Mondial basket 3×3 : Hortense Limouzin et Myriam Djekoundadé, un été déjà doré
Pour leur première en équipe de France A, Hortense Limouzin et Myriam Djekoundadé ont frappé fort au Mondial de basket 3×3. Elles ont conquis le premier titre de l’histoire pour la France le 26 juin dernier, le point de départ d’un été chargé en Women’s series et d’un temps de préparation pour l’Euro début septembre. Les deux joueuses reviennent pour Les Sportives sur ce Mondial, le développement de la pratique en France et la préparation de Paris 2024.
Les Sportives : Réalisez-vous que vous êtes entrées dans l’histoire du basket français avec ce titre ?
Hortense Limouzin : On réalise doucement, mais il faut vite redescendre parce qu’on enchaine sur un été chargé avec les Women’s series. On réalise davantage au fil de l’été, quand on va à la rencontre du public et que les gens continuent de nous féliciter. On sera à jamais les premières.
Vous disputiez, sur ce mondial, votre première grande échéance en équipe A. Quel bilan tirez-vous de cette compétition ?
Myriam Djekoundadé : Déjà personnellement, c’était une expérience incroyable, avec une équipe et un groupe France qui était vraiment humainement super. C’était vraiment génial de partager ça avec des personnes pareilles je trouve. Je vais peut être sembler un petit peu excessive mais c’est une vraie leçon de vie que j’ai tirée là. Tout ce qu’on a partagé, ça va forcément me faire grandir dans ma vie personnelle. Mes coéquipières ont été un exemple d’abnégation, de combativité. Leur mentalité m’impressionne. J’admire aussi le dévouement de l’ensemble du groupe, les garçons ou bien le staff et les gens de la délégation. Tout le monde avait un seul objectif, la victoire, et c’est une vraie leçon de vie.
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Vous avez disputé votre finale quelques instants après la médaille de bronze des garçons. Ça vous a boostées pour aller conquérir le titre ?
Hortense Limouzin : Oui évidemment. Il y avait énormément de pression. On aurait voulu les regarder mais on n’a pas pu. On suivait le match depuis la chambre d’appel. Quand on les a vu remporter le match à trois contre le pays hôte, on voulait encore plus décrocher ce titre. Ils avaient tout donné pour le maillot France, on devait faire pareil.
En finale, vous sembliez plus sereines que sur le reste de la compétition. Est-ce que vous vous êtes dit à un moment dans la compétition que vous alliez aller au bout ?
Myriam Djekoundadé : On a eu de la chance de faire ce parcours-là. Après la défaite contre les États-Unis, on ne se remet pas en question mais ça nous met face à nos limites. Pour moi, l’équipe a vraiment franchi un pallier à ce moment-là, même si c’est une défaite. Après il y a l’Espagne. Au coup de sifflet final, on se prend toutes dans les bras et Laetitia nous fait promettre d’aller au bout. Il n’y avait plus d’autres issues possibles. Notre parcours a forgé cette sérénité.
Contre les États-Unis, vous avez perdu le match dans les derniers instants à cause d’un trop grand nombre de fautes. Contre la Chine et l’Espagne vous avez été confrontées à des scénarios assez similaires. Considérez-vous ce match contre les États-Unis comme fondateur ?
Myriam Djekoundadé : Ce match a été une énorme leçon parce qu’on a perdu à cause des fautes. Et donc on savait qu’il fallait corriger cette gestion des fautes. Et c’est ça qui est génial dans cette équipe. À chaque match, on tirait une leçon et on l’appliquait au match suivant. Après les États Unis, on gérait beaucoup mieux les fautes pour ne pas entrer dans la pénalité dans les moments clés. Je pense que forcément, perdre un match serré, ça nous apprend toujours beaucoup plus que la victoire. Après une victoire, on a toujours l’impression que tout a été bien fait. Alors que quand on perd, on se le prend un peu en pleine face et on est obligées de réfléchir à des solutions.
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Vous ne faisiez pas encore parties de l’effectif A l’an passé pour les Jeux olympiques et l’Euro. Avez-vous tout de même senti au sein de l’effectif ce sentiment de revanche de battre des équipes comme la Chine ou l’Espagne, qui avaient privé la France de finale ?
Hortense Limouzin : Oui, on sentait que Marie-Eve (NDLR, Paget) et Laetitia (NDLR, Guapo) voulaient prendre leur revanche, et ça nous donnait encore plus envie de gagner et de devenir actrices de leur revanche. Mais comme elles l’ont dit, cette revanche n’était pas le principal sentiment qui les animait. Elles voulaient aller au bout et décrocher ce titre.
Ces dernières années, l’équipe de France a souvent manqué de peu le titre. Pensez-vous que ce mélange entre l’expérience et votre jeunesse a été la clé sur ce championnat ?
