Manizha Talash : « C’est la résistance des femmes afghanes qui me donne de la force »
La B-Girl afghane Manizha Talash avait marqué les esprits aux Jeux de Paris 2024. Le vendredi 9 août dernier, l’athlète de 21 ans s’étant présentée sur la scène olympique du breaking avec une cape floquée du message « Free Afghan Women ».
Membre de l’équipe olympique des réfugié·e·s, Manizha Talash avait envoyé un message fort lors de sa performance sur l’épreuve de breaking des Jeux de Paris 2024. La réfugiée afghane s’était présentée avec une cape marquée de l’inscription « Free Afghan Women » ( « Libérez les femmes afghanes »). Déjà éliminée à l’issue de son premier combat, Talash avait été disqualifiée pour avoir enfreint l’injonction de neutralité politique posée par la règle 50 de la charte olympique. Née à Kaboul, la danseuse a fui son pays à l’âge de 19 ans et vit désormais en Espagne. À l’occasion d’un évènement organisé par le collectif « N’oublions pas l’Afghanistan », elle est revenue sur son geste pour Les Sportives.
Les Sportives : Pour déployer cette cape et ce message politique [« Free Afghan Women »], vous avez pris le parti de la disqualification. Pourriez-vous revenir sur ce choix ?
Manizha Talash : Je pense que n’importe quelle autre femme afghane aurait fait la même chose. C’est vrai que j’ai été disqualifiée avec ce geste politique, mais cela n’a pas d’importance. Car je sais que j’aurai d’autres possibilités d’atteindre mes rêves à l’avenir et cela n’était tout simplement pas la priorité. Ce que j’ai fait le jour de l’épreuve, c’était une occasion unique de faire entendre mon message au monde entier. Il fallait absolument la saisir [NDLR : propos traduits du persan].
Justement, quelle est la situation des femmes en Afghanistan et l’importance du message que vous avez envoyé ?
Il est primordial que l’on entende la voix et la cause des femmes afghanes. Ici, à Paris, nous sommes plusieurs Afghanes. Nous sortons, nous nous habillons et nous parlons comme nous le souhaitons. Tout ça, ce sont des choses très simples auxquelles nous n’avons pas accès en Afghanistan. En tant que femmes, il est important que nous puissions être solidaires et nous soutenir.
Est-ce que vous pensez être devenue une source d’inspiration en Afghanistan, par votre parcours et grâce à ce geste ?
En réalité, je pense que c’est le contraire. Ces femmes sont un modèle, une source d’inspiration considérable pour moi. Car malgré toutes les difficultés qui leur sont opposées, la cage dans laquelle elles sont enfermées, elles continuent à faire face. C’est cette résistance des femmes afghanes qui me donne de la force. Je suis ici et c’est inacceptable pour moi de ne rien faire alors qu’elles sont toujours là-bas. Alors, si j’ai l’opportunité d’agir, il faut que je le fasse.
Les Jeux ne sont-ils pas justement l’occasion planétaire qui peut permettre de mettre ou remettre certaines causes sur le devant de la scène ?
Vous savez, je pense que chacun s’y prend à sa manière pour essayer de transformer positivement le monde, pour tenter de changer le cours des choses. Moi je voulais le faire à travers ma passion, le breaking. Ça peut prendre des formes différentes selon les personnes, mais chacun peut participer à cet effort, y compris par la participation à ce genre d’événements d’importance internationale.
Qu’est-ce que cela représente pour vous de faire partie de cette délégation des réfugié·e·s, en lice aux Jeux pour la troisième fois ?
Je pense que la team des réfugié·e·s, c’est une chance incroyable, un miracle pour les athlètes qui n’ont plus de drapeau pour concourir. On peut prendre mon exemple : j’avais pensé que finalement je n’allais jamais pouvoir participer aux JO, avant d’y parvenir grâce à cette délégation. Mais il n’y a pas que ça. Cette équipe, c’est aussi l’opportunité de ne pas simplement représenter un pays, mais tous les réfugié·e·s dont on partage la situation. On connaît les difficultés par lesquelles toutes ces personnes passent, on s’y confronte encore pour certaines.
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À Paris, les délégations olympique et paralympique des réfugié·e·s ont remporté les deux premières médailles de leur histoire [Cindy Ngamba en boxe et Zakia Khudadadi en para taekwondo], est-ce que c’est une occasion de mettre encore davantage cette équipe et sa portée symbolique en avant ?
Pour l’équipe des réfugié·e·s, je pense que ce qu’il faut surtout retenir et qui est le plus important, c’est que l’initiative ait été réitérée de nouveau à Paris et qu’elle continue à l’être à l’avenir. Les réfugié·e·s ont tout autant le droit de rêver et d’accomplir leurs rêves olympiques et paralympiques. Savoir si les médailles vont effectivement changer les mentalités des gens, c’est une autre question. Je pense que ça va dépendre du public auquel on s’adresse. Mais ces deux médailles sont quand même la preuve que cette démarche doit continuer, car elle a bel et bien permis de mettre en avant tous ces athlètes et la diversité de leurs parcours.
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Crédit photo : CNOSF/KMSP
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