Juliette Labous est un espoir du cyclisme féminin sur route
À la rencontre des sportives

Juliette Labous, penser le cyclisme au féminin

Constance Vignaud
16.09.2021

À 22 ans, Juliette Labous a concouru pour ses premiers Jeux olympiques. Dans la capitale nippone, la Doubienne était la seule représentante française du cyclisme sur route. Elle souhaite que sa passion se développe au féminin.  

La native de Roche-lez-Beaupré, à côté de Besançon, a commencé le BMX à l’âge de sept ans. Cinq ans plus tard, Juliette Labous passe au cyclo-cross et au cyclisme sur route. Mais c’est avec ce dernier qu’elle décide de continuer et d’évoluer. Aujourd’hui, la coureuse de la Team DSM est régulièrement dans les tops 10 des tours, classiques, championnats du monde et d’Europe. La coureuse, qui commence à se faire un nom dans le peloton, revient sur la place des femmes dans son sport. Entretien. 

Comment on se sent en tant que femme cycliste ? Par rapport à la place dans les médias, à la reconnaissance qu’on vous donne ?

Je pense qu’on n’est pas au niveau des hommes, ce n’est pas encore l’égalité. On en est même très loin. Mais il y a de plus en plus d’efforts qui sont faits et les gens en prennent de plus en plus conscience. Maintenant c’est vrai que même les entreprises, les sponsors, ont à cœur d’avoir la parité hommes-femmes. Et je pense qu’on commence un peu à le ressentir dans les médias.

« Il y a encore des jeunes filles qui se disent : je ne peux pas gagner ma vie avec le vélo, donc je suis obligée de donner la priorité à mes études. »

Est-ce que ce manque de reconnaissance ont incité certaines à jeter l’éponge dans votre génération ?

Avant, pas mal de filles arrêtaient parce qu’elles ne pouvaient pas être professionnelles. Elles étaient obligées d’avoir un métier à côté et quand on ne peut pas être payée, on choisit la voie raisonnable en se disant qu’il faut travailler. Mais il y a encore des jeunes filles aujourd’hui, de moins en moins, qui se disent : « Je ne peux pas gagner ma vie avec le vélo, donc je suis obligée de donner priorité à mes études. » Je pense que même dans notre génération, c’est un peu le cas. Mais je suis dans une équipe World Tour donc il y a un salaire minimum qui est mis en place. Il y a vraiment plus de soucis là-dessus. 

« Les garçons travaillent autant que nous donc il n’y avait pas de raison pour qu’on n’ait pas un salaire minimum égal. »

Le salaire équitable d’ici 2023 mis en place par l’Union cycliste international, c’est quelque chose que vous attendiez ?

Oui c’est clair. Il fallait que ça soit fait. Les garçons travaillent autant que nous donc il n’y avait pas de raison pour qu’on n’ait pas un salaire minimum égal. C’est vraiment bien et je pense que c’est normal. C’est quelque chose qu’on attendait. 

Vous êtes chez DSM depuis quatre ans et vous venez de prolonger votre contrat de deux ans. Cette équipe vous correspond vraiment ?

Je pense que j’ai progressé de manière assez constante depuis que je suis rentrée dans l’équipe à la sortie des rangs juniors. Pour l’instant, c’est le mieux pour moi de rester dans l’équipe et de continuer ma progression. En sortant de l’équipe il y aurait eu le risque que cette progression soit moins bonne. J’ai préféré continuer avec des choses qui marchent. Le fait d’avoir la structure masculine qui était déjà en place permet beaucoup de choses. On a un staff en commun, on appartient à la même entreprise. C’est vraiment super parce que le cyclisme masculin est beaucoup plus développé pour le moment. Ça permet d’avoir une bonne dynamique, une bonne base et ça motive quand les autres gagnent.

Globalement, vous avez toutes l’impression d’être plus soutenues, plus sollicitées, que les gens remarquent plus votre présence depuis quelques temps ?

Oui, et il y a beaucoup plus de courses qui sont télévisées ; je pense que c’est une des plus grandes avancées qu’on ait vu ces dernières années. Presque toutes nos courses du calendrier World Tour et les plus importantes en dehors sont à la télé, c’est super. Les gens peuvent nous suivre beaucoup plus facilement.

