Océane Sercien-Ugolin : « Il faut se reconstruire, remonter la pente après être arrivées au sommet »
Océane Sercien-Ugolin est devenue championne olympique de handball lors des Jeux qui ont eu lieu cet été au Japon. Médaille d’or autour du cou, la Cherbourgeoise d’origine revient sur son aventure olympique en terre nippone. Elle évoque, sans filtre, la fatigue et la difficulté de revenir à la réalité. Le revers de la médaille. Entretien.
Les Jeux sont désormais derrière nous. Vous étiez sur un poste de remplaçante mais avez finalement trouvé votre place pour apporter votre plus-value, parfois à des moments clé. Quel est l’enseignement principal que vous tirez de cette expérience ?
Océane Sercien-Ugolin : On n’était pas sûrs que je sois sur pied pour les Jeux, car j’ai eu une blessure assez grave. C’est pour cela que j’étais remplaçante, mais sinon, à la base, j’étais dans le collectif. Le principal enseignement, c’est le sacrifice pour arriver au sommet. Le revers de la médaille. On en a beaucoup parlé avec Simone Biles. C’est une expérience de fou, hyper jolie, qui m’a fait apprendre sur moi. Mais c’est aussi très dur derrière. La pression qui redescend après cette médaille, mais aussi la fatigue psychologique.
On va chercher très loin au fond de soi.
Je parle pour moi en tout cas. Émotionnellement, j’ai tout vécu. À cause ou grâce à la blessure. C’est beau, les gens nous félicitent. C’est quelque chose de grand mais c’est quelque chose qui va puiser très loin dans les ressources. Il faut se reconstruire, remonter la pente après être arrivées au sommet.
Vous repartez de Tokyo la médaille d’or autour du cou, vous avez marqué l’histoire avec le doublé. Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ? Est-ce que, presque trois mois après, cette victoire vous porte encore chaque jour ?
C’est fou. On a vu les garçons et autres sport co gagner, ou faire des secondes places. C’est un message fort que l’on envoie. Cela ne peut qu’inspirer et donner un nouvel élan à notre sport, pour qu’il soit plus connu et mieux médiatisé. C’est une belle récompense. Je suis contente d’avoir fait partie de cette aventure là. Cela me porte encore chaque jour. Quand les gens viennent me voir pour me dire : « C’est trop bien ce que vous nous avez fait vivre », cela fait chaud au cœur ! Mais moi, je suis toujours dans cette phase où je suis encore un peu fatiguée. On a enchainé, on n’a pas eu trop de pauses depuis. Je ne sais pas si c’est la victoire où la fatigue qui commence à m’atteindre. Je suis hyper contente. Parfois quand j’arrive chez moi, je vois la médaille et je me rappelle quand même que c’est un truc de ouf que l’on a fait.
C’est quelque chose que vous arrivez à transposer au sein de votre club, ou dans votre vie de tous les jours ?
Je ne sais pas si je le fais bien. Mais pour l’instant, j’essaye surtout de trouver des petits temps pour souffler. Ce n’est pas facile. Une semaine après la victoire j’étais déjà à l’entrainement. Je savoure davantage les petits moments désormais, quand j’ai ma famille au téléphone ou des demi-journées pour aller au parc. J’aime toujours le handball et j’y prends toujours plaisir, mais c’est vrai que parfois j’aimerais avoir un mois de vacances. Même si je me rends compte que c’est une chance. C’est un problème qui existe dans le sport mais cette année c’est particulièrement le cas avec les Jeux.
Vous êtes sur un poste très concurrentiel aux côtés d’Estelle Nze Minko et d’Alexandra Lacrabère, bien installées en équipe, ou encore Kalidiatou Niakaté qui prend sa place. Comment peut-on à la fois penser collectif et travailler pour ancrer sa place ?
Sur la base arrière, c’est vrai qu’il y a beaucoup de monde. Je suis partisane d’admettre l’existence de la concurrence, mais il faut que tout le monde se tire vers le haut. Le but ultime est de gagner des titres et de s’améliorer, de prendre plaisir. Je suis pour de la concurrence saine. Je ne me bats pas contre les autres, je me bats contre moi-même. Et les moments où je suis frustrée, c’est contre moi. Si une personne est meilleure et mérite davantage d’être à ma place, je travaillerai plus pour mériter à nouveau ma place. C’est comme ça que l’on avance. Ce n’est pas quelque chose que je ressens comme malsain, je n’ai pas ressenti ça.
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Comment est-ce que vous vous projetez dans cette équipe de France ?
Je me projette sur quelque chose d’encore plus beau. J’ai encore envie de vivre plein de choses avec cette équipe. Et je pense que l’on en est capables. Il y a des très bonnes joueuses, même celles que l’on a l’impression de voir un peu moins. Tout le monde est très important. J’ai envie de faire partie de cette équipe-là parce que je pense que j’ai des choses à apporter.
Je pense être une joueuse assez complète et qui n’a pas montré l’étendu de ce qu’elle peut faire.
En 2019, la machine à gagner s’est stoppée avec une treizième place au mondial au Japon. En 2020, vous renouez tout de suite avec la performance et décrochez l’argent aux championnats d’Europe. Est-ce que vous, et l’équipe, aviez encore cet épisode dans un coin de vos têtes, vous disant que cela pouvait se reproduire à Tokyo ?
À tire personnel, pas du tout. À Tokyo, c’était une autre énergie. J’ai très vite fait le deuil de cette 13e place. Sans manque de respect à quiconque, je ne suis pas là pour prétendre que l’on est meilleures que les autres, mais je pense que ce n’était pas notre place. On a loupé la marche. Cela arrive à tout le monde. On a su rebondir sur l’Euro d’après, donc je n’avais plus du tout cela en tête.
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C’est un nouveau cycle qui s’ouvre. Après avoir remporté l’or olympique, comment est-ce qu’on se relance dans une nouvelle dynamique, en gardant toujours cette même détermination ?
Il faut reprendre les choses une par une. Régler les problèmes un par un. Vivre le moment présent. Mais c’est aussi se rendre compte dans quel état on est. Si je suis dans un mauvais état, qu’est ce que je fais pour sortir de ça ? Il ne faut pas rester sur ses acquis. C’est comme ça que l’on avance.
On n’a pas d’émotions aussi fortes dans la vie de tous les jours, dans un laps de temps si court.
Il y a la redescente. L’enjeu est de gérer cette descente et la fatigue. Une fois que l’on a trouvé comment on fonctionne, c’est plus simple.
Les deux derniers matchs de qualification ont été remportés, en présentant un collectif beaucoup plus jeune. Est-ce qu’on peut dire que la nouvelle dynamique est déjà lancée ?
C’était du kiff ! Il y a eu plein de nouvelle têtes et on a pris beaucoup de plaisir à jouer ensemble. C’était une bouffée d’air frais. Je pense qu’Olivier (Olivier Krumbholz est le sélectionneur de l’équipe de France féminine de handball, NDLR) voulait voir comment réagissaient les jeunes joueuses, dans un contexte international. C’est aussi pour dire : « Les filles on pense à vous, pour un projet 2024 qui arrive bientôt et pour que tout le monde soit prêt. » C’est comme cela que je l’ai pris. À nouveau, on a montré que le mix ancienne et nouvelle génération fonctionnait.
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Propos recueillis par Claire Smagghe
Crédit photo : FFHandball
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