Tout juste vice championne de France, Océane Guisnel est une pongiste française, née le 9 Avril 1998. Professionnelle depuis deux ans, elle surprend ses adversaires par sa combativité, sa technicité et sa force intérieure. Rencontre.
Océane, comment est né ton amour pour le tennis de table ?
J’ai d’abord commencé par faire du multi-sports, je n’ai même pas essayé le ping, j’ai presque tout essayé sauf ça. Mais mes parents étaient pongistes tous les deux, à bon niveau, donc j’allais les voir tous les dimanches, je voulais absolument faire comme eux et jouer. Ils m’ont donc inscrite dans le club de Saint Sébastien sur Loire, en Loire Atlantique (44) à 7 ans. Dès le premier entraînement, je savais que c’était ce que je voulais faire.
Quel est ton parcours de pongiste ?
Assez rapidement, en plus de mes entraînements en club je suis allée au comité 44 le mercredi. Puis, à partir de la 6ème jusqu’à la seconde inclus, je suis allée au Pôle Espoir et j’étais au CENS (Centre Éducatif Nantais pour Sportifs) en parallèle pour ma scolarité. Ensuite, je suis partie à l’INSEP pendant 3 ans, où j’y ai obtenu mon BAC. Je suis revenue en Loire Atlantique après cette expérience à l’INSEP car je ne m’y sentais plus spécialement bien. Maintenant, je m’entraîne avec le Pôle France garçons de Nantes.
Quel est ton classement actuel ?
Actuellement, je suis n° 40 en comptant les joueuses étrangères qui jouent dans les clubs français. C’est comme ça au ping, elles sont comptées dans le classement français. Sans elles, je suis n°13 française et n°210 mondiale. Et je fais partie de l’équipe de France Espoir, c’est la passerelle vers l’équipe de France.
Tu as utilisé le terme « ping », mais que doit-on dire : tennis de table ou ping-pong ?
(Rires) Avant j’aurais peut-être dit qu’il y avait une différence, parce que ping-pong ça fait un peu « camping » mais en réalité il n’y en a aucune. Finalement, moi je dis toujours le « ping ». Il y a une différence pour certains et pas pour d’autres. C’est une question d’interprétation mais techniquement on parle du même sport.
À quoi ressemble une semaine « type » pour toi ?
J’ai deux entraînements de ping par jour avec le Pôle France : le matin et l’après-midi. Un entraînement de ping dure entre 2 à 3h. Je fais du physique pendant 1 à 2h avant la séance du matin. J’ai un préparateur physique, juste pour moi je suis très chanceuse. Et en plus, j’ai également 3 séances individuelles avec un entraîneur qui est aussi préparateur mental. Je suis sur un rythme de 25 à 30h d’entraînements par semaine à peu près, donc les journées sont assez chargées.
C’est donc compliqué d’avoir d’autres activités à côté ?
Après le bac, j’ai commencé une licence en sociologie mais le rythme était trop dense. Je me couchais très tard et je me levais très tôt pour travailler, alors je me suis blessée. C’est pourquoi cette année, j’ai choisi de faire uniquement du ping. Le STAPS à Nantes propose un aménagement spécial pour les sportives de haut niveau donc je me renseigne pour l’année prochaine.
L’évolution du ping féminin français ? C’est lent mais c’est mieux.
À partir de quand as-tu pu vivre du tennis de table ?
Vivre c’est un grand mot mais en tout cas je gagne de l’argent avec le ping depuis deux ans. Je suis joueuse professionnelle et donc salariée de mon club (Poitiers TTACC 86). À côté je donne des cours particuliers pour avoir un complément de salaire. Chez les filles c’est assez compliqué d’en vivre réellement parce que les salaires sont quand même assez bas. Il faut vraiment être très très forte et avoir des sponsors, sauf qu’ils sont compliqués à trouver. Par exemple, si je me compare avec un garçon de mon âge qui est à peu près du même niveau, la différence est énorme. Il peut largement en vivre en étant à l’aise alors que moi je galère.
Tu veux dire que l’évolution du ping féminin en France est lente ?
Oui, même s’il y a des améliorations. Qualitativement c’est mieux, on a changé de staff en équipe de France et on avance dans le bon sens, c’est positif. On s’entend bien, la concurrence est saine, il y a une vraie cohésion. On amène un peu plus de vie dans le ping féminin français et par la même occasion un petit peu plus de visibilité même si c’est encore très léger. C’est lent mais c’est mieux.
Quelles sont tes aspirations à long et moyen terme ?
