Maguy Nestoret Ontanon, itinéraire d’une reconversion réussie
Rapide sur les pistes d’athlétisme jusqu’à obtenir le titre de championne de France sur 200m en 1993, Maguy Nestoret Ontanon a parfaitement réussi sa reconversion professionnelle. Par ses diverses expériences, elle possède une connaissance solide du milieu sportif, très utile pour le rôle de conseillère haute performance qu’elle exerce aujourd’hui au sein de l’Agence nationale du sport.
Très tôt, la jeune Maguy se plonge dans le sport. Elle en exerce deux à ses débuts, la danse classique et l’athlétisme. Pour le premier d’entre eux, l’aventure se termine brutalement. Lors d’une sélection destinée à se produire à la Scène Française, sa professeure de danse fait comprendre au père de Maguy que sa « couleur de peau noire » ne correspondait pas avec celle des petits rats de l’Opéra. Cet épisode marquant la conduira à se tourner vers ce qui deviendra son sport de prédilection, l’athlétisme.
Une histoire qui commença par une journée portes ouvertes au club du VSOP, à Ozoir-la-Ferrière (Seine-et-Marne), où sa mère l’emmène en compagnie « de mon frère et de ma sœur ». Une discipline dans ses gênes puisque son père, policier (et qui sera aussi son entraîneur), pratique régulièrement l’athlétisme au point d’obtenir un titre européen en triple saut aux championnats d’Europe Police.
Le club du VSOP, son « club de cœur », lance Maguy Nestoret Ontanon. Elle possède toujours son premier maillot, précieusement conservé par sa mère durant des années. Les résultats sont probants pour Maguy, qui démontre de grandes capacités. Âgée de 16 ans en 1985, elle remporte les championnats de France cadettes au saut en longueur et 200m. Elle se débrouille bien également en hauteur, mais c’est le sprint qui deviendra sa priorité. Quatre années plus tard, l’athlète intègre l’INSEP.
Une blessure préventive
Installée en Martinique depuis ses 16 ans, où une partie de sa famille réside encore aujourd’hui, elle revient en Métropole pour sa formation. Hélas, elle se fait rapidement une rupture des ligaments croisés au genou. Un bien pour un mal, puisque ce malheur lui a fait comprendre tôt l’importance de l’après carrière. Elle suit ainsi un BTS action commerciale sur son emploi du temps aménagé, suivi d’une maîtrise en marketing et vente en cours du soir au Conservatoire national des arts et métiers. Sur le volet sportif, la Martiniquaise retrouvera ses pleins moyens et réussira une belle carrière dans l’athlétisme. Son meilleur souvenir ? Les championnats du monde 1991 au Japon.
Malgré une élimination en demi-finale individuelle, l’ambiance, sa place de 5e avec le relais 4x100m et ses « performances face à un vent défavorable » lui ont laissé de magnifiques souvenirs. Puis, elle participe aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992 et enfin, elle obtiendra deux titres en 1993, avec l’or sur le 200m aux championnats de France, en salle et en extérieur.
Une carrière qu’elle achève en 1995 avec comme meilleurs chronos 11’’36 sur 100m et 23’’15 sur 200m. Même si elle aurait aimé faire mieux, avec le recul elle n’en garde que le positif. Seul regret sur ces belles années, ses « nombreuses blessures aux ischio-jambiers », avec le sentiment de ne pas avoir été suffisamment armée par son entraîneur Jan-Claude Jénaste pour éviter ces désagréments.
Un passage logique par le commercial
L’après-carrière de la championne de France commence dans la location de voiture, en lien avec sa formation en action vente. Elle monte en parallèle avec plusieurs sportifs le Groupement des athlètes français, une association dans laquelle on trouve notamment le champion du monde d’athlétisme Stéphane Diagana. Ce groupement est créé pour « améliorer les conditions des athlètes et les relations entre sportifs et partenaires, notamment pour surmonter les difficultés de certains athlètes à trouver des équipementiers ». Au sein de cette association, elle prend en charge la relation avec les équipementiers, est parfois mise en relation avec Adidas. La marque à trois bandes lui indique justement rechercher quelqu’un dans le sport marketing, et la Francilienne rejoint la marque allemande.
Un retour dans le milieu sportif donc, puisque durant trois années, elle sera chargée de suivre les contrats de sponsoring entre la marque et les fédérations d’escrime et de judo. Elle aura également en responsabilité le pilotage des contrats des sportifs olympiques en préparation des Jeux olympiques de Sydney, et animera des regroupements pour permettre aux sportifs de se retrouver autour de thématiques extra-sportives.
