Charlotte Yven est une bizuth sur la Solitaire du Figaro.
À la rencontre des sportives

Voile – Solitaire du Figaro : les femmes prennent le large

Xavier Regnier
06.09.2021

La 52e édition de la Solitaire du Figaro s’est élancée le 18 août de Saint-Nazaire. Parmi les 34 skippeurs engagé·e·s, seulement cinq sont des femmes. C’est pourtant un chiffre exceptionnel pour cette course au large.

« C’est une course qui me fait rêver depuis toute petite, une course de légende… » À sa seule voix, on devine l’émotion d’Élodie Bonafous, issue de Morlaix où arrivera la troisième étape, de participer à la Solitaire du Figaro. De grands noms ont formé le prestige de la course, comme les expérimentés Michel Desjoyaux, Armel Le Cléac’h ou Jérémie Beyou, vainqueurs à plusieurs reprises. Mais aucune femme n’a encore remporté la Solitaire.

Dans le rude monde des marins, la course au large reste peu féminisée. Florence Arthaud et Isabelle Autissier demeurent des exceptions, et difficile de désigner les navigatrices actuelles comme de véritables héritières. Toutes racontent plutôt avoir suivi le même chemin, comme Charlotte Yven : « Je fais de la voile depuis petite avec mes parents. Puis j’ai suivi le parcours classique, de l’Optimist puis du dériveur, en Laser, 420 et 470. » S’ensuit un passage par un pôle, le goût aiguisé pour la compétition et l’envie de tenter le large.

Plus bizuth que femme à bord

Elles sont donc cinq cette année à s’aligner, contre deux l’an dernier. Parmi elles, quatre Françaises : Violette Dorange, Élodie Bonafous, Charlotte Yven et Estelle Greck. Dans le milieu, Charlotte et Estelle sont ce qu’on appelle des « bizuths ». Elles vivent leur première Solitaire du Figaro, généralement leur première saison au large. C’est le cas de dix autres des trente-quatre skippeurs engagés. Car la Solitaire, avec ses étapes de quatre jours, a aussi acquis un statut de « passage obligatoire » pour Violette Dorange dans la course au large. « Je n’avais jamais passé plus de deux nuits en mer, alors quatre nuits, c’est un saut dans l’inconnu », raconte Charlotte Yven. Il faut apprendre à trouver le sommeil, à bien manger…

Violette Dorange à la barre de son Figaro Bénéteau 3.

Violette Dorange à la barre de son Figaro Bénéteau 3, le 13 août 2021. Crédit photo : Bernard Le Bars / Devenir

Mais c’est une expérience que font tous les bizuths. La Bretonne préfère d’ailleurs se comparer aux autres néophytes que d’établir un classement des femmes. Les trois navigatrices dressent le même constat : être une femme ou un homme sur le navire n’a aucun impact. « C’est un sport où on peut jouer sur pleins de tableaux pour battre les hommes, ça ne se joue pas au physique. Il y a beaucoup d’autres paramètres sur lesquels on peut jouer », avance Violette Dorange.

« Oser se lancer »

Charlotte Yven en a d’ailleurs assez qu’on lui fasse la remarque : « Cette question, que les journalistes nous posent souvent, sous-entend que ça serait forcément plus dur d’être une fille sur un bateau. » Dès son passage au pôle France à Brest, Élodie Bonafous s’est amusée à battre en brèche ce stéréotype. « On a monté un équipage uniquement féminin. C’était par conviction, on voulait botter les fesses des garçons, et ça marchait plutôt bien », rigole-t-elle. Le monde de la voile n’est d’ailleurs pas fermé aux femmes. Elles sont bien accueillies par les marins masculins, et des sponsors organisent des sélections féminines.

C’est d’ailleurs comme ça qu’Élodie Bonafous se retrouve sur toutes les courses du circuit Figaro, engagée pour deux ans par le Crédit Mutuel de Bretagne. « On est capables de monter des projets, et notre différence peut plaire, il faut juste dépasser cette petite peur d’être au large sur un gros bateau », explique Violette Dorange. Les trois jeunes femmes sont unanimes sur les possibilités. « Si tu as envie de faire de la course au large, il faut le faire et ne pas s’arrêter aux préjugés », insiste Charlotte Yven. Pour sa deuxième Solitaire du Figaro, le Vendée Globe 2024 en point de mire, Violette Dorange conclut du haut de ses 20 ans : « Faut juste oser. »

Crédit photo : Jean Baptiste d’Enquin / Team Vendée Formation

Xavier Regnier
06.09.2021

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