Jeux paralympiques – Marie Bochet : « Il y a de grandes chances que ce soient mes derniers »
La para skieuse alpine Marie Bochet aborde ses quatrièmes Jeux paralympiques après un début de saison marqué par la barre des 100 victoires en Coupe du monde. L’envie est toujours la même mais les objectifs sont différents. Entretien avec la seule Française engagée dans cette discipline.
Marie Bochet n’a pas perdu son désir de briller au plus haut niveau, surtout sur les Jeux paralympiques. Après avoir tout gagné, la porte-drapeau de l’olympiade 2018 semble plus détendue et souriante, comme à son habitude. Sa carrière exceptionnelle permet à la Chambérienne de prendre du recul sur ses années internationales dont la fin semble proche.
Les Sportives : Comment vous êtes-vous préparée pour cette saison paralympique ?
Marie Bochet : J’ai passé deux hivers un petit peu compliqués en termes de résultats mais surtout en termes d’investissement, de préparation. Il y a eu de nombreux questionnements : « Est-ce que je continue, est-ce que j’ai vraiment envie de continuer ? » C’était un peu un moment charnière dans ma carrière. Ça a été compliqué, même si je restais dans le panier haut au niveau des résultats. Même sans être en tête des classements, ça m’a rassuré. C’est une année paralympique donc c’est plus facile d’identifier ses objectifs. C’est surtout beaucoup plus dynamisant. Et j’ai trouvé pas mal de réponses à mes questions cet automne. Cela me permet d’être beaucoup plus libérée et sereine à l’approche des compétitions.
Votre préparation a-t-elle été pensée pour performer sur les Jeux paralympiques ou sur l’ensemble de la saison ?
La programmation a été faite avec l’objectif des Jeux en ligne de mire. On a fait en sorte que le pic de forme arrive pour les Jeux donc oui j’espère que je serai vraiment en forme au mois de mars. La difficulté de la préparation de ces années-là est d’arriver en forme sur les premières courses mais surtout d’être très forte sur la fin de saison.
Après une diète de presque deux ans sans victoire, que vous a apporté votre 100ème victoire en Coupe du monde ? Elle vous a libérée ?
Oui, complètement. C’est vrai que c’était compliqué parce qu’il y avait pas mal de jeunes qui arrivaient sur le circuit et moi j’étais en gros doute donc j’avais un peu de mal à prendre ma place dans tout ça. C’était chouette parce que ce n’est pas que je ne m’y attendais plus mais en tout cas je savais que chaque course allait être de plus en plus compliquée. Commencer cette saison par cette victoire et le passage du cap des 100, ça fait du bien.
« Cela confirme que je suis plutôt en forme et capable d’être devant ces jeunes aussi. »
C’est hyper rassurant et très stimulant pour la suite. Je me sens bien à deux mois des Jeux paralympiques, mieux que les deux dernières saisons. C’est plutôt positif. Et ces performances sur les premières courses de la saison sont un peu salvatrices. Je vais essayer de tenir sur cette dynamique.
Sur les deux dernières éditions paralympiques, vous avez remporté quatre titres sur les cinq possibles. Pensez-vous être capable d’égaler cette performance voire de faire mieux?
Ça, c’est toujours l’attente que l’on a de moi ! J’ai un peu donné cette habitude-là. Au vu des dernières saisons, ça va être plus compliqué de refaire cette performance. Il y a du monde qui pousse derrière et je pense que ce n’est plus forcément l’objectif non plus. Je l’ai fait, je l’ai confirmé et il y a beaucoup de choses qui ont changé en quatre ans. Ce ne sera pas forcément moins bien, ce sera différent.
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Qu’allez-vous viser sur ces Jeux ? Des titres ? Du plaisir ?
Clairement, ça va être du plaisir à prendre sur les courses et surtout la satisfaction d’avoir produit mon meilleur ski sur chacune des manches. C’est quelque chose qui m’a un peu manqué sur ces événements où parfois, on est un peu pris dans l’enjeu. On se loupe. Et le fait qu’il y ait cette nouvelle concurrence m’oblige à pousser ce niveau et à vraiment donner tout ce que j’ai. Si ça marche tant mieux, et si ça marche pas au moins je n’aurai pas le regret de ne pas l’avoir fait.
Vous avez commencé votre carrière internationale il y a 13 ans. Ces Jeux paralympiques sont-ils les derniers ou projetez-vous au moins jusqu’à Milan ?
