Mathilde Gros est devenue championne du monde en cyclisme sur piste lors des Championnats du monde en France
À la rencontre des sportives

Mathilde Gros : « Ça restera l’un des plus beaux jours de ma vie »

Tiffany Henne
26.10.2022

Mathilde Gros a marqué les esprits du Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines. Le 14 octobre dernier, la Française de 23 ans y a décroché le premier titre mondial de sa carrière en senior. Sacrée championne du monde en vitesse individuelle, la cycliste de la FDJ Sport Factory, galvanisée par le public, souhaite réitérer l’exploit dans deux ans, aux Jeux olympiques cette fois-ci. À Paris 2024, dix ans après ses débuts sur un vélo, l’ancienne basketteuse roulera pour l’or, le rêve d’une vie.

Une semaine après, les « Mathilde ! Mathilde ! », lancés depuis les travées du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, résonnent encore dans la tête de Mathilde Gros. La cycliste a du mal à s’y faire, et pourtant, elle a bien été sacrée championne du monde en vitesse sur piste le 14 octobre dernier. « Petit à petit, je me rends compte des émotions que j’ai ressenties et que les gens ont ressenties », débute la Française de 23 ans, qui répète plusieurs fois au cours de l’entretien « être toujours sur son petit nuage ».

Le temps d’un instant, la cycliste de la FDJ Sport Factory accepte d’en descendre pour mettre des mots sur ce bonheur d’enfiler le maillot arc-en-ciel pour la première fois en senior. « C’est de la joie, du bonheur, du soulagement, quelque chose que je n’avais jamais ressenti, quelque chose de très intense, c’était magnifique dans ce vélodrome », abonde-t-elle. Le public n’est d’ailleurs pas étranger à ce succès sur l’épreuve reine. Les nombreux spectateurs présents lui ont « donné des ailes » et l’ont aidée à se transcender. Elle s’y replonge volontiers : « J’ai pu débrancher la tête et ne pas écouter la fatigue. Entendre qu’on crie votre nom, c’est incroyable ! Quand je passe la ligne, j’ai plein de frissons qui me parcourent le corps, je ne suis plus moi-même, je suis comme métamorphosée, ce n’est plus la même Mathilde. »

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« Ce sont des souvenirs à jamais gravés ! »

Une Marseillaise, un peu de temps en famille, un contrôle antidopage, une courte nuit de sommeil, et voilà Mathilde Gros prête à se plonger dans sa course du lendemain. La jeune femme découvre alors que le quotidien sportif L’Équipe lui a fait les honneurs de la Une avec pour titre « Seigneure de l’anneau ». Une consécration. « Quand mes parents, mes ami·e·s, plein de monde, m’envoient la photo du journal et me disent « regarde ! », je ne m’y attends pas, c’est énorme ! En plus, cette photo, ce titre, c’est juste top. Ce sont des souvenirs à jamais gravés ! », raconte la pistarde avec du sourire dans la voix. « Quand je vois que je fais la Une et qu’en haut à gauche il y a un Paul Pogba, un N’Golo Kanté… Ce n’est pas rien », ne réalise toujours pas la jeune femme. Le recul et le gros tas d’exemplaires, « au moins vingt », que ses proches ont amassé en faisant le tour des revendeurs l’y aideront sûrement. Et puis, au-delà de la fierté personnelle, il y a cette question, si importante, de la représentation : « Des jeunes femmes sont venues me voir pour me dire « Bravo pour ce que tu fais, pour les femmes », ça me touche. C’est important pour moi qu’on soit tous égaux, qu’il n’y ait pas de différence entre sport féminin et masculin. »

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L’échec de Tokyo lui a permis d’aller chercher l’or mondial

En plus de l’or en vitesse individuelle, Mathilde Gros aurait aussi pu décrocher le bronze sur le Keirin de ces championnats du monde. Mais la photo finish l’a privée d’une nouvelle médaille. « Ça ne s’est pas joué à grand-chose », résume bien la Française, qui poursuit : « Je n’y allais pas pour la gagne mais ça reste une expérience très enrichissante pour la suite. J’ai fait une course différente de ce que je fais d’habitude, je le prends positivement même si j’aurais aimé gagner, mais pour les prochaines fois je m’en rappellerai. » Pas d’échec, que des leçons, c’est ainsi qu’on pourrait résumer la philosophie de l’athlète tricolore. D’ailleurs, quand on évoque avec elle sa déroute à Tokyo (9ème en vitesse, 13ème au keirin), on se rend compte qu’elle s’en est servie pour rebondir.

« Mon coup de moins bien a duré quatre ou cinq mois, mais honnêtement, c’est grâce à lui que je suis allée chercher ce que je suis allée chercher, sinon je ne me serais pas remise en question », avoue la championne du monde. Après les Jeux olympiques, Mathilde Gros a aussi eu une discussion qui l’a marquée avec son aînée Félicia Ballanger (NDLR, championne olympique de vitesse en 1996 et 2000) : « Elle m’a dit « Tokyo, ne l’oublie pas ». Ça aide à se rappeler quand on a la tête qui s’envole qu’on peut tomber très bas. Et aussi, quand il y a un coup de moins bien, on peut se dire « Rappelle-toi, tu étais là à ce moment-là et regarde ce que tu as fait un an après », donc je n’oublierai pas, même si c’était moins agréable que ce championnat du monde. »

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La médaille d’or olympique, le rêve de toute une vie

Si on plonge plus loin dans le passé, on a envie de rappeler à Mathilde Gros ses accomplissements depuis huit ans, depuis qu’elle a abandonné le basket, sa première vie d’athlète. De ses débuts « catastrophiques » sans grand amour pour le vélo, à ce premier titre mondial, en passant par les trophées en junior et les sacres européens, la cycliste en a parcouru du chemin. « J’ai toujours bossé comme une acharnée. Il y a eu des sacrifices et beaucoup de travail. Faire ça huit ans après mes premiers tours de piste, notamment à Saint-Quentin, c’est trop beau. Ça restera l’un des plus beaux jours de ma vie. Que demander de plus ? », interroge la sportive.

On a bien une petite idée, ça s’appelle « Paris 2024 » et ça se courra au même endroit. Coïncidence heureuse, l’ambition de la Française reste la même : couper la ligne en première. « Ce serait le rêve absolu, c’est ce pourquoi j’ai débuté le vélo et le sport en général. C’est le rêve et l’objectif d’une vie, même si après Paris ça ne s’arrête pas. J’y crois, je vais tout faire pour, en tout cas je ne veux pas avoir de regret. Ce serait l’histoire parfaite » avoue-t-elle. Oui, dix ans après ses grands débuts, l’histoire serait parfaite.

Crédit photo : ©Philippe Millereau/KMSP

Tiffany Henne
26.10.2022

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