À long terme : ma qualification pour les Jeux Olympiques en 2024. Tokyo, ça va être trop compliqué. À moyen terme : j’aimerais entrer dans le top 150 mondial à la fin de la saison.
D’ailleurs, quel est le rythme d’une saison de tennis de table ?
Une saison est très longue. On démarre les premières compétitions en août et les dernières peuvent se terminent en juin/juillet. Bien sûr, il y a des moments « offs » pendant la saison, des fois je n’ai pas de compétition pendant 2 mois. Les grosses échéances sont les championnats de France, les championnats d’Europe et du Monde. Mais avant d’y arriver, il faut d’abord se préparer pour se qualifier et seulement après, on peut préparer la compétition. J’ai eu des saisons un peu compliquées parce que j’enchaînais les compétitions et je n’avais pas le temps de travailler, c’était uniquement du réglage. Mais maintenant c’est mieux car j’ai plus de temps pour m’entraîner, pour travailler techniquement mes points faibles, c’est important d’avoir des phases d’entraînement.
L’aspect mental est essentiel au ping, comme l’abordes-tu ?
Comme je l’ai évoqué précédemment, j’ai un préparateur mental : Alexandre Doleux. On perfectionne l’aspect mental qui est hyper important au ping. Je travaille avec lui depuis le début de saison seulement. J’avais commencé à me concentrer dessus il y a 3 ans mais je n’avais pas trouvé LA bonne personne. Je connaissais Alex depuis longtemps mais j’ai appris à le découvrir sous cet angle récemment. Nous avons 3 séances individuelles ensemble par semaine donc c’est vraiment intéressant. Comme il est aussi entraîneur de ping, on ne se focalise pas uniquement sur l’aspect mental, on travaille les deux : on fait du ping mais à l’intérieur des séances il intègre la préparation mentale. C’est également souvent lui qui me suit en compétition et qui me coache.
C’est la fédération qui met à ta disposition tout ce staff ? Et comment sont gérés tes déplacements ?
Non c’est grâce à mon club. J’ai un salaire tous les mois, c’est comme ça que je paye mon loyer et que je rémunère les acteurs de ma performance. Concernant mes déplacements, c’est mon club qui prend en charge toute la logistique (transport, hébergement, restauration).
Les Championnats de France ont eu lieu le week-end dernier, ta performance a été remarquable! Quel regard portes-tu sur ton parcours ?
C’était un événement très important dans l’année et je l’ai préparé très sérieusement. J’ai démarré la compétition en n°11, mais c’était très homogène, on ne pouvait pas parier sur celle qui allait devenir championne de France. Mes résultats sont hyper positifs, c’est énorme même ! Je ne trouve même pas les mots pour décrire le week-end que j’ai passé. J’ai joué 16 matchs, c’est titanesque.
Émotionnellement et physiquement j’étais très fatiguée mais j’adorerais revivre ce week-end encore une fois. C’était incroyable ! Je reviens avec 3 médailles, si j’avais su ça une semaine avant j’aurais signé direct. C’était fantastique, je n’ai jamais vécu ça en terme d’émotions. Quand j’ai gagné mon quart de finale en simple, j’étais très très émue, c’était ma première médaille en simple en senior. Je n’ai pas pu contenir mes larmes de joie, c’était merveilleux. Je suis encore sur mon nuage et j’espère que je vivrais encore d’autres moments comme ça dans ma carrière. C’était fou!
Le seul petit regret que je peux avoir, c’est de ne pas avoir réussi à prendre le premier set en finale. Ensuite, mon adversaire prend confiance et moi je rame un peu derrière même si j’ai eu un super niveau de jeu. C’est vraiment le seul petit regret que je peux avoir, tout le reste était extraordinaire !
Réaction de son coach et préparateur mental, Alexandre Doleux :
« Un seul mot me vient : grandiose ! Il n’y a que du positif à ressortir. Elle a livré des gros combats au niveau du mental. Elle a fait preuve d’un calme incroyable, d’une très grande intensité en terme de vigilance et de concentration. Grâce à toutes ses qualités et au travail que l’on fait ensemble, elle a su exploiter toutes les ressources qu’elle a en elle. Océane a osé des coups de dingues, elle a joué libérée et relâchée. Dans son regard j’ai vu une grande combattante, elle croyait en ce qu’elle faisait. C’est ça le plus important et elle l’a prouvé ce week-end. Elle a fait un gros travail sur elle-même, elle apprend à se connaître en tant que femme et en tant que joueuse. Le travail accomplit ensemble paye ! Je suis très fière d’elle, de son développement et de sa performance. »
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