidement devenu la thérapie de Fiona Malagutti. Née en 1988, et alors que les recommandations médicales étaient encore à la surprotection des personnes touchées par la mucoviscidose, ses parents très sportifs l’ont incitée à expérimenter toutes les pratiques. « J’avais une bonne capacité respiratoire. J’étais souvent dans les meilleures en sport au collège. C’était vraiment quelque chose que j’aimais beaucoup. Je suis persuadée, en plus de tous les soins et les traitements que je prends, que cet état de santé actuel est le résultat de cette pratique. » Tennis, gym, danse, ski et sports de montagne, la jeune fille a tout essayé. Le début d’une longue histoire d’amour avec le sport, le souvenir d’une enfance heureuse.
Le quotidien de la pharmacienne reste néanmoins très impacté. Mais malgré la trentaine de médicaments à assimiler chaque jour en « rythme de croisière », les visites régulières de contrôle à l’hôpital, les périodes de crises infectieuses sous antibiotiques pouvant conduire à des hospitalisations et la kinésithérapie respiratoire quotidienne, la jeune femme de 33 ans a toujours le goût de l’effort. Et l’envie de repousser les limites de son corps.
La vie à 300 %
« Je fais du ski de rando, de l’escalade, du yoga, de la rando-trail l’été et un peu de skating l’hiver. Et je joue de la flûte traversière dans un orchestre. Cela fait travailler le souffle aussi ! », lance-t-elle. Une petite dizaine d’heures d’entrainement rythme ses semaines, sans compter la pratique musicale. La sportive doit s’entrainer régulièrement pour n’avoir qu’à penser à la respiration, sans se soucier du reste de son corps. « Il faut rester humble. Je vais beaucoup plus lentement mais j’avance. C’est comme si j’avais une cage thoracique qui n’arrive pas à prendre l’amplitude d’air nécessaire. Donc les efforts sont plus durs. »
Des passions, Fiona Malagutti ne les compte plus. Le voyage et l’envie d’aventure en font définitivement partie. En 2019, l’aventurière et sont compagnon s’élancent sur les routes d’Amérique latine. Un projet fou au regard des nombreuses contraintes médicales. « Je m’étais pas mal renseignée sur le fait de partir loin en itinérance pour la gestion des médicaments. Comment faire pour s’approvisionner et faire les soins. Je n’ai presque rien trouvé, pas de témoignages. »
À lire aussi : Ayodelé Ikuesan : « Pour gagner sa vie, mieux vaut avoir participé à Koh Lanta qu’être sportive de haut niveau »
Un message d’utilité publique
L’idée a alors germé de créer une association pour partager l’expérience et inspirer d’autres « muco » à ce lancer dans de tels défis. C’est le début de Muco sans frontières. « Je n’avais pas cette vision. Je faisais ça pour moi et sans avoir conscience de la portée que ça pourrait avoir. » Sous l’impulsion de Nicolas Depoorter, son compagnon, familier du milieu des ONG, l’association est créée juste avant leur départ en 2018. À Santiago du Chili, les deux compères débarquent avec plus de trente kilos de comprimés pour les six premiers mois. « En France tu peux avoir des traitements pour 6 mois maximum en demandant une dérogation spécifique. » Il a donc fallu oublier le road trip en sac à dos, favoriser l’achat d’un van pour transporter l’ensemble du matériel. Et compter sur la famille pour renouveler le stock de médicaments en cours de voyage pour le poursuivre quatre mois supplémentaires.
L’aventure commence depuis le Chili jusqu’à la Patagonie et Ushuaïa, puis la cordillère des Andes, la Bolivie, la Colombie et le Mexique. Un long chemin et autant de souvenirs à raconter sur les réseaux sociaux de l’association fraichement constituée. « On est partis sans stratégie digitale. On a posté des choses quand on avait du réseau. »
De l’air et des montagnes
La Bolivie et ses sommets auront été une étape décisive, non seulement pour la sportive mais aussi pour la vie de la petite association. Fiona et Nicolas y ont tenté l’ascension du sommet Huayna Potosi, culminant à 6 088 mètres. « Un col facile d’accès techniquement mais nécessitant évidemment une bonne condition physique et acclimatation à l’altitude. C’était vraiment l’inconnu. Je m’étais dit que j’irais le plus loin possible et qu’on verrait jusqu’où cela pourrait me mener. Je suis presque allée jusqu’en haut. J’ai dû m’arrêter environ à 100 ou 150 mètres en dessous du sommet. »
Proche d’avoir atteint les 6 000 mètres, la communauté créée sur les réseaux sociaux décolle et les messages de soutiens déferlent. Cet exploit fait rêver d’autres malades et leurs proches. « Le plus touchant, c’était souvent des jeunes parents dont le diagnostic leur était tombé dessus et qui se retrouvaient avec la maladie chronique incurable, dure à digérer et à assimiler. Et pour eux, voir des gens faire ce genre de projet leur donnait de la force et de l’espoir. Cela m’a réconfortée dans l’idée d’avoir créé cette asso. »
Les projets s’enchainent désormais pour faire du bruit autour de la pathologie et pour améliorer la qualité de vie des patient·e·s, de l’ascension du Mont-Blanc à la rando-trail tout public. « On essaye de récolter des fonds pour financer nos projets. Tout l’excédent, on le reverse à des associations comme Vaincre la mucoviscidose, Grégory Lemarchal ou encore à Étoiles des neiges pour qu’un jour on puisse en guérir. »
Cette année, 70 % des malades ont pu recevoir un nouveau traitement, une avancée thérapeutique considérable pour ce groupe de patients compatibles. « C’est le jour et la nuit. Tu gagnes en capacité respiratoire, tu ne tousses presque plus de la journée. Tu reprends du poids pour lutter contre les petits virus qui passent. Les effets sont visibles en un mois. » De quoi donner la force de gravir de nouveaux sommets.
Propos recueillis par Claire Smagghe
Crédit photo : Fiona Malagutti
À lire aussi : La conception d’un sous-vêtement : dans les coulisses de Z Sport
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.
Vous avez aimé cet article ?
Retrouvez tous nos articles de fond dans le magazine
S’abonner au magazine