Courant 2001, Robert Poirier se présente en tant que directeur technique national (DTN) pour la fédération d’athlétisme et lui propose de l’accompagner. Maguy le suit comme adjointe en charge de l’élite, de l’athlétisme féminin et de l’outre-mer et s’occupera, entre autres, avec Laurence Bily, du relais 4 x 100 français, qu’elle verra décrocher le bronze aux Jeux d’Athènes derrière les Russes et les intouchables Jamaïcaines. Le parcours de Maguy Nestoret va pourtant prendre une tournure inattendue en 2005.
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« Un travail dans lequel je me sens utile »
Un parcours politique imprévu
La vie de la tricolore va être impactée par une décision au cœur de la capitale française. Éric Bouquin, conseiller sports de Bertrand Delanoë alors Maire de Paris, prépare un déplacement aux Antilles dans le cadre de la candidature de Paris pour les Jeux de 2012. Il contacte Maguy pour avoir des éléments sur l’athlétisme antillais. Sans le connaître personnellement, Maguy lui fait passer une note et quelques semaines plus tard, lorsqu’Éric Bouquin quitte son poste, il propose au Maire de Paris le nom de l’ancienne athlète parmi les candidats à sa succession. Bien qu’elle accepte d’être candidate, elle n’imagine pas prendre ce poste, se fixant un plafond de verre personnel. C’est son mari, Guy Ontanon qui la convaincra de « saisir l’opportunité » lorsqu’elle est officiellement retenue pour le poste.
Durant huit ans, elle accompagnera Bertrand Delanoë, maire de l’époque. Parmi ses très larges missions, elle travaille en lien avec les adjoints aux sports successifs Pascal Cherki et Jean Vuillermoz sur toute la politique sportive de la Ville de Paris, le suivi des clubs parisiens et le développement et le suivi des partenariats avec les collectivités d’outre-mer. Durant ce laps de temps, l’athlète écrira un livre avec Audrey Keysers, préfacé par Lilian Thuram, interrogeant la faible médiatisation du football féminin. En 2012, elle sera faite Chevalier de l’ordre national du mérite sur proposition de la Ministre des Sports Valérie Fourneyron.
Son aventure à la maire de Paris se termine en 2013, et après un passage d’un an en tant que DTN du pentathlon moderne, elle prolonge son parcours politique en 2014 avec la Ministre des Droits des femmes, de la Ville et de la Jeunesse et des Sports Najat Vallaud-Belkacem. Son travail « le plus engagé », difficile et de longue haleine, dans lequel elle « se sent utile ». Lutte contre les discriminations dans le sport, développement de la campagne « Coup de sifflet contre l’homophobie », elle impulse des axes pour affronter l’ensemble de ces traitements injustes et sensibiliser face aux discriminations dans le monde du sport.
Maguy Nestoret Ontanon, la polyvalence utile
Après un passage dans la communication, l’ancienne championne de France a su devenir extrêmement polyvalente. Son CV attire et impressionne, puisqu’en 2019 elle intègre l’Agence nationale du sport (ANS) fraîchement créée, en tant que conseillère Haute Performance. Sous la houlette de Claude Onesta, manager général à la haute performance, son but est de mettre en œuvre les moyens pour accompagner au mieux les sportifs et les fédérations dans leurs recherches de performance pour les JOP 2024.
L’objectif donné par le président Macron d’intégrer le top 5 mondial olympique et paralympique est dans les têtes. Plusieurs axes de travail sont développés par la Martiniquaise et ses collègues comme l’optimisation de la performance, le suivi et l’accompagnement socio-professionnel des athlètes. Un principe règne dans l’organisation, « on ne s’occupe pas du sport duquel nous provenons », indique-t-elle. Ainsi, l’ancienne athlète est en charge de la fédération de gymnastique (avec l’ancien champion olympique Éric Srecki), de baseball, de karaté et de tennis. Comme un fil conducteur de sa carrière, elle travaille avec trois autres collègues sur le volet socio-professionnel, avec comme objectif celui de mettre les sportifs dans les meilleures conditions pendant leur carrière et de préparer au mieux leur insertion professionnelle, grâce aux dispositifs proposés par l’Agence.
À un an des prochains Jeux olympiques et paralympiques, nul doute que Maguy Nestoret Ontanon et le pôle Haute Performance jouent dès à présent un rôle de l’ombre important pour cette compétition, qui seront les 8e Jeux auxquels l’ancienne athlète française assistera.
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