Judo : Béatrice Pornet-Burnel, seule femme présidente de ligue en France
La ligue Centre-Val de Loire de judo, un exemple de mixité ? Si les femmes s’illustrent sur les compétitions internationales, elles ne représentent que 30 % des licenciés sur le plan national. La région Centre-Val de Loire est légèrement au-dessus, avec 34 %. Elle est aussi la seule présidée par une femme : rencontre avec Béatrice Pornet-Burnel.
Les Sportives : Vous êtes présidente de ligue, mais pas seulement. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Béatrice Pornet-Burnel : Je suis comptable dans un vignoble sur Vouvray depuis plus de 30 ans et licenciée judo à Joué-les-Tours depuis 45 ans. Mon monde est le judo, j’aime le sport en lui-même, j’ai vite participé aussi à la vie du club et des instances fédérales. J’ai d’abord accompagné les enfants, puis j’ai été secrétaire de club, présidente du Comité d’Indre-et-Loire et maintenant de la Ligue Centre-Val de Loire.
Les choses se sont donc faites naturellement ?
Oui, je me suis vite rendu compte que j’aimais ça et que je voulais aller plus loin. Étant comptable en plus, la vision de la gestion est un peu plus facile. Je suis arrivée à la présidence du comité d’Indre-et-Loire dans des conditions difficiles, mon prédécesseur avait volé dans la caisse… J’étais dans le comité directeur, il n’y avait aucun candidat donc j’ai accepté de m’engager, provisoirement ; ça a duré quatre ans, de 2004 à 2008. Je me suis arrêtée un moment, puis suis montée à la Ligue, vice-présidente, en charge de la formation. Quand Philippe Merlin a passé la main en 2020, il m’a incitée à lui succéder, j’ai accepté, sous condition d’être aidée. Il y a beaucoup de choses à faire, quatorze salariés à gérer, plus les déplacements à Orléans. Ce n’est pas rien, mais ça va.
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Philippe Merlin vous a un peu adoubée ?
Oui, sans ça, sincèrement je ne l’aurais pas fait. Je ne pensais avoir ni le temps, ni l’énergie ni la légitimité. Il n’y avait pas de femme présidente de ligue jusque-là, j’ai été la première. Comme l’équipe m’a poussée, j’ai tenté. N’ayant pas d’enfant, un mari prof de judo compréhensif, ça m’a aidée à me décider. En plus j’ai un employeur assez souple qui me dégage du temps. Avoir ces deux activités me permet de garder un équilibre.
Y-a-t-il des regards différents sur vous, en tant que femme ?
Dans la ligue ça se passe bien, et c’est le plus important. Ce que pensent les autres ailleurs, je m’en moque un peu. Les gens avec qui je travaille me perçoivent légitime, j’ai vraiment beaucoup de chance. L’équipe m’a même dit que, contrairement aux hommes, j’étais plutôt dans la conciliation.
Sur le plan national, j’avais un peu peur en allant à la fédération. Nous n’étions que deux femmes, j’étais la moins connue, mais j’ai été hyper bien accueillie. Certes, j’ai l’impression qu’on me prend parfois un peu de haut, du fait que je sois une femme pas très connue dans le monde du judo. Il faut faire ses preuves, montrer qu’on sait faire. Comme au niveau gestion et comptabilité je m’y connais plutôt bien, je m’appuie là-dessus. Dans les domaines où je suis un peu moins à l’aise, ça commence à se faire petit à petit, mais ce n’est pas facile. En plus je suis quelqu’un qui n’a pas la langue dans sa poche, je dis ce que j’ai à dire et ça ne plait pas toujours. Je pense qu’il peut y avoir une différence de traitement homme-femme.
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Vous êtes seule depuis la démission de Dominique Berna en AURA.
Elle a été mise en minorité lors de son assemblée générale et a décidé de quitter la présidence. C’est difficile à analyser, je ne connais ni la région ni la ligue. Je m’entendais bien avec elle, ancienne sportive de haut niveau, elle était légitime à ce poste. Elle avait pris sa fonction dans des conditions difficiles je crois, peut-être aurait-elle pu être mieux soutenue.
Qu’est ce que ça fait d’être la seule femme présidente de ligue ? Incitez-vous d’autres femmes à vous suivre ?
Être la seule femme, je m’en moque un peu, ce n’est pas le plus important. Homme ou femme je pense qu’il faut vraiment y aller petit à petit. Les femmes ont tendance à dire qu’elles n’ont pas le temps, c’est le principal argument avancé lors des discussions. Elle craignent la difficulté de concilier vie de famille, vie professionnelle, sans oublier la légitimité vis-à-vis des hommes. Maintenant, j’ai une présidente de comité (Isabelle Vigot en Loir-et-Cher), mais je suis entourée de beaucoup d’hommes, c’est un sport assez masculin. Les femmes acceptent de venir aider, mais pas à la présidence.
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Sur les tatamis, ce sont les femmes qui dominent, pas dans les hautes instances…
C’est clair que l’équipe féminine est plus forte, Teddy Riner est un cas à part. Au niveau des instances, il y a un objectif d’équité dans les équipes dirigeantes. Dans le judo, on compte 30 % de féminines pratiquantes, il doit y avoir la même proportion dans les comités directeurs des départements et des régions. Je me dis que cela devrait inciter les responsables à intégrer des femmes, qui pourront ainsi se rendre compte qu’elles ont les capacités, le temps et l’énergie de prendre des présidences. Cela dit, je ne suis pas très favorable à ces obligations. Je crains que cela engendre un système de prête nom, des personnes qu’on ne verra jamais, auquel cas ça ne rime à rien. Les femmes ne doivent pas hésiter à se lancer si elles le sentent. Il faut montrer ses compétences, sans avoir peur du regard des autres ni attendre de retour.
Comment se porte la ligue ?
Je suis sereine, même si nous sommes plutôt une ligue faible parce la plus petite de France, en dehors de la Corse, en termes de licences (22 000). Forcément, n’étant pas assez nombreux, on ne s’y retrouve pas sur le plan sportif. Il faut s’ouvrir aux autres ligues mais ça engage des frais. C’est pour ça que nous voulons développer notre volet formation.
Formation des enseignants d’un côté, car ils sont vieillissants, mais aussi et surtout les formations à vendre. Nous sommes certifiés Qualiopi, un cadre technique planche sur le sujet. Nous voulons proposer aux entreprises un catalogue de formations pour essayer d’augmenter nos ressources et de les diversifier un maximum. L’idée est d’adapter la pratique du judo au quotidien de chacun. Le développement de notre axe sportif va découler des financements générés par cette activité.
Crédit photo : Béatrice Pornet-Burnel
en partenariat avec la Région Centre-Val de Loire
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