Victime d’un accident de moto en 2014, Lynda Medjaheri a perdu l’usage de sa jambe gauche. Une rencontre lui fera découvrir le volley assis pour, in fine, la mettre sur la voie des Jeux de Paris 2024.
Souriante et chaleureuse, Lynda Medjaheri, 41 ans, se qualifie pudiquement de « femme simple ». Elle a grandi en Lorraine, à Lunéville, une enfance qu’elle décrit comme « compliquée » car sa mère l’élevait seule. Dès son plus jeune âge, elle pratique le karaté et la natation, sa mère travaillant à la piscine municipale. « Au collège, le sport ce n’était pas mon truc », avoue-t-elle. Elle passe plus de temps avec ses amis « à faire du vélo ou du roller pour découvrir des maisons abandonnées ». Surtout, elle aime « danser en discothèque ».
Lynda Medjaheri arrête ses études en classe de 3e, déjà motivée « à travailler et être dans la vie active ». « J’aime rendre service et prendre soin des autres. C’est très important pour moi », affirme la volleyeuse assise, anciennement aide à domicile et aide-soignante. Récemment, elle a même créé un groupe Facebook, qui compte près de 250 femmes amputées. Un lieu d’échange, de conseils et d’aide mutuelle au quotidien. « C’est magnifique, j’en suis fière », s’enthousiasme-t-elle. Et pourquoi pas « recruter de futures volleyeuses » ?
Une transmission et un partage qu’elle a toujours souhaité entretenir avec sa fille, Sophia. Danse, cheval, karaté, « elle a fait beaucoup d’activités, se félicite-t-elle. Je voulais qu’elle en fasse plus que moi et qu’elle trouve son sport. »
« Plus de 35 opérations »
Le volley dans tout cela ? Une matière à l’école, dispensée pour tout le monde. « Ce n’était pas en moi », se rappelle-t-elle. C’est en 2014 que le cours des choses sera bouleversé. Elle est victime d’un accident de moto et ressort avec une triple fracture ouverte. À ce moment-là, « tout s’est arrêté ». Elle perd l’usage de sa jambe gauche et est contrainte de se déplacer en fauteuil roulant. « J’ai été emprisonnée et j’ai subi plus de 35 opérations en quatre ans », avant de choisir l’amputation en 2018. « Une libération » face au « calvaire du fauteuil ». Dans son centre de rééducation, le basket fauteuil lui a été proposé. Inenvisageable pour Lynda Medjaheri : « Me remettre dans un fauteuil ce n’était pas possible. J’ai essayé 30 minutes à tout casser », se remémore-t-elle.
« Je recherchais une femme qui s’était faite amputée pour m’aider à envisager la suite », explique-t-elle. Elle fait la connaissance d’Aurélie Garcia, joueuse de l’équipe de France de volley assis. À la recherche de nouvelles joueuses, elle pense tout de suite à Lynda Medjaheri. Elle se souvient de cet appel décisif : « Elle m’a dit “j’ai un sport pour toi“ et je lui ai répondu « si c’est en fauteuil, je ne suis pas intéressée ». Elle m’a alors assuré “ce n’est pas en fauteuil, c’est pour cela que je t’appelle ». » Malgré des difficultés avec sa prothèse, elle s’est empressée de découvrir la discipline. « J’ai pris ma licence en août 2019 et depuis je n’ai jamais quitté l’équipe de France ». Elle intègre ensuite un club, l’AS l’Union, avant de rejoindre le Castres-Massaguel Volley-Ball en 2021. L’équipe de France avant le club, un chemin plutôt inhabituel. « Avec un handicap, le sport c’est primordial. J’ai même l’impression d’être plus forte qu’avant », insiste-t-elle.
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« Un sport physique »
Le volley assis possède des règles similaires au volley debout mais il se pratique assis sur un terrain de 6 mètres de largeur par 10 mètres de longueur. Un filet, de 1m05 pour les femmes et de 1m15 pour les hommes, sépare six joueurs de chaque côté. « Un sport physique qui demande du gainage et de la rapidité », décrit-elle. Seule différence : il est possible de contrer le service. Les déplacements s’effectuent avec « les bras, les pieds… pour ceux qui en ont (rire) et les fesses. Mais à chaque contact avec le ballon, les fesses doivent être au sol », détaille l’athlète.
Lynda Medjaheri s’y prépare donc rigoureusement avec deux entraînements par semaine, pilotés par Gaëtan Carne. En plus, elle fait de la natation, de la musculation, des étirements et « marche régulièrement avec son dogue allemand ». Un champ d’activités qu’elle compte prochainement élargir à la course ou au tennis grâce à un « pied dynamique, le Challenger ». L’équipe de France se rassemble également toutes les six semaines sur un week-end prolongé. Un choix de vie assumé : « Après tout ce temps, je veux profiter de ce rythme de sportive. »
Un temps qu’elle consacre aussi aux autres. Bénévole dans son club, elle intervient également auprès des jeunes dans les écoles et les centres de rééducation pour les initier au volley assis et « aller chercher du monde ». Elle est « toujours présente s’il y a besoin », et souhaite plus tard se former pour être officielle de table de marque.
Lynda Medjaheri se tourne vers Paris 2024
Présente, elle espère aussi l’être aux Jeux paralympiques de Paris. Si elle souhaite « devenir la meilleure », elle ne cache pas que remporter une médaille sera difficile et que l’objectif premier restera de « faire découvrir sa discipline ». Car la compétition est rude : les États-Unis et la Chine dominent le volley assis. « C’est impressionnant. Ils jouent très vite et très fort avec de beaux services et de belles attaques. Tout est harmonieux », analyse-t-elle.
Les joueuses de l’équipe de France ont l’espoir d’atteindre le niveau de ces deux nations un jour, mais « il faut de l’entraînement et plus de joueuses ». La seule médaille au palmarès des Bleues est en bronze : « Lors de la première compétition, à Rouen en 2021 [ndlr : Silver Nations League], nous avons eu la chance d’arriver 3e… mais c’était sur trois équipes », ironise Lynda Medjaheri. Deux défaites 3 sets à 0 face à la Croatie et la Hongrie. Mais elle garde bon espoir : « La cohésion est superbe entre nous. Nous avons toutes la gagne et le même objectif : Paris 2024. »
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