Trail – Manon Campano : « J’ai fait ma place parce que, justement, j’étais sportive »
Agée de trente-trois ans, Manon Campano s’épanouit dans le rythme effréné d’une vie à deux-cent à l’heure. Entre sa vie de famille, son métier de pompier et sa carrière florissante dans le monde du trail, la jeune femme s’attèle à trouver le parfait équilibre. Manon parle de sa jeunesse, de sa passion dévorante pour le sport et la compétition, de son caractère battant, mais se confie aussi sur les difficultés auxquelles elle fait encore face, notamment la jalousie. Portrait d’une femme qui a fait sa place dans les casernes, mais aussi sur les podiums.
Manon Campano est un personnage. Son parcours sportif débute avec la gymnastique, un sport qu’elle qualifie d’exigent et de « traumatisant pour le corps ». Entrée chez les pompiers de Paris en 2008 à l’âge de dix-huit ans, elle est l’une des premières femmes à faire ses preuves en suivant les mêmes entraînements que les hommes. Mais à la suite d’un traumatisme crânien, Manon arrête la gymnastique. Plus tard naît sa passion pour la course à pied. On peut dire que la discipline dans le sport lui a permis de se rendre « crédible » en tant que femme, dans le monde des pompiers. « Je me demandais ce que je faisais là, puis j’ai fait ma place parce que, justement, j’étais sportive ». Très dévouée à ses débuts, « le cœur palpitant », Manon avoue pourtant ne plus être animée par cette flamme. Passée récemment traileuse semi-professionnelle, elle s’épanouit davantage dans la pratique du sport que dans un camion rouge.
Sur la voie de l’ultra
Assez douteuse de ses capacités sur le format long, Manon Campano n’imaginait pas un jour dépasser la barre des 80 kilomètres. Mais affûtée d’un corps qui récupère extrêmement vite, elle enchaîne les entraînements sans jamais se blesser. « Je faisais beaucoup de renforcement avec la gym, je pense que mon corps a été vite prêt. » Et d’ajouter : « Je ne pratique pas seulement la course à pied donc le fait de varier plein de sports me permet d’être mieux préparée ». Selon elle, l’ultra requiert de s’y engager progressivement. « Moi je vais sur une course en étant prête. Je n’y vais pas juste pour essayer. Non, j’y vais et j’essaie d’atteindre le podium. » Compétitrice dans l’âme, la jeune femme a pourtant connu l’échec sur la même course à deux reprises. Il s’agissait du 100 kilomètres de la CCC à l’UTMB, avec 6 000 mètres de dénivelé. N’ayant jamais dépassé 5 000 mètres de dénivelé, la jeune femme est consciente de ses points faibles et se donne les moyens de progresser, tout en écoutant son corps.
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Manon Campano où la recherche permanente d’équilibre
L’équilibre est l’objet d’une préoccupation quotidienne. Droguée par le sport, Manon considère néanmoins la famille comme le pilier majeur de sa vie. La naissance de son premier enfant à l’âge de vingt-et-un an a développé très tôt sa maturité en tant que femme : « Je n’ai pas vu l’ampleur de ce qui m’attendait ». Par la suite, deux autres sont nés. Durant ses grossesses, elle explique n’avoir jamais laissé le sport de côté. « Et pourtant ma gynéco me disait qu’il fallait arrêter, que j’allais accoucher avant. Finalement pour les deux derniers j’ai accouché cinq jours après terme, comme quoi… », confie-t-elle avec un sourire.
L’action et le mouvement ont permis à Manon Campano de bien vivre ses grossesses. Lors des courses elle sait que son mari et ses enfants l’attendent aux ravitaillements et à l’arrivée : « Je pense que ça me donne encore plus la niaque, l’envie de réussir. C’est pour eux que je le fais. » Du côté professionnel, le trail a gagné du terrain. Aujourd’hui sponsorisée par la marque américaine Merrell, la sportive explique qu’elle pense avoir trouvé le bon équilibre : « Même si les pompiers ne me plaisent plus autant qu’avant, ça me permet de conserver une vie sociale, de ne pas toujours faire la même chose. » D’autre part, les sponsors accompagnent les athlètes dans les projets de courses et participent très largement à leur financement. « En étant accompagné, tu peux te permettre de participer aux courses qui te font rêver ». Les athlètes Elites sont normalement limités à quatre objectifs maximums dans l’année. Mais la traileuse confie être la seule de sa team à participer aux courses de villages, ce qui lui permet de situer son niveau et d’entretenir son plaisir personnel, sans pression.
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Faire face à la jalousie
Manon doit, en parallèle de ses succès, encaisser les remarques et les critiques. Chez les pompiers, à ses débuts, « il y avait souvent de la jalousie de la part des hommes. C’était souvent tendu… ». Dans sa vie personnelle, on lui a déjà demandé : « Et tes enfants, tu en fais quoi ? ». Aussi, elle avoue appréhender le fait d’être « trop mise en avant », lorsqu’elle est contactée par des sponsors ou sollicitée par les journalistes. « J’ai toujours cette appréhension face aux gens jaloux. Maintenant j’accorde difficilement ma confiance et je me méfie beaucoup ». Elle prouve avant tout à ceux qui la jugent que l’utra-trail tout comme le métier de pompiers ne sont pas qu’une affaire d’hommes.
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