Tribune. L’organisation de la huitième édition de la Coupe du monde féminine de football – une première en France – est devenue, ces derniers mois, un sujet médiatique. Presse, web, radios et télévisions abordent un des composants qui les concernent directement : le rapport aux médias. Et ils le font au travers des chiffres. La Coupe du monde est annoncée par des records de médiatisation – attendus ou réalisés lors d’anciennes éditions – de trois types : les audiences (« des pics », « des records pour la TNT », « Le foot féminin a le vent en poupe »), les droits télévisés (de 850 000 euros pour W9-M6 en 2015 à 12 millions en 2019 pour le groupe TF1
, « La coupe du monde 2019 (…) devrait à coup sûr réserver de belles surprises audiovisuelles, sur les chaînes du groupe TF1 et Canal + » Ouest France,24/01/2019) et, enfin, le taux de remplissage des stades (« en plein boom », « croissance exponentielle », « public record », France Inter,18/03/2019).Le point commun de ces chiffres : mesurer l’attrait des médias et du public. Ils répondent, ainsi, aux présupposés sur lesquels se construisent les résistances au développement du football féminin depuis le début des années 1930 : le manque de public et la rentabilité moindre pour les chaînes et les sponsors. Les médias recourent à ces chiffres pour légitimer le sujet. Les sujets débouchent d’ailleurs, parfois, sur des expressions d’imposition (« force est de constater », « Il va bien falloir l’intégrer », « Le football a bel et bien son pendant féminin » FranceTVsport,8/4/2019) ou relativisent le phénomène en le comparant à la Coupe du monde masculine (130 millions d’euros) et aux retransmissions télévisées sportives totales (dont 18 % consacrées au sport féminin, CSA 2018).
Globalement, les médias font de cette Coupe du monde un test grandeur nature – relayant les discours institutionnels – qui vise à apporter la preuve de son intérêt : « Le Mondial féminin, une occasion en or » (BFM, 9/2/2019), « le moment de briller » (Francetvinfo, 4/2018). L’événement devient un tremplin pour le sport féminin, un possible « Coup d’accélérateur », « La Coupe du monde doit servir à structurer le foot féminin » (Ouest France,8/4/2019).
Le point commun de ces procédés : délaisser l’angle sportif pour un angle social (« Oui, on peut jouer au foot en étant une femme ! » L’Humanité, 22/08/2018 ; « Histoire contrariée entre les femmes et le Mondial » Le Monde,8/12/2018) et un angle économique. Et souligner, au passage, l’attente d’une preuve de l’intérêt porté au football féminin et de ses résultats : « Pour peu que les Françaises réussissent leur compétition continentale, la discipline pourrait en effet connaître un sérieux bond en avant à la rentrée prochaine » (Le Télégramme, 9/4/2019). L’implication (ou non), des politiques publiques, institutionnelles et du secteur économique – les droits de diffusion étant liés au financement du sport, à la professionnalisation des équipes et aux résultats produits – est peu abordée. La Coupe du monde se voit alors confier une visée militante, celle de se défendre elle-même et de convaincre, loin d’une « égalité sans condition » (Réjane Sénac).
par Sandy Montañosa, Chercheuse au laboratoire Arènes, Université de Rennes 1
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ?
Proposez une correction à notre rédaction.
Vous avez aimé cet article ?
Retrouvez tous nos articles de fond dans le magazine
S’abonner au magazine