Hortense Limouzin : Avant la Coupe du Monde, on a eu une excellente semaine de préparation. C’est aussi la force du travail accompli pendant des années auparavant, pas seulement le fait d’avoir aligné deux jeunes et deux anciennes. C’était un pari pour le coach et tout le monde le savait. Il fallait en passer par là pour reconstruire l’équipe de France. Sur cette compétition, il s’est avéré payant mais on sait que dans le 3×3 tout peut changer très vite. On peut être très performantes un jour et que ce soit très compliqué le jour d’après. L’objectif maintenant est de garder cette constance au haut niveau avec cette équipe-là ou une autre jusqu’à Paris.
Vous êtes arrivées au sein du groupe France récemment avec Hortense Limouzin alors que Laetitia Guapo et Marie-Eve Paget ont déjà connu plusieurs grandes échéances ensemble. Comment avez-vous réussi à créer cette émulation pour aller au bout ?
Myriam Djekoundadé : Je connaissais déjà Hortense, on était ensemble en U23 jusque l’année dernière. On s’entrainait déjà lors des rassemblements en U23 avec les filles de l’équipe A. Mais c’était notre première compétition ensemble donc il y avait forcement un peu d’appréhension. Malgré la composition atypique de l’équipe, j’avais confiance dans le plan de jeu que j’avais déjà expérimenté dans les catégories juniors. Dès que l’on met le maillot France sur le dos, toutes les filles partagent cette envie d’aller au bout. Avec Hortense, j’étais sûre que ça marchait. Je savais aussi de quoi les filles étaient capables. Tout le monde savait gagner, maintenant il fallait qu’on apprenne à gagner ensemble.
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Beaucoup d’observateurs s’interrogeaient sur le pari de la faible moyenne de taille de l’équipe de France, et pourtant vous arrivez à conquérir le titre. Comment avez-vous compensé ce désavantage ?
Hortense Limouzin : C’était un énorme pari de jouer avec seulement une grande, parce que ce n’est pas un plan de jeu courant dans le 3×3. Ça a été un pari gagnant. On a choisi notre poison parce que c’était compliqué de jouer sans grande. Mais d’un autre côté, ça a aussi été notre force. On arrivait à faire croire à nos adversaires qu’elles pouvaient s’appuyer uniquement sur leur grande taille pour nous avoir. On mettait tellement d’intensité pour les faire déjouer sur ce jeu-là que finalement, on a très bien réussi à dérouler notre jeu basé sur la vitesse. Ça a beaucoup perturbé nos adversaires. Ça a très bien marché sur cette compétition, maintenant on verra sur les suivantes.
L’enchainement d’un été aussi chargé après l’émotion d’un titre mondial n’est-il pas compliqué ?
Myriam Djekoundadé : C’est difficile, parce que cette victoire est arrivée très tôt dans l’été. D’un côté il faut la mettre dans un petit coin de la tête pour se concentrer sur la suite des échéances, mais d’un autre côté on a envie de savourer cette victoire extraordinaire et de rester sur notre nuage. Mais il faut réussir à s’en détacher pour réussir l’été.
On a vu l’équipe de France performer sur plusieurs stops de Women Series avec un effectif complétement différent de celui des championnats du monde. Comment faites-vous pour entretenir vos automatismes de jeu avec des effectifs tournants ?
Hortense Limouzin : Avec dix filles pour quatre places, on pourrait penser que c’est très concurrentiel. Cette concurrence est très saine parce qu’elle nous pousse toutes à donner le meilleur de nous-même. Même si n’on est pas choisies pour une compétition, on suit les filles depuis la maison. Se regarder jouer nous permet de peaufiner nos automatismes.
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Avant ce Mondial de basket 3×3, beaucoup voyaient dans l’équipe de France une équipe de transition après le départ de pionnières, et vous remportez d’entrée un titre mondial. C’est de bon augure pour Paris 2024 ?
Hortense Limouzin : Je ne sais pas si c’est de bon augure pour les Jeux olympiques, mais c’est de bon augure pour cet été. On prend les choses étape par étape. Après, on peut rêver grand tout en gardant beaucoup d’humilité. Toutes les nations se spécialisent et deviennent de plus en plus fortes, c’est impressionnant sur les tournois.
Pensez-vous que ces bons résultats constituent l’élan décisif et nécessaire au 3×3 en France ?
Hortense Limouzin: La coupe d’Europe à Paris et les Jeux olympiques ont vraiment donné une plus grande visibilité au 3×3, surtout féminin parce qu’on a un peu moins vu les garçons. Mais là, avec la performance énorme des garçons et notre titre, je pense que le regard sur la discipline va beaucoup changer. Notre discipline est encore toute nouvelle et pourtant je pense qu’elle a les armes, par sa modernité et sa facilité à se jouer et à se regarder, pour devenir un sport plaisant pour tous et toutes.
Dans quelle mesure le basket 3×3 peut-il encore être développé en France avant Paris 2024 ?
Myriam Djekoundadé : La fédération a mis en place une équipe professionnelle chez les garçons. C’était vraiment un domaine où on était en retard pour développer le 3×3 et être compétitif. On va pouvoir prendre une autre dimension. On espère voir ça pour les filles. Pour l’instant ce n’est pas envisageable parce que la FIBA ne propose pas de compétition à l’année. Mais on verra ! Pour l’instant, on est dans les clous.
Crédit photo : 3×3 FIBA
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