Rosario Gangloff Murcia Florent Pervillé / FFH
À la rencontre des sportives

Paris 2024 – Rosa Murcia Gangloff : « Ça m’a pris 32 ans pour retourner au marathon ! »

Maud Tardieux
07.09.2024

Trois décennies après avoir couru le 10 000 m aux JO de Barcelone, Rosa Murcia Gangloff sera en lice le 8 septembre sur l’épreuve de marathon des Jeux paralympiques de Paris 2024. À quelques jours de la cérémonie d’ouverture, elle s’est confiée aux Sportives sur une belle aventure lancée il y a deux ans, avec son mari et le reste de l’équipe dont elle s’est entourée.

Les Sportives : Trois décennies après avoir participé aux Jeux Olympiques en 1992 à Barcelone, vous disputez à Paris vos premiers Jeux paralympiques, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Rosa Murcia Gangloff : On va dire que c’est la boucle qui se ferme tout simplement. J’ai fait les JO de Barcelone il y a 32 ans. Maintenant je ne vais pas tarder à avoir 60 ans et je vais courir le marathon, donc je crois que c’est une très belle histoire. Aussi parce que ce projet a été construit avec mon mari, qui est mon guide, et Mathieu Leroux, mon deuxième guide, que j’ai connu quand il était cadet en tant qu’éducatrice sportive, et que le hasard a remis sur mon chemin. 

Vous êtes d’abord une spécialiste du 10 000 mètres, même l’ancienne recordwoman de France, pourquoi avoir choisi de vous tourner vers le marathon ?

Il y a deux ans, ma catégorie visuelle a changé. En T12, la seule possibilité que j’avais pour pouvoir participer aux Jeux Paralympiques, c’était le marathon. Car musculairement, je n’ai plus l’âge de pouvoir faire du cinq minutes au 1 500 mètres. En marathon, pour pouvoir concourir aux Paralympiques dans ma catégorie, je devais le courir en moins de 3h20. Le projet est parti de là. On a ensuite préparé tous les protocoles médicaux et j’ai rappelé l’entraîneur que j’avais lorsque j’étais jeune dans le haut niveau. Je me suis dit : ‘pour m’embarquer sur ce projet : qui de mieux que mon entraîneur de l’époque, qui sait mieux que personne comment je fonctionne ?’. Depuis, on s’appelle quatre à cinq fois par semaine, comme lui est sur Lyon et moi entre Béziers et Narbonne. Là, on vient tout juste de terminer trois semaines ensemble aux Angles (Pyrénées-Orientales) pour ma préparation, avec mes deux guides aussi.

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Comment avez-vous organisé votre préparation physique justement, depuis que vous vous êtes lancée dans ce projet paralympique ? 

Ça fait deux ans que j’ai repris les entraînements de marathon, ce qui n’a pas été facile puisque j’ai quand même une carrière de pistarde à la base. J’avais déjà fait deux ou trois marathons : ça m’a pris 32 ans pour y retourner ! Ça n’a pas été évident, car il faut s’adapter en fonction de l’âge, des capacités musculaires, etc. Il a fallu façonner mon alimentation par exemple pour pouvoir travailler sans me blesser. C’est la difficulté de la reprise des entraînements quand on arrive à un certain âge, et que l’on court 130 ou 160 km par semaine. Mais pour résumer en deux mots, la préparation a d’abord consisté dans un gros travail de renforcement musculaire, une montée en volume puis un travail de qualité. 

Comment appréhendez-vous le parcours de la course, qui partira de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) pour rallier les Invalides, avec un profil pentu et technique ?

Comme vous dites, le tracé n’est pas facile du tout. On a un gros dénivelé positif à montrer, par exemple il va falloir monter la côte des Buttes Chaumont, qui est à peu près à 3 % de dénivelé, mais sur près de 400 mètres. Sur un marathon, ce n’est pas du tout évident, surtout lorsque vous êtes vers le 26e kilomètre, que l’on sait être un moment difficile de l’épreuve. Donc il va falloir que l’on court intelligemment, que l’on gère bien notre effort.

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Quelle sera votre stratégie de course avec vos deux guides ? 

Mon premier guide, ce sera mon mari, et le deuxième Mathieu Leroux comme je vous disais, qui n’a que 33 ans et qui performe bien sur le marathon, avec un record personnel à 2h22. L’idée, c’est qu’il faut que mon deuxième guide soit plus costaud que le premier. Donc la stratégie, c’est que le premier me lance sur le bon dosage du marathon, tandis que le deuxième doit m’emmener sans problème sur les 32 km restants.

 

Vous êtes dans quel état d’esprit par rapport au fait de courir à la maison, devant le public français ? 

J’ai été aux Jeux de Barcelone, mais je n’aurais jamais pensé pouvoir les courir à Paris. Le fait que l’on soit chez nous pour cet événement, c’est quelque chose de très fort. On sait que l’on aura énormément de Français pour nous regarder, y compris celles et ceux qui ne suivent pas trop le sport habituellement, et ça nous porte vraiment. C’est tout simplement une fierté de représenter la France à la maison.

Quand vous entrerez en lice le 8 septembre, vous courrez avec quel objectif en tête ?

On dit souvent que le plus important, c’est de participer. Mais ce n’est pas que ça : l’objectif c’est bien sûr aussi de faire le mieux possible, et j’aimerais me rapprocher du podium. Pour y arriver, on a vraiment fait tout ce qu’il fallait, avec la FFH (Fédération française handisport) et le ministère des Sports également, qui ont été là pour nous aider. Si on y arrive tant mieux, sinon on n’aura rien à se rapprocher. 

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Au-delà de la seule dimension « performance », qu’est-ce que cela représentera pour vous, sur un plan plus symbolique, de vous élancer sur le marathon 32 ans après Barcelone ?

En tant que femme qui va sur ses 60 ans, je veux démontrer que tout est possible. Si on le veut, on le peut, à condition d’avoir l’envie et la possibilité, parce que tout le monde n’a pas la même possibilité physique. Car à l’âge que j’ai, on peut encore et toujours faire du sport, même si ce n’est pas au haut niveau en valide. Moi par exemple, avec mon handicap, je sais que toute seule, je ne peux pas me permettre de courir. Mais si je suis aidée, par mes guides, par mon staff, etc. je peux encore performer. Donc je veux renvoyer l’image qu’une femme est capable, quel que soit son niveau et son âge, de faire du sport et d’être performante, en dépit des périples physiologiques éventuels.

Vous serez bientôt l’une des rares athlètes à avoir participé aussi bien à une cérémonie d’ouverture paralympique qu’olympique, comment vous envisagez cela ? 

On avait déjà fait tous les essayages avant la cérémonie du 28 août, et ce que je remarque, c’est que la France n’a fait aucune différence entre les valides et les para-athlètes : on portera les mêmes tenues. Concernant les aides auxquelles on a eu droit de la part des structures qui nous accompagnent, un effort a aussi été fait, et la visibilité que l’on donné aux handisports a été importante. Ce qui est très rare ! C’est important, parce que ces Jeux sont l’occasion de donner davantage de reconnaissance à ces jeunes-là, qui sont capables de choses exceptionnelles, et de montrer que même en étant handicapés, on peut faire beaucoup de choses. Il y a quelques décennies encore, je me souviens que l’on n’entendait pas parler du handisport, mais quand vous commencez à mettre un peu le nez dedans, vous vous rendez compte que vous êtes passé à côté de quelque chose.

Maud Tardieux
07.09.2024

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