Mathilde Sénéchal : « Je veux exister autrement que par l’athlète »
Le parcours de l’athlète blésoise Mathilde Sénéchal est fait de hasards et de rencontres, sur le plan sportif et professionnel. Aujourd’hui, elle est titulaire d’un master en droit des affaires et continue à porter le maillot de l’équipe de France. Elle vise une sélection pour Paris 2024 sur le marathon tout en préparant le concours du barreau.
Pour l’athlète Mathilde Sénéchal, courir c’est presque inné. Elle a toujours fait ça très facilement, naturellement : « j’adore ça. Quand j’étais jeune, j’allais courir avec mon père en forêt, c’est vraiment lui qui m’a inculqué ça. » Elle court souvent, elle court bien, se fait repérer mais n’y prête pas forcément attention. « Au collège, mon prof de sport m’a poussée à aller en club, mais je faisais de la danse et de la gym, ça ne m’intéressait pas. » Championne de France UNSS, elle finit par céder aux avances du club de l’AJ Blois Onzain. L’aventure commence…
Premiers succès et appels en équipe de France
« Je m’entrainais chaque jour un peu plus et ça marchait bien. J’ai gagné mon premier cross départemental avec l’AJBO alors que je n’étais pas dans les favorites. Moi j’étais la petite nouvelle, mon père était fou ! » Ses succès précoces incitent la Blésoise à continuer et à chercher la performance, hiver comme été. Au fil des saisons, elle progresse régulièrement, en combinant cross et 3000m.
En 2016, elle est appelée pour la première fois en équipe de France, pour les championnats d’Europe juniors. Mais c’est l’année suivante qu’elle prend réellement conscience de son potentiel : « le gros déclic c’est en 2017, quand je deviens vice-championne d’Europe sur 3 000 m piste en U 20. Là, avec mon entraîneur Daniel Aubry, on se rend compte qu’on peut voir plus grand et rêver peut-être aux Jeux Olympiques. Il a m’a mis l’idée, en tête, moi je n’y aurais jamais pensé. »
Forcément cela ouvre de belles perspectives, mais la pression monte pour la jeune fille. « Cela m’a un peu perturbée. Là tu entres dans un processus où tu es attendue. Tu es censée être forte derrière. »
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Allier sport de haut-niveau et études
Forte sur la piste, forte dans les études, il faut allier les deux. Car Mathilde Sénéchal veut tout mener de front. « Je n’ai jamais considéré l’athlétisme comme un métier. Au lycée, je me dirigeais plutôt vers médecine, puis j’ai échangé avec une prof de français qui m’a orientée vers le droit. C’est vrai que quand j’ai une idée, j’adore la défendre avec un bel argumentaire. » Sitôt dit, sitôt fait, elle s’inscrit en licence à Orléans, sans lâcher son sport, à haut niveau. Il a fallu bien s’organiser et parfois négocier pour parvenir à ses fins. « J’ai fait mes deux premières années normalement et j’ai un peu forcé les portes de l’administration pour aménager la troisième. J’ai un peu galéré mais j’ai réussi à la faire sur 2 ans. »
Pas question de s’arrêter là, la championne s’inscrit en Master droit des affaires, à Lyon. Elle y retrouve un groupe d’entraînement avec le coach national Bastien Perraux. La première année est difficile, le temps de trouver ses repères et de se remettre à niveau après la coupure COVID. L’année suivante, elle peut enfin construire quelque chose avec son coach. Les objectifs sont fixés et tenus, avec un retour en équipe de France.
Même si elle a bénéficié d’aménagements spécifiques, Mathilde a dû batailler pour mener à bien son cursus universitaire. « Franchement, si je pouvais changer les choses par rapport à ça ce serait vraiment bien. J’aimerais aller dans les universités et essayer de faire appliquer les textes de loi. On s’étonne que les sportifs ne continuent pas leurs études, mais ce n’est vraiment pas facile. »
Utiliser ses compétences de juriste au service des autres
Maintenant qu’elle est juriste, diplômée en droit des affaires, la jeune femme souhaite aider les sportifs de haut niveau à créer leur structure juridique. « A partir du moment où on a des sponsors et des marques qui donnent de l’argent, il faut des factures. Cela induit la création d’une structure juridique, souvent une micro-entreprise. Je connais bien les problématiques donc je peux guider dans les démarches. L’idée, après, serait d’élargir cela à tous les micro-entrepreneurs. Me reste à trouver une structure pour le faire de manière légale. »
En attendant, elle a monté sa propre structure, avec son compagnon, Steven Huet, préparateur physique. MSH impulsion vise à intégrer les valeurs du sport de haut niveau dans le monde de l’entreprise. « Le M c’est mental. On utilise les clés de performance mentale des sportifs de haut niveau pour les appliquer à chacun. Comment se remettre en question, rebondir après un échec… Le S pour skills, c’est tout ce qui va être compétences, habilités, toujours autour de la performance. Le H de health, santé en anglais, relève du bien-être au travail, du sport en entreprise. Moi j’interviens plutôt sur le plan mental, Steven est plus sur l’ergonomie, les bonnes postures à tenir. »
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Cap sur le marathon, objectif Paris 2024
N’allez pas croire que le sport et la performance ont été mis de côté. Les séances à Lyon ont ouvert une nouvelle perspective, le marathon. « Mon coach y voyait une belle marge de progression dans l’optique de Paris 2024. Au début je me disais mais c’est un truc de vieux ! Il faut courir longtemps, lentement, c’est c… quoi. J’ai quand même voulu tenter, finalement ce n’est pas si lent ! »
Finalement, la Blésoise s’est prise au jeu. En plus, elle apprécie l’ambiance particulière des épreuves sur route. Après les 20 km de Paris en 2022, qu’elle a adoré, elle a disputé son premier marathon, en février 2023, à Séville, en Espagne. « C’était une bonne expérience, après c’est la répétition qui fait la progression. Les minimas olympiques sont à 2h26mn50s, j’en suis encore assez loin (record personnel 2h35mn44s), donc on va plutôt essayer d’entrer par le jeu des classements. »
Comme souvent en athlétisme, il y a trois places à prendre, en marquant des points sur différentes épreuves. « Il faut bien choisir ses compétitions pour ne pas avoir trop de concurrence et pouvoir se placer, c’est un peu particulier. Le pourcentage de réussite est assez faible mais je suis toujours dans la course. Je me fixe un gros objectif pour rester dans l’exigence, si j’échoue, j’aurai d’autres échéances. »
Maintenir le double projet
Revenue sur ses terres à Blois, près des siens, Mathilde Sénéchal tient le cap, sur le plan sportif et professionnel. « J’y vois un équilibre. Je veux exister autrement que par l’athlète, m’occuper les jambes et la tête. Je n’ai jamais été que l’athlète, parce ce que quand ça va c’est génial, mais quand ça ne va pas, c’est plus compliqué de s’y retrouver. Il faut se servir des compétences acquises à travers le sport et les mettre en pratique dans la vie quotidienne. »
Comme c’est difficile pour elle de rester inactive, elle prépare le concours du barreau pour le mois de septembre. Avant cela, il y a aura donc de grosses échéances sportives, à Paris ou ailleurs. Le jeune athlète sera quoi qu’il arrive dans l’aventure Paris 2024. Elle a été sélectionnée pour porter la flamme olympique chez elle, à Blois. Sur les réseaux sociaux, elle se dit fière et honorée : « c’est évidemment un symbole très fort pour une sportive de haut niveau. J’ai hâte ! »
en partenariat avec la Région Centre-Val de Loire
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