Il y a de grandes chances que ce soient mes derniers. Ce seront mes quatrièmes. C’est déjà une certaine longévité, j’ai aussi envie d’autre chose. J’adore ce que je fais, je me fais vraiment plaisir sur les skis cette année mais je sens quand même que j’arrive au bout de quelque chose. Je ne dis pas que j’arrête les compétitions après ces Jeux. Je vais essayer de refaire une saison ou deux mais j’ai beaucoup de mal à me projeter sur Milan. J’espère que j’y serai mais autrement. Il faut savoir laisser la place.
Si vous vous projetez encore sur une ou deux saisons, vous voyez-vous défendre vos cinq titres mondiaux ?
Cette année les mondiaux sont en janvier à Lillehammer. C’est comme pour les Jeux paralympiques, je n’ai plus à prouver de quoi je suis capable. Je pense qu’il faut passer à autre chose même si au départ de chaque course l’objectif est de performer.
« Avec ce que j’ai vécu ces dernières saisons, je sais que ça va être compliqué et chaque médaille aura le goût de l’or. »
Le nom de Marie Bochet aura marqué les esprits. Si vous arrêtiez votre carrière à la fin de la saison, qualifieriez-vous votre carrière de complète ? Vous auriez accompli ce que vous vouliez faire ?
Complètement ! Je pense que le dernier truc qu’il me manquait c’était ce chiffre rond, les 100 victoires en Coupe du monde. 99, ça laissait un petit goût d’imparfait, de non fini. J’y tenais vraiment, même si finalement c’est assez anecdotique.
« Quand on est à 99, est-ce que la 100e est vraiment importante ? Pour moi ça l’était. »
Quand je regarde mon palmarès, je suis hyper fière de tout ce que j’ai accompli sur les skis. Si j’arrêtais demain, je n’aurais aucun regret. J’aurais eu la chance de gagner tous les titres possibles dans ma discipline. En gagner un c’est chouette mais en gagner plusieurs, c’est encore autre chose. Je n’ai aucun regret en termes de résultats sur ma carrière. J’en aurais eu si j’avais arrêté après la Corée, parce qu’il y aurait eu ce lot de non fini. Mais là je pense que j’ai vraiment réussi à atteindre tous mes objectifs.
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Vous disiez avoir envie d’être aux Jeux de Milan sous une autre forme. Savez-vous déjà vers quoi vous souhaitez vous reconvertir ?
C’est LA grande question ! C’est une question de choix, il y a beaucoup de choses qui m’intéressent. Je pense qu’il y a plein d’opportunités qui s’ouvrent à moi, mais j’ai envie de rester proche de ce milieu qui m’a beaucoup donné. J’ai aussi envie de transmettre mon expérience et d’apporter ma touche féminine. Je ne sais pas trop sous quelle forme. Je ne pense pas au coaching car ce qui commence un peu à me coûter ce sont les déplacements. Et finalement quand on est coach on a un peu la même vie que les athlètes mais sans en avoir les lauriers. Ce sera peut-être autre chose, je n’ai pas fait le tour de la question.
La possibilité d’une candidature savoyarde pour les Jeux de 2030 a été évoquée en novembre. C’est quelque chose dans laquelle vous aimeriez vous impliquer ?
Je fais déjà partie de la commission des athlètes de Paris 2024 et j’y prends beaucoup de plaisir. Je trouve cela assez passionnant et intéressant parce qu’on se retrouve de l’autre côté. Quand on est athlète, on est un peu acteur du jeu mais on ne se rend pas compte de tout ce que ça signifie et représente d’organiser des Jeux. Je suis également dans la commission des athlètes du Comité international paralympique. C’est un système plus compliqué car il regroupe aussi les fédérations internationales. Il y a donc des problématiques très particulières liées à chaque sport. Je découvre comment fonctionne une instance internationale mais cela demande beaucoup de temps et d’énergie. Ce qu’un·e athlète en activité n’a pas forcément. Mais je trouve que cette candidature est pourvoyeuse d’espoir ! Il faut s’orienter vers des villes et des régions riches en infrastructures nécessaires. Je ne sais pas si ce sera pour 2030 mais j’espère que la France et les Alpes pourront avoir les Jeux pour les vivre. En 92, pour les Jeux d’hiver d’Albertville, je n’étais pas née !
Propos recueillis par Constance Vignaud
Crédit photo : Yves Perret / www.ypmedias.com
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