Octobre Rose – Sarah M’Barek : « Ma tête a toujours pris le dessus et j’ai réussi à surmonter le cancer »
Au RC Lens, Sarah M’Barek emmène l’équipe féminine évoluant de Seconde Ligue. Depuis le début du mois et de l’opération Octobre Rose contre le cancer du sein, les Sang et Or entrent sur le terrain vêtues de rose. Un combat important pour l’ex-internationale française qui s’est battue contre le cancer deux ans auparavant.
Les Sportives : Vous êtes désormais en rémission mais vous avez mené un long combat contre le cancer. A quel moment la maladie s’est elle imposée dans votre vie ?
Sarah M’Barek : En février 2022, j’ai commencé à avoir des douleurs au ventre assez intenses. Au cours d’une échographie, ils ont détecté une masse. Il y a eu pas mal d’examens. En attendant les résultats, il y a eu un soir où j’étais dans une très grande souffrance. Je me suis rendue à l’hôpital d’Arras. Ils avaient reçu les résultats des biopsie. Ce soir là, ils m’ont annoncé que j’avais un lymphome sur les intestins et qu’il avait métastasé au niveau du foie. J’étais dans un sal état, je n’ai pas tout compris. J’ai été transférée à Lille. J’ai rencontré une première personne qui m’a dit que j’avais un lymphome mais que c’était le bon et j’allais avoir une chimiothérapie douce. Ca, c’était le matin. J’ai changé de service dans la journée. Et l’après-midi, on m’annonçait que j’avais un cancer de stade 4 et un lymphome qui ne se guérissait pas toujours. J’allais perdre mes cheveux. Mais aussi que la chimio allait être très lourde. C’était très dur à encaisser. J’avais quatre séances à faire. Et au bout de deux séances, le lymphome avait bien diminué. Ils étaient très optimistes.
En octobre 2022, on m’annonçait une rémission complète.
Avez-vous des prédispositions ou un terreau familial qui auraient pu favoriser le développement d’un cancer ?
Je suis greffée du rein depuis plus de 18 ans maintenant. Les médicaments anti rejet provoquent ce type d’effets secondaires. Ce sont des cancers assez courants chez les personnes qui ont se genre de traitement. Je le savais quand j’ai été greffée que j’avais plus de risque d’avoir un cancer. Je pensais que j’allais pouvoir être épargnée, mais non.
Pendant cette période, vous avez gardé au maximum le contact avec votre équipe…
Jusqu’à l’hospitalisation, oui. Puis, j’ai été forcée de m’arrêter. Et une fois dès que j’ai démarré vraiment le traitement, c’était fini. Je suis tombée à 39 kilos, je tenais à peine debout. J’ai eu tous les effets secondaires des chimios. C’était compliqué. Dès que j’allais un peu mieux, je suivais à distance. J’avais quelqu’un qui m’envoyait le déroulé des séances. Je regardais les matchs et je suivais à distance. Et des que j’ai eu un peu de force, je suis revenue.
Vous vous êtes appuyée sur votre staff ?
Je n’ai jamais été inquiète. On a décidé, avec la direction, de ne pas me remplacer mais de faire confiance à mon adjoint et le staff en place. De les laisser prendre le relai. Ils ont très bien fait ça. Les joueuses en ont été informées.
Cette épreuve vous fait-elle voir la vie différemment ?
J’étais déjà une personne qui croquait la vie. J’appréciais les petites choses. Quand je suis allée jouer une saison à Djibouti, je me suis rendue compte qu’on pouvait être heureux avec très peu de choses.
Aujourd’hui, et encore plus avec les épreuves que j’ai traversé, je me contente de très peu de choses pour être heureuse.
Le matériel est vraiment secondaire. Mais le partage et le fait de pouvoir faire un bon repas en famille, de pouvoir avoir des discussions en famille ou de faire des voyages, pour lesquels je ne prenais pas forcément beaucoup de temps avant, ont pris une place importante aujourd’hui.
Le cancer a-t-il fait évoluer votre manière d’entrainer ?
On prend beaucoup de recul. Il y a encore 4 ou 5 ans, quand je perdais un match, je tirais la tronche pendant deux jours. Aujourd’hui, j’arrive à passer à autre chose rapidement, à relativiser. Sans pour autant se dire qu’on a perdu un match et ce n’est pas grave. Il faut toujours se remettre en question. Ça fait toujours partie de moi et toujours partie de mes méthodes. Mais c’est vrai que je regarde le bon côté des choses et c’est le message que j’essaie de transmettre aussi aux filles parce que je pense qu’en attirant le positif, en croyant au positif, on attire le positif. Puis le positif arrive vraiment.
Ce positivisme a aussi de l’impact sur la vie du groupe et sur les tensions qui peuvent parfois se créer…
Exactement, je suis hyper attentive aux petites choses, aux petits détails dans le groupe. Quand il y a des conflits ou des débuts de conflits ou des débuts de désaccord, j’essaie de désamorcer les choses tout de suite. De trouver les mots pour que ça ne prenne pas beaucoup d’ampleur et pour faire comprendre aux filles qu’il y a des choses plus importantes dans la vie. A l’inverse, par contre, quand il y a des bonnes choses qui arrivent comme une victoire en derby (Lens a battu Lille 0-3 dans la manche aller du Derby du Nord, NDLR), les émotions sont vraiment très intenses et ça c’est des choses que je ne ressentais pas forcément avant. Tout est un peu décuplé.
Vous jouez en rose ce mois-ci dans le cadre d’Octobre Rose. Le dépistage fait-il désormais partie du discours et des messages que vous voulez faire passer au groupe et au public ?
Oui, en effet. J’ai mis du temps à consulter, j’ai repoussé la douleur. Je l’ai supporté alors que si le corps a une douleur, c’est un message. C’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas, donc il faut être capable de s’écouter. Je pense que le message il est là, être capable d’écouter son corps, être capable d’aller consulter rapidement même si c’est pour rien ou pour pas grand-chose. Aller se faire dépister, ce n’est pas une démarche naturelle chez les femmes ou chez les hommes. Pourtant, cela permet d’anticiper et de guérir plus vite parce que plus ce genre de choses est prise en charge tôt, plus il y a des chances quand même que ce soit soigné.
Comment résumeriez-vous ce passage de vie en quelques mots ?
En quelques mots, je dirais que ça a été une grande épreuve. Sincèrement, sur le moment, je ne pensais pas que j’allais pouvoir y arriver parce que je me sentais très diminuée. Je suis quelqu’un qui connaît bien mon corps, même si je ne suis pas allée consulter tout de suite, je me voyais manquer de force quand même pour y arriver. Heureusement, ma tête a toujours pris le dessus et j’ai réussi à surmonter le cancer.
Aujourd’hui, je me considère en sursis.
Je sais que, même si on m’annonce une rémission complète, je sais que je ne suis pas forcément guérie à 100%. On ne guérit jamais de ce genre de choses à 100%, donc j’ai juste envie de profiter à fond de la vie et de savourer.
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