Paris 2024 – Manon Genest : « Quoiqu’il se passe au mois de septembre, la médaille je l’ai déjà au fond de moi »
Manon Genest fait partie de ces athlètes qui ont déjà leur ticket pour les Jeux paralympiques de Paris 2024. Sur l’épreuve de saut en longueur, elle prendra sa revanche des Jeux de Tokyo où elle avait décroché une médaille en chocolat. Laissant quelques regrets.
Les Sportives : Vous êtes l’une des rares athlètes paralympiques a avoir validé votre ticket pour les Jeux paralympiques déjà l’année dernière. Cela vous a permis d’organiser votre préparation olympique sur le temps long…
Manon Genest : Oui, tout à fait. Cela m’a apporté beaucoup de sérénité. Je ne suis pas sur une course aux minimas. Mon année n’est pas faite comme les autres. Je fais les compétitions pour me régler avant les Jeux et non pas pour aller chercher ma place. Les intentions ne sont pas du tout les mêmes sur les concours. Ma performance ce sera le premier septembre, pas avant. Cela m’a permis de continuer à constituer mon entourage sportif de manière sereine et rendre encore plus solide. On alimente cette relation sans ce stress des compétitions.
Comment s’organise votre quotidien de ce fait ?
Cela a évolué très récemment. J’ai été détachée de mon travail dans l’armée de terre à 100% à partir de mai. Je ne travaille plus au régiment. Je m’entraine désormais le matin et l’après-midi est dédiée aux soins ou à la préparation mentale. Et le soir, j’ai un quotidien de maman qui s’occupe de sa fille. De manière tout à fait classique pour le coup. Cela fait toujours des journées bien chargées, mais c’est plus facile de se dédier à ce projet sportif.
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Ce détachement s’est fait tardivement. Beaucoup d’athlètes se consacrent à la préparation depuis janvier…
Oui j’ai continué à travailler tous les après-midi au régiment, par choix personnel. J’en avais besoin. C’était important pour moi, c’est moi qui ai reculé la date. J’avais besoin de faire travailler mon cerveau. Mais là j’ai compris que je n’arrivais plus à tout faire en même temps.
A Tokyo, vous étiez enceinte et vous avez concouru à huit clos pendant cette phase Covid. Vous y avez décroché une médaille en chocolat. Comment imaginez-vous les prochains jeux ?
J’ai l’impression qu’on a eu une répétition déjà l’année dernière avec les Championnats du monde de para athlétisme au Stade Charléty. Je ne m’attendais pas à un tel public. Pendant mon concours, il y a eu beaucoup d’encouragements. C’était fantastique. J’imagine que c’est un échantillon de ce qui va se passer pendant les Jeux. Je l’imagine comme une grande fête populaire et surtout une communion avec le public. La performance que je ferai sera partagée dans la joie ou la tristesse, et ça c’est très fort à mes yeux.
Lors des championnats du monde de para-athlétisme de Kobe le samedi 18 mai vous avait imprimé une marque à 4,35 mètres, très loin de votre record personnel de 4,76 m en juillet 2023 lors des Mondiaux de Paris et votre médaille de bronze. La déception a été grande. Le Japon ne semble décidément pas vous réussir. Comment vous sentez-vous désormais ?
Le travail est encore en cours avec la préparatrice mentale et avec une psychologue du sport. Au final, c’est bien d’avoir eu ce petit coup dur. Cela nous a permis d’identifier des choses qui m’ont empêché de m’exprimer à Kobe. Il y a eu une tristesse immense, j’ai pleuré pendant plusieurs jours. Cela a été très compliqué mais j’en ressors grandi. C’est une belle claque. Là je suis de pire creux de la vague, on m’attendait pour une médaille. Mais je peux qu’en sortir grandi.
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Qu’est ce qui vous a manqué justement ?
C’est un peu complexe et pour le moment, on le garde un peu pour nous. Mais ce que je peux dire c’est que mon handicap touche mon corps mais aussi une part de cognitif, notamment la gestion des émotions. C’est très complexe. On n’a pas tout identifié et on fait appel à un spécialiste. On a besoin d’une expertise supplémentaire.
Avez-vous effectué des ajustements depuis pour affiner votre préparation aux Jeux paralympiques ?
On a réajusté très rapidement avec mon entraineur et ma préparatrice mentale pour comprendre et se remotiver. Il faut accepter d’avoir échoué. On a repris le chemin de l’entrainement de manière intense après avoir un peu mis cela en stand bye pour encaisser le coup. On va refaire quelques concours pour se remettre en confiance et faire les ajustements techniques que l’on a pu identifier à Kobe.
Comme la judoka Clarisse Agbégnénou, Manon Genest vous avez à cœur de prouver que l’on peut être à la fois maman et sportive de haut niveau. Vous avez notamment milité pour que les parents puissent vivre avec leur enfant, notamment lorsque celui-ci est allaité. Sentez-vous que ces Jeux de Paris permettent d’avancer sur ce sujet ?
Indéniablement. Il y aura un avant et un après avec une vraie volonté de conserver ce qui a été mis en place sur cet aspect parentalité. On s’est démenées un peu dans l’ombre par moment pour faire valoir nos demandes. Et cela touche à l’aspect mental de l’athlète aussi. C’est un besoin émotionnel d’avoir notre enfant, de pouvoir continuer à l’allaiter. On n’a pas envie d’arrêter allaitement pour les Jeux. Quoiqu’il se passe au mois de septembre, la médaille je l’ai déjà au fond de moi. A mon humble niveau, avec mon cas particulier, le comité paralympique et sportif français en a fait un cas général pour tous les jeunes parents. Et ça, c’est la plus grande des victoires.
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