Comment est ce que vous avez réagi à l’annonce du Tour Féminin pour 2022 ? Vous en avez fait un objectif ?

Oui bien sûr. J’étais vraiment super contente. Depuis que je suis petite, à chaque fois que je fais du vélo, on me demande « Ah tu vas faire le Tour de France ? » et je leur disais « Vous avez déjà vu les filles à la télé ? On n’a pas de Tour de France. » Ça a vraiment été quelque chose qu’on attendait beaucoup. Parce qu’il y a la Course by Le Tour mais ce n’est que sur un jour, on ne peut pas appeler ça un Tour de France. Je pense que cela va faire du bien au cyclisme féminin, c’est énorme et c’est reconnu mondialement.

« Ça va faire prendre conscience aux gens que le cyclisme féminin c’est aussi bien à regarder que le cyclisme masculin. »

Est ce que vous pensez que cela va vous donner plus de visibilité en France ?

Carrément. Il y aura une exposition médiatique qui va être aussi importante que sur le Tour de France masculin. On aura une couverture médiatique identique à la leur, donc je pense que ça va faire prendre conscience aux gens que le cyclisme féminin c’est aussi bien à regarder que le cyclisme masculin. Tout simplement les gens vont pouvoir suivre ça pendant huit jours. Le Tour de France ça parle à tout le monde. 

Crédits photos: Thomas Maheux

Et cela va permettre que vous soyez plus connues ?

Les gens peuvent sortir deux, trois noms, mais par exemple ils me disent encore : « T’es la future Jeannie Longo ! » Je n’aime pas qu’on me compare à quelqu’un. Maintenant, il y a énormément d’autres noms qu’on peut citer, mais la majorité ne les connaît pas. Simplement parce qu’ils ne les voient pas assez à la télé et ne les entendent pas assez. Je pense que cela va faire un peu changer les choses.

Est-ce que vous avez l’espoir un jour d’avoir une course de trois semaines ?

Je pense que ça peut être compliqué. Après, je me dis que le vrai objectif c’était d’avoir un Tour. Je m’étais dit au moins une semaine pour que ça puisse être une belle course par étapes. On a déjà le Giro en Italie qui fait dix jours, ça fait de très belles courses, c’est dynamique. C’est dix jours intenses, il y a pas une seule journée qui est ennuyante à regarder. Donc au final, je me dis que c’est peut-être pas plus mal d’avoir ce format de courses et ça nous permettrait, si la Vuelta était aussi sur dix jours, de faire les trois tours. Je pense que c’est encore trop tôt pour faire des tours de trois semaines parce que les équipes ne sont pas assez nombreuses. On a des effectifs encore limités (seulement six de chaque équipe par course contre huit pour les hommes), on ne peut pas être sur plusieurs fronts. On a un staff plus réduit, moins de kinés, notre médecin ne vient pas sur les courses par étapes, on n’a pas d’ostéopathe. Je pense qu’il va falloir patienter un peu pour ça.

Maintenant avec le Tour qui s’ajoute au Giro, pensez-vous que la Vuelta va suivre?

Oui je pense que cette année ils vont bientôt annoncer quelque chose. Ils avaient dit qu’ils feraient peut-être quatre ou cinq jours. C’est déjà mieux. L’année dernière c’était seulement sur trois jours et celle d’avant sur deux. Ça augmente de plus en plus : je pense qu’ils vont vouloir se mettre à la hauteur des autres.

« On veut toutes la même chose : que le sport féminin soit plus reconnu

et qu’il y ait une meilleure exposition médiatique. »

Vous êtes encore jeune, vous devez avoir envie de lutter pour que le cyclisme féminin soit plus visible ?

Ce sont des grandes discussions. Cette année j’ai participé avec Audrey Cordon-Ragot à des réunions avec la FNASS (Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs) qui s’occupe des syndicats dans tous les sports. On a eu des réunions avec des filles d’autres sports comme Eugénie Le Sommer, des filles du basket, etc. Parce qu’en fait on veut toutes la même chose : que le sport féminin soit plus reconnu et qu’il y ait une meilleure exposition médiatique. J’ai à cœur de développer et d’essayer à mon niveau de faire progresser ça.

À lire aussi, l’analyse sur l’évolution du cyclisme au féminin dans le numéro 19.

Propos recueillis par Constance Vignaud

Constance Vignaud
16.09